alimentation – Tenzo Le Gastrocéphale http://tenzo.fr Sciences de l'alimentation mar, 30 Mai 2017 11:07:34 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.7 L’Après-Fukushima : Reconfiguration des liens sociaux à travers l’alimentation http://tenzo.fr/articles/lapres-fukushima-reconfiguration-des-liens-sociaux-a-travers-lalimentation/ Sun, 15 May 2016 09:42:15 +0000 http://tenzo.fr/?p=2026
Le 11 mars 2011, la société japonaise est bouleversée par une catastrophe dont l’accident nucléaire provoque des dommages de manière incommensurable, à la fois dans le temps et dans l’espace. Entre déplacement du modèle alimentaire japonais, maintien du statut d’agriculteur et reconfiguration des liens sociaux, cet article permet d’entrevoir les rapports à l’alimentation entretenus par les Japonais depuis la catastrophe.
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Elisa Lomet
Elisa Lomet termine un Master en Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, après avoir obtenu un BTS en diététique et une licence en socio-anthropologie. Elle travaille actuellement sur la mise en place d’un Observatoire des pratiques et représentations alimentaires au Sénégal pour comprendre l’évolution des comportements, entre tradition et modernité, entre milieu urbain et milieu rural. Elle souhaite poursuivre ce type de projet dans d’autres pays en voie de développement afin d’aiguiller les politiques de santé et de participer à l’amélioration des conditions de vie des populations.

L’Après-Fukushima : Reconfiguration des liens sociaux à travers l’alimentation

15 MAI 2016 | PAR ELISA LOMET

 

Le 11 mars 2011, le Japon est exposé à une catastrophe nucléaire d’une gravité sans précédent. Qualifiée d’incommensurable, elle inscrit ses conséquences dans l’espace et dans le temps.1 Cette fois-ci, le désastre s’est abattu sur une région particulière du pays, celle du Tôhoku, tournée vers l’agriculture. Surnommée le « grenier à riz » du Japon et ceinture maraichère de Tokyo, la qualité de ses produits était de renommée nationale. Les dépôts de substances radioactives formés ont entraîné une contamination des productions agricoles destinées à l’alimentation.2 Le gouvernement japonais a rapidement défini des mesures pour encadrer la production et la vente des denrées provenant de la préfecture de Fukushima. Sans les avoir interdites, les autorités ont fixé des limites de contamination en radionucléides à ne pas dépasser.3 Mais l’anxiété suscitée a entrainé une perte de confiance auprès des populations. Pourtant, des individus continuent de vivre, de produire, de consommer dans les zones irradiées et certains, à l’extérieur de ces zones, continuent de consommer des produits contaminés. Qui sont-ils ? Comment s’accommodent-ils de cette situation ? La crise met en exergue la dimension socio-culturelle fondamentale de l’alimentation : un modèle alimentaire, ancré dans un système symbolique fort, qui reflète les valeurs collectives des Japonais, les plaçant devant des reconsidérations profondes. Mais en quoi le modèle alimentaire japonais est-il bouleversé ?

© Rémi Scoccimarro, 2015

© Rémi Scoccimarro, 2015

L’évacuation des populations hors de la zone « interdite d’accès » des 20 km autour de la centrale Fukushima Daiichi, de la zone « d’évacuation préparée » des 30 km et de la zone « d’évacuation délibérée » où l’exposition aux substances radioactives dépasse les 20 mSv/an, a entrainé le déplacement d’environ 160 000 personnes.4 Les agriculteurs locaux, entretenant une relation particulière au milieu5 ont ainsi vu leur identité bouleversée. Pourtant ce lien au territoire les incite à mettre en place des stratégies pour réinvestir la production agricole et redresser le pays. Comment s’envisagent-elles? Comment s’organisent-elles?

 

Les discours semblent converger vers une entraide collective post-catastrophe qui assurément constitue un facteur de résilience pour la société locale ainsi que pour l’ensemble de la société japonaise.6 Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que l’idéogramme, retenu traditionnellement chaque année, a été le mot kizuna, « le lien » en japonais. De ce désastre semble ressortir la force des liens recréés entre les populations au niveau local, régional et national. Mais en quoi ceux-ci sont porteurs d’espoir pour la reconstruction du pays ?

 

Cet article, appuyé d’une revue de littérature en français et en anglais ainsi que d’entretiens auprès d’experts et de profanes, se propose d’appréhender la catastrophe dans un cadre socio-anthropologique. Il permet la mesure des aspects liés aux pratiques et représentations des agriculteurs sinistrés. L’accident nucléaire de 2011, relativement peu traité sous cet angle, servira de levier d’étude du fait alimentaire. Il permet, en filigrane, l’analyse des rapports sociaux à l’espace géographique suggérant d’étudier ici les relations qu’entretiennent les agriculteurs japonais avec leur territoire mais également l’évolution des liens sociaux entre acteurs. La situation de ces personnes est envisagée, impliquant à la fois déplacement, maintien et reconstruction des liens sociaux dans le contexte spécifique du modèle alimentaire japonais.

 

Le déplacement des agriculteurs bouleverse l’espace social alimentaire

 

La production agricole de la région a directement été impactée par la contamination radioactive. Les agriculteurs ne pouvant continuer à exploiter leurs terres, ce bouleversement a engendré des conséquences sur le modèle alimentaire du pays et, en finalité, une reconfiguration de normes, de pratiques et de valeurs. A travers le concept d’ « espace social alimentaire »7 et des entretiens exploratoires menés lors de l’étude8, les fonctions sociales de l’alimentation et leurs degrés d’affect peuvent être entrevus.

 

La production, directement impactée par la radioactivité, met en péril le reste de la filière. L’approvisionnement en denrées alimentaires dans le département s’établit ainsi : soit les habitants continuent de manger les aliments qu’ils produisent, soit ils les importent de l’extérieur, des régions ou des pays alentours. Cette reconfiguration sous-tend des pertes de repères dans la société et une altération de l’identité et de la qualité des produits. En ce sens, la catastrophe parait avoir reconfiguré le « bon à penser »9 de l’alimentation, entraînant des changements dans les pratiques alimentaires. Pour définir si un aliment provenant de la zone de Fukushima est consommable ou non, des mesures gouvernementales, via des contrôles de radioactivité, permettent d’assurer la sécurité des consommateurs. Ces normes encadrant les pratiques semblent instaurer un climat de confiance. Cependant, certains Japonais abandonneraient l’idée même de consommer des produits de la région, la valeur symbolique des aliments dits « sains » étant trop atteinte. Pour pallier à cela et redynamiser les ventes, des stratégies et des opérations de communication ont été mises en place par le gouvernement.

© Guillaume Bression, Carlos Ayesta. Projet « Fukushima No Go Zone », 2011-2014.

© Guillaume Bression, Carlos Ayesta. Projet « Fukushima No Go Zone », 2011-2014.

 

Divers comportements d’achat en découlent : entre les consommateurs hors de la zone contaminée qui achètent consciemment des produits de Fukushima par soutien, ceux qui s’y refusent catégoriquement, ceux angoissés, ceux non informés et les consommateurs de la zone irradiée qui se nourrissent par nécessité… nous retrouvons une multitude de comportements qui incombe à la filière du système alimentaire. Ceux-ci rappellent, qu’en temps de crise, la distance entre le lieu de production et le lieu de consommation a un impact conséquent dans les choix alimentaires.

 

Les décisions individuelles semblent plus mesurées, réfléchies, redéfinissant une taxinomie de règles par rapport au risque de contamination encouru. D’après les entretiens, les critères d’âge et de cycles de vie sont corrélés aux modes de consommation post-catastrophe. Les familles paraissent davantage préoccupées par ce qu’elles mangent. Elles ont en effet conscience des conséquences néfastes de la radioactivité sur leurs enfants, les exposant potentiellement à des maladies sur le long terme. Les personnes âgées, quant à elles, se sentent moins concernées par le danger que représentent ces aliments irradiés pour leur santé.

 

Des leviers de différenciation ou d’intégration sociale peuvent être repérés selon des facteurs culturel, religieux, social, entre acceptation et rejet des aliments contaminés. 
D’après les discours recueillis, les catégories socioprofessionnelles jouent également un rôle dans cet espace de différenciation : les producteurs, de par leur activité, seraient plus solidaires auprès des agriculteurs sinistrés, alors que les classes les plus élevées chercheraient davantage à s’éloigner des aliments de Fukushima. Enfin, les personnes engagées dans une communauté d’agriculteurs seraient plus à même à consommer ces aliments irradiés, par solidarité.

 

La catastrophe de Fukushima paraît servir de levier dans les mœurs japonaises et de prise de conscience vis-à-vis de la sécurité sanitaire des aliments. La perte de confiance des consommateurs, soulevée de nombreuses fois dans les entretiens et les lectures, met en péril la place des producteurs dans le modèle alimentaire. Afin de maintenir une certaine légitimité dans la filière, ceux-ci mettent en place des stratégies.

 

Les stratégies des agriculteurs pour maintenir autant leur place dans l’espace social alimentaire

 

Pour les producteurs, le lien à la terre justifie leur existence, leur essence même. Installés depuis des générations dans la région, la majeure partie a le souhait de réinvestir les exploitations pour reconstruire le territoire. La mise en œuvre de mesures de décontamination des sols par le gouvernement pose l’éventualité d’un retour d’une partie de la population évacuée et d’une reprise de pratiques agricoles. En effet, comme l’évoquent Hasegawa et Sugeno « seule la préservation de pratiques agricoles maîtrisées et spécifiques permettra de faire obstacle à la radioactivité, […] limitant la contamination graduelle des sols, de l’eau et de l’alimentation. »10. Les consommateurs ont toujours des solutions de recours pour s’approvisionner et faire face à la catastrophe contrairement aux producteurs qui, afin de maintenir leur place dans l’espace social alimentaire, optent pour des stratégies particulières pour justifier leur statut.

© Guillaume Bression, Carlos Ayesta. Projet « Fukushima No Go Zone », 2011-2014.

© Guillaume Bression, Carlos Ayesta. Projet « Fukushima No Go Zone », 2011-2014.

 

La première stratégie s’opère dans les choix de localisation de la production. Les agriculteurs plébiscitent les zones les moins contaminées pour garantir au mieux une sécurité alimentaire satisfaisante. Ils se réfèrent ainsi à des cartes géographiques de la contamination des sols, établies par des chercheurs spécialistes, pour s’adapter aux normes techniques de contrôle de la radioactivité.

 

Des producteurs biologiques mènent également des expériences avec de nouveaux procédés de décontamination.11 Pour tenter de maintenir une activité rizicole de qualité sur des surfaces faiblement radioactives, ceux-ci mettent en place une culture rotationnelle de riz et de plantes oléagineuses. Le colza et le tournesol sont utilisés pour produire de l’huile et absorber les radionucléides. Plus encore que l’objectif d’assainissement des terres, la revente de cette huile auprès des consommateurs, qui une fois extraite est dépourvue de césiums, sert de financement au projet. Cette technique testée à Minamisôma illustre la volonté de reconsidérer l’activité des agriculteurs de la région auprès des Japonais.12 Elle fait participer les consommateurs à la pérennisation de la production agricole, indépendamment du système d’aide publique.

 

Une autre stratégie de sauvegarde des activités agricoles repose sur un système de production hors-sol, comme proposé à Sendai. La construction en hauteur de cultures de légumes et de fruits permet en effet de produire des aliments sains, à l’abri de la pollution radioactive.13 Le concept propose de déconnecter les cultures de leur milieu, en apportant nutriments, humidité et lumière dont elles nécessitent. Ce symbole de reconstruction est un moyen pour les agriculteurs de maintenir leur système de production mais il pose le problème du rapport au milieu et à l’environnement.

 

Il va de soi que ces quelques exemples d’adaptation sont limités voire anecdotiques en terme de production. Certes la volonté d’assurer la sécurité alimentaire est un moyen de regagner la confiance des consommateurs à distance des zones contaminées, de maintenir le statut des producteurs dans la filière, mais sectionner les liens avec le territoire, comme dans ce dernier exemple, va à l’encontre de la pensée japonaise et des traditions agricoles.14 Au-delà des stratégies de reconfiguration de la production, il faut penser les liens intercommunautaires comme apport et soutien au maintien du statut de l’agriculteur dans l’espace social alimentaire.

 

Une reconstruction du lien social au travers de l’alimentation

 

Le déplacement des producteurs hors des zones contaminées a également engendré des effets, à un niveau bien plus large, sur les liens sociaux entretenus avec les consommateurs et entre agriculteurs, sur la relation de confiance. Entre solidarité et stigmatisation, l’alimentation s’appréhende comme un levier de reconfigurations sociales au sein des communautés.

 

Au-delà d’une contamination des sols, de l’air, de la mer, les conséquences de la catastrophe peuvent se décrire autour d’une certaine contamination sociale de la radioactivité. En ce sens, tout élément qui a pour origine Fukushima paraît empreint de nocivité et entraîne des phénomènes de stigmatisation. Ce constat est d’ailleurs remarquable quant à l’évolution du nombre de mariages qui diminue progressivement dans le département de Fukushima.15

 

L’étude des solidarités peut se penser à une échelle interne ou externe au département, entre producteurs et consommateurs. D’un point de vue externe aux frontières du département, concernant les consommateurs japonais, une tension est observable entre la volonté de faire acte de solidarité dans les achats pour soutenir les populations touchées et le refus de consommer des aliments irradiés. Les entretiens réalisés révèlent que ces réactions pourraient se traduire selon des critères sociodémographiques précis. Ils invitent à une étude sociologique approfondie où la prise en compte du vécu des personnes parait indispensable pour comprendre leurs motivations à soutenir les populations sinistrées. Du côté des producteurs, au sein de la préfecture de Fukushima, différents mouvements d’entraide sont observables. L’exercice d’une même activité, la force de lien au territoire qui les unit et qui les pousse à revenir sur leurs terres sont vecteurs de création ou de recréation de sphères collectives. Or un esprit de groupe, solidaire, est indispensable pour se relever d’un évènement traumatique comme celui de 2011. De nombreuses associations ont ainsi émergé suite à la catastrophe, renforçant le lien social entre les individus.

© Guillaume Bression, Carlos Ayesta. Projet « Fukushima No Go Zone », 2011-2014.

© Guillaume Bression, Carlos Ayesta. Projet « Fukushima No Go Zone », 2011-2014.

 

Un couple franco-japonais, interrogé dans le cadre de l’étude, a vécu le tremblement de terre de Kobe en 1995 et fait le rapprochement avec l’accident de Fukushima. D’après eux, la ville ne se serait jamais reconstruite aussi rapidement sans les communautés qui se sont développées. Leur efficacité semble tenir compte de leur petite taille, d’initiatives individuelles et de leur préexistence à la catastrophe. A ce titre, le mouvement de coopération agriculteurs-consommateurs teikei16, né d’une crise environnementale et particulièrement investi dans le département de Fukushima, suscite une lueur d’espoir dans la reconstruction du lien social.17 Plus généralement, le pays fait preuve d’une volonté collective d’entraide car pour les Japonais faire acte de solidarité relève du patriotisme. Depuis 2011, une prise de conscience commune parait se dessiner, se réfugiant derrière un « nous » collectif avec une dimension active, solidaire, concrète.18

 

A partir de ces différents éléments, l’étendue des comportements des acteurs peut s’envisager. L’entraide collective et les solidarités présentent des solutions pour recoudre le tissu social après le désastre. Les communautés réinvesties tentent de conserver la légitimité des producteurs dans la filière alimentaire et de récréer un rapport de confiance avec les consommateurs. Elles assurent un facteur de résilience pour la société locale ainsi que pour l’ensemble de la société japonaise. La reconstruction du pays passera notamment par la réappropriation du modèle alimentaire via la reconstruction des liens sociaux entre producteurs et consommateurs, soutenue au sein des communautés d’agriculteurs. Namazu, la légende du poisson-chat se débattant dans les méandres du Japon, invite à ce titre, dans l’imaginaire japonais, à penser la catastrophe comme une réorganisation du monde, un renouveau de l’ordre social porteur d’espoir.

1. AUGENDRE, Marie. « Un modèle géographique de la catastrophe ». Ebisu. Études japonaises, 2012, n° 47 : 27-38.

2. L’Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire a établi une synthèse en juillet 2012 reprenant les informations relatives à la contamination des denrées alimentaires par les radionucléides persistant dans l’environnement suite à la catastrophe nucléaire.

3. Seuil défini en en becquerels par kilo.

4. Chiffres issus du Cabinet Office, Gouvernment of Japan, un mois après la catastrophe. [En ligne]. Disponible sur : www.cao.go.jp/shien/1-hisaisha/pdf/5-hikaku.pdf.

5. BERQUE A., « Milieu, co-suscitation, désastres naturels et humains ». Ebisu. Etudes japonaises, 2012, n°47 : 41-48.

6. PELLETIER P., Atlas du Japon. Après Fukushima, une société fragilisée. Autrement, 2012, 96 p.

7. POULAIN J.-P., Sociologies de l’Alimentation. Presses Universitaires de France, Paris, 2002, 288p.

8. LOMET E., L’après-Fukushima : reconfiguration des liens sociaux à travers l’alimentation, le cas des agriculteurs sinistrés de la région. Mémoire de Master 1 Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, Université Toulouse Jean Jaurès, 2015, 139p. [En ligne]

9. D’après Lévi-Strauss « Il ne suffit pas qu’un aliment soit bon à manger, encore faut-il qu’il soit bon à penser ».

10. HASEGAWA H., SUGENO S., Les pratiques agricoles permettant de faire obstacle à la radioactivité. Commons, 2012.

11. Association Minkan inasaku kenkyûjo, organisation à but non lucratif

12. ISHII K., MORLANS S., « La reprise des activités agricoles dans les régions contaminées après l’accident de Fukushima », Géographie et cultures n°86, 2014, p.65-82

13. ORITO E., « Les teikei – les précurseurs au Japon de l’agriculture biologique – face à la catastrophe nucléaire de mars 2011 », Géographie et cultures n° 86, 2014, p.83-99

14. ORITO E., « Les teikei – les précurseurs au Japon de l’agriculture biologique – face à la catastrophe nucléaire de mars 2011 », Géographie et cultures n° 86, 2014, p.83-99

15. Propos d’un chercheur géographe, spécialiste de la catastrophe de Fukushima, interrogé dans le cadre de l’étude.

16. Les teikei qui ont inspiré les AMAP (Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne lancées en France en 2001) mettent en rapport direct les agriculteurs producteurs et les consommateurs. Signifie en japonais « coopération ».

17. ORITO E., « Les teikei – les précurseurs au Japon de l’agriculture biologique – face à la catastrophe nucléaire de mars 2011 », Géographie et cultures n° 86, 2014, p.83-99

18. Propos du directeur d’une association franco-japonaise, interrogé dans le cadre de l’étude.

Bibliographie

∴ AUGENDRE, Marie. « Un modèle géographique de la catastrophe ». Ebisu. Études japonaises, 2012, n° 47 : 27-38.
∴ BERQUE A., « Milieu, co-suscitation, désastres naturels et humains ». Ebisu. Etudes japonaises, 2012, n°47 : 41-48.
∴ HASEGAWA H., SUGENO S., Les pratiques agricoles permettant de faire obstacle à la radioactivité. Commons, 2012.
∴ ISHII K., MORLANS S., « La reprise des activités agricoles dans les régions contaminées après l’accident de Fukushima », Géographie et cultures n°86.
∴ LOMET E., L’après-Fukushima : reconfiguration des liens sociaux à travers l’alimentation, le cas des agriculteurs sinistrés de la région. Mémoire de Master 1 Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, Université Toulouse Jean Jaurès, 2015, 139p. [En ligne]
∴ ORITO E., « Les teikei – les précurseurs au Japon de l’agriculture biologique – face à la catastrophe nucléaire de mars 2011 », Géographie et cultures n° 86, 2014, p.83-99.
∴ PELLETIER P., Atlas du Japon. Après Fukushima, une société fragilisée. Autrement, 2012, 96 p.
∴ POULAIN J.-P., Sociologies de l’Alimentation. Presses Universitaires de France, Paris, 2002, 288p.

Pour aller plus loin

Le travail des photographes
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Gloutonnerie et pouvoir ou la folie des grandeurs http://tenzo.fr/articles/gloutonnerie-et-pouvoir-ou-la-folie-des-grandeurs/ Thu, 05 May 2016 12:08:36 +0000 http://tenzo.fr/?p=1994
La folie du pouvoir et le détournement de l'acte alimentaire.
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Gloutonnerie et pouvoir ou la folie des grandeurs

07 MAI 2016 | PAR SOPHIE RAOBEHARILALA

Le mois dernier, nous avons abordé la propagande politique dans la peinture et son côté moralisateur dénonçant des « travers » de conduite. Toujours dans cette lignée, nous allons ce mois-ci découvrir le rôle de l’acte alimentaire dans le pouvoir à travers l’art.

La première œuvre sélectionnée est Diomède dévoré par ses propres chevaux, de Jean-Baptiste-Marie Pierre. [1]

Cette œuvre reprend le thème des douze travaux d’Héraclès. En effet, le huitième travail demandé à Hercule est de montrer de l’inhumanité, après avoir prouvé force, courage et adresse. Pour ce faire, Eurysthée lui ordonne de capturer les juments mangeuses d’hommes de Diomède, roi des Thraces. D’après le mythe grec, ce roi avait pour habitude de nourrir ses juments à la chair humaine. Les écuries royales étaient redoutées de tous car tout hôte du roi était donné en pâture à ses juments. Diomède possédait quatre juments: Dinos, Lampon, Padragos et Xanthos. Celles-ci étaient attachées en permanence à leurs mangeoires par des chaînes.
Lorsque Héraclès arriva en Thrace et s’empara des juments, il les mena sur une colline près de la mer. Diomède le poursuivi aidé de ses Bistones. Il fut assommé par Héraclès à coup de massue et son corps encore vivant fut donné à ses juments.
Ce tableau traite du thème de l’anthropophagie chez l’animal. Dans ce cas présent, cet attrait pour la chair humaine est dû à une extravagance du roi Diomède, certainement mise en place afin de donner une image de terreur et de folie à ses ennemis.
Georges Devereux se penche sur la question du cheval anthropophage chez les Grecs anciens. D’après lui, ce phénomène se retrouve dans les terres d’Asie Centrale où les chevaux sont nourris au sang de porc et au foie (au Tibet par exemple), ceci à cause du froid. Le cheval est donc un animal capable de digérer des protéines animales.[2]
Devereux rappelle également que les Grecs ne hongraient pas leurs étalons mais les muselaient de peur de se faire mordre. Cette peur a plusieurs causes selon l’auteur : une conséquence de l’enfance avec l’image du cheval mangeur d’hommes, fantasme qui d’après Freud,

« se rattache aux angoisses oedipiennes. Le « cheval dévorant » de telles phobies semble symboliser le père « oedipien » bestial […]».

Devereux souligne également que cette crainte de l’enfant peut se poursuivre à l’âge adulte .
Les raisons pour lesquelles Diomède nourrit ses juments à l’humain ne sont pas éclaircies mais d’après ce tableau et en observant l’expression de terreur du roi de Thrace, il est possible de faire un parallèle entre la théorie freudienne et cette situation. Diomède fait figure de père pour ses juments ; si l’on reprend l’argument du père oedipien, les juments sont prises « d’une angoisse érotisée » et dévorent leur « père ».
Si l’on s’attache aux raisons plus naturelles, les juments dévorent Diomède par habitude d’avoir de la chair humaine vivante dans leurs mangeoires.
La composition de ce tableau représente parfaitement la folie de la scène : Héraclès tient d’une main les rennes de juments non domestiquées, bavant, l’oeil empreint d’une lueur bestiale. La chair est présente, bien qu’il ne s’agisse pas de celle du roi Diomède mais d’Héraclès, certainement une référence à son rôle de héros représenté dans la nudité, symbole de pureté. Diomède est entouré d’une cape rouge tombante dans un mouvement onduleux, illustrant le sang versé. La violence de la scène est traduite par les différentes lignes se croisant : les jambes et bras, les rennes, tant d’obliques dirigeant le regard du spectateur vers des points d’action violente : une tête de jument enragée, une forte poigne retenant par le col un roi tétanisé, une jambe en parallèle d’un glaive brisé.
Ce tableau illustre donc les conséquences des frasques d’un roi pris de folie et de soif de pouvoir. Sa volonté d’instaurer la terreur sur ses terres à travers des extravagances alimentaires s’est retournée contre lui.

 

Enfin la seconde œuvre choisie est attribuée à Pietro Testa, Saturne dévorant un enfant 3.

Pietro Testa eut pour mécène le commandeur Cassiano de Pozzo qui, frappé de son talent, le chargea de dessiner toutes les plus belles antiquités de la ville de Rome :

« La Testa donc termina de sa main cinq grands livres, le premier desquels est tout plein de dessins faits d’après des bas-reliefs et des statues antiques de Rome, et comprend toutes les choses qui se rapportent tant aux fables de la mythologie at aux faux dieux du paganisme qu’aux sacrifices »4.

Cette œuvre s’inscrit donc dans cet ouvrage puisqu’elle traite du mythe de Saturne (ou Cronos) dévorant un enfant, mythe tiré de la Théogonie d’Hésiode :

« Pour ne pas être détrôné à son tour par sa progéniture, suivant les prédictions de ses parents, il dévore ses propres enfants dès leur naissance. Rhéa, à la fois sa sœur et son épouse, s’enfuit en Crète pour accoucher de Zeus. À la place de Zeus, Rhéa donne à Cronos une pierre à manger »5.

L’anthropophagie est ici présentée comme

«[…] anthropophagie politique, l’application d’un principe de précaution, l’avalement, katapineei, puisqu’il sait que le gosse doit le détrôner. L’engloutit d’un coup, du coup […]»6.

Dans sa peur de ne plus être roi mais de devenir humain, pour ainsi dire rien, Cronos se débarrassa de tout obstacle à son règne en les avalant. Cette image de ce dieu dévorant des enfants rappelle l’image de l’ogre des contes pour enfants. On y retrouve plusieurs similitudes avec la faucille qui caractérise le dieu mais également les ogres. Or, à l’époque moderne, ces contes européens sont axés sur la culture de la faim.
Plusieurs interprétations du tableau sont donc possibles : d’une part, dénoncer le fait que manger dans un élan de folie tout ce qui est à sa portée par goinfrerie n’immunise pas contre la faim et donc ne garantit pas un état de satiété permanent car d’autres facteurs rentrent en jeu, mais aussi que l’entreprise de Cronos fut un échec puisque Zeus survécut à son insu et le détrôna. À une époque où les denrées sont limitées, cette œuvre sert peut-être à montrer l’existence de situations alimentaires extrêmes. Rappelons que Cassiano de Pozzo7 est un personnage important dans la communauté scientifique européenne.
D’autre part, l’anthropophagie comme arme politique ou la destruction d’une descendance à cause d’une folle avidité de pouvoir.

 

On voit donc un point commun entre les deux dernières œuvres, nourrir l’Homme ou la bête de chair humaine pour raison d’État terrorise, mais ne permet pas d’arriver à ses fins ni d’empêcher le destin.

Bibliographie

 

∴Guide Musée Fabre – Paris : Réunion des musées nationaux, 2007. -229p. : ill. ; 23cm

 

∴Baldinucci, Vita di Pietro Testa, t.11, p.480 et suiv.

 

∴Devereux Georges. Les chevaux anthropophages dans les mythes grecs . In: Revue des Études Grecques, tome 88, fascicule 419-423, Janvier-décembre 1975. pp. 203-205.

 

∴Peyret Jean-François et Alain Prochiantz, La génisse et le pythagoricien : traité des formes I. éditions Odile Jacob, 2002.

1. PIERRE Jean-Baptiste-Marie ( Paris, 1713 – Paris, 1789 ), Diomède roi de Thrace, tué par Hercule et dévoré par ses propres chevaux, 1742. Huile sur toile H. 1.945 ; L. 1.400
Dépôt de l’Etat, 1803. Transfert de propriété des œuvres de l’Etat, en dépôt au musée Fabre, 2012. Inv. : 2012.19.23

2. Devereux Georges. Les chevaux anthropophages dans les mythes grecs . In: Revue des Études Grecques, tome 88, fascicule 419-423, Janvier-décembre 1975. pp. 203-205.

3.TESTA Pietro ( Lucques, 1612 – Rome, 1650 ) (attribué à), Saturne dévorant un enfant, 17e siècle. Plume et encre brune, sur un tracé au graphite, sur papier crème. Legs Jules Bonnet-Mel, 1864, Inv. : 864.2.257

4. Baldinucci, Vita di Pietro Testa, t.11, p.480 et suiv.

5. Jean Chevalier, Alain Gheerbrant. »Dictionnaire des symboles » Edition Robert Laffont 1989.

6. Jean-François Peyret et Alain Prochiantz, La génisse et le pythagoricien : traité des formes I

7. Cassiano dal Pozzo (1588-1657): docteur, collectionneur et mécène d’art, il est une figure du monde scientifique européen s’intéressant en particulier à la science de l’alchimie.

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Peinture et nourriture : les outils d’une Renaissance moralisatrice http://tenzo.fr/articles/peinture-et-nourriture-les-outils-dune-renaissance-moralisatrice/ Sun, 10 Apr 2016 08:00:25 +0000 http://tenzo.fr/?p=1885
Lorsque peinture et alimentation deviennent des outils de propagande moralisatrice : retour sur la peinture flamande Renaissance.
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Aller plus loin

Musée Fabre

Peinture et nourriture : les outils d’une Renaissance moralisatrice

10 AVRIL 2016 | PAR SOPHIE RAOBEHARILALA

 

La gastronomie et la peinture sont des arts à part entière. Mais il n’est pas rare de les voir se croiser et se compléter dans des buts bien précis. Lorsque l’on parle de peinture, bien souvent on retrouve des termes du jargon de cuisine dans la description de couleurs, techniques et autre. Comme l’explique Jean-Pierre Cuzin :

« On a certainement déjà relevé tous les termes communs à la cuisine et à la peinture, et qui remettent sainement l’œuvre picturale à sa place : une chose, bien matérielle, fabriquée de main d’homme. Pourtant ces termes remontent à l’époque, déjà lointaine, où l’on peignait comme l’on cuisinait, dans le Midi au moins, à l’huile. […] on parlait de jus, de sauces et même, pire, de tambouille pour désigner les mixtures improbables des ateliers d’artistes. […] Les couleurs sont froides ou chaudes, elles sont acides, douces, aigres, fortes, suaves. […] L’œil et le palais s’entraident, si l’on peut dire, pour tenter d’évoquer l’impossible : le pictural, la spécificité et l’accord des couleurs, leurs contrastes, leur rayonnement. Comme les préparations du cuisinier, une peinture peut être tendre, sèche, mousseuse ou lissée. Et l’on sait ce que c’est qu’une croûte, hélas, triste emprunt pour une fois, du vocabulaire du peintre à celui du cuisinier. »[1]

Les liens entre la gastronomie et l’art sont bien réels et servent à mettre en avant des traits et comportements humains durant la période de la Renaissance. Nous allons donc observer l’utilisation de l’acte alimentaire dans les représentations artistiques pour souligner des comportements humains, à travers deux tableaux issus de la collection du Musée Fabre de Montpellier.

 

Le musée Fabre regroupe une collection d’œuvres appartenant au peintre Baron François-Xavier Fabre (1766-1837), natif de la ville. Demeurant à Florence et dans le reste de l’Italie durant la majeure partie de sa vie, Fabre réunit des tableaux des écoles italiennes de la Renaissance au XVIIè siècle bien sûr, mais également de peintres français du XVIIIè, ainsi que de ses contemporains. Dans un souci de transmission et se basant sur le modèle italien, Fabre fit non seulement une donation de ses biens à sa ville natale, mais il fit également construire dans le musée une école de dessin ainsi qu’une bibliothèque.
Les œuvres sélectionnées sont de peintres flamands et français.

 

Le premier tableau sélectionné est Jeune hollandaise versant à boire, par Gerard ter Borch (1617-1681).ter-borch-jeune-hollandaise-versant-boire-1660
Le guide du musée Fabre[2] mentionne les sujets et thématiques choisis par Ter Borch, peignant «quelques scènes de taverne et de corps de garde à la fin des années 1640».
La scène est composée d’une jeune servante de taverne (ou bien de bordel, comme le suggère le guide), assise à la table du soldat affalé et endormi, lui servant à boire, sous l’œil moqueur d’un troisième personnage. Toujours d’après cette source :

 

«L’expression de la jeune servante est séduisante mais énigmatique : se réjouit-elle d’avoir joué un tour à son client, d’avoir vidé avec lui le pichet, de se servir à boire ? L’homme debout est-il son comparse ?»[3]

Dans son ouvrage De la narrativité en peinture : essai sur la figuration narrative[4], Raymond Perrot décrit ce tableau comme la « représentation d’une jeune fille ou jeune femme versant à boire à un soldat, identifiable à son armure, déjà repu et endormi sur la table. ». D’après l’auteur, il y a une nouveauté marquée ici avec la représentation de l’ivresse provoquée car bien que le buveur soit dans un état second, enivré par la boisson et ne pouvant se tenir droit et lucide tel un bon soldat, la jeune fille continue de lui remplir son verre « que l’homme ne peut plus absorber».
Lors de la restauration de ce tableau, un nouveau personnage rieur, constatant l’état du soldat ivre, a été découvert en arrière-plan. Perrot décrit ce personnage riant « de voir le premier personnage plongé dans un sommeil éthylique […]». Perrot s’interroge sur le masquage de ce personnage, action qui selon lui modifie complètement le sens de la scène.

 

En analysant ces deux commentaires et en observant le tableau, on peut en conclure que le soldat représenté a non seulement bu plus que de raison à n’en plus pouvoir se tenir droit, lucide, mais il a également fumé : une pipe blanche en écume est posée près de sa main. Tout laisse donc à croire en le voyant assoupi en public que le mélange de l’alcool et du tabac a eu raison de lui.
Le personnage de la jeune fille, qui est d’ailleurs seule mentionnée dans le titre de l’œuvre, montre une image de la femme tentatrice. S’agissant d’une serveuse, l’usage en bonne maison voudrait qu’elle ne s’attable pas avec les clients; non seulement elle est attablée auprès du soldat endormi mais de surcroît sert un verre d’alcool. Le spectateur peut se demander si l’état du soldat est le fait de la jeune fille, si ce verre servi servira à l’enivrer davantage ou bien s’il est tout simplement pour la serveuse elle-même.
La composition de lumière dans le tableau marque l’importance de la jeune femme dans cette scène car les seuls éléments mis en lumière sont la jeune femme en habit clair et à la peau blanche, les reflets de lumière sur la carafe, le verre, la pipe et la cuirasse du soldat ; tout ceci illustre un lien de cause à effet.
Quant au personnage secondaire souriant en regardant le soldat endormi, a-t-il un rôle dans cet état d’ébriété (serait-ce un patron poussant à la consommation) ou se moque-t-il simplement de l’homme représentant la loi et la sécurité de la nation ?
Le guide du musée rappelle le discours moralisateur de l’époque à l’égard de l’alcool et du tabac. Ce tableau peut donc s’inscrire dans cette démarche, démontrant que ces deux éléments peuvent avoir raison de l’Homme quelle que soit sa position sociale et fonction si consommés sans modération. L’image de la femme associée à cela fait un parallèle avec l’image d’Eve et la pomme donnée à Adam, exemple religieux connu de tous.

 

Le second tableau choisi s’intitule Comme les vieux chantent, les enfants piaillent, réalisé par Jan Havicksz Steen. steen-comme-les-vieux-chantentDans son analyse de l’œuvre, Olivier Zeder[5] souligne le côté théâtral de la scène, une « comédie humaine », en particulier avec la présence d’un rideau à gauche du tableau. Le titre du tableau réfère au proverbe flamand chanté par la vieille femme qui le lit sur le papier qu’elle tient. D’après Zeder, Steen jour sur le sens du mot piailler qui signifie en hollandais gazouiller, « mais qui est à la racine du verbe jouer de la cornemuse, fumer la pipe et « siffler » un verre». L’auteur insiste davantage sur la représentation des «vices de l’homme qui perdurent à travers les générations» que sur les marqueurs artistiques du tableau : à nouveau doit-on y voir une approche moralisatrice ? Le titre du tableau reprend donc de manière détournée la tentation, si l’on se base sur le lien entre «siffler» un verre, fumer la pipe et le mot piailler. À cela s’ajoute le fait que ce verbe est accordé au sujet « les enfants », ce qui souligne le mimétisme des générations mentionné auparavant. Zeder insiste à nouveau sur l’image de la femme dans ce tableau : celle-ci se trouve au centre de la composition ainsi que dans le titre de l’œuvre puisque la vieille femme lit le proverbe repris dans l’intitulé. On y voit la maîtresse de maison se faisant servir un verre d’alcool en présence d’enfants en bas âge et légèrement plus âgés. Les adultes de cette scène semblent être joyeux dans une ambiance de fête, la nourriture et la boisson aidant. Au centre du tableau, un enfant boit à même le pichet «imitant ses aînés adonnés à l’intempérance, en particulier la maîtresse de maison, pourtant garante de l’harmonie et la pureté du foyer».

 

Les éléments relatifs à l’alimentation présents dans la scène sont l’huître, la pomme, la statue d’Amour, un tableau montrant le combat de cavaliers, tous du registre des péchés.
Enfin, sur la droite du tableau peut-on apercevoir un fumeur de pipe blanche. Suivant une approche similaire, Perrot traduit ce tableau comme la condamnation d’une «consommation trop généreuse parce qu’elle donne le mauvais exemple à la génération suivante».
Insistant sur le côté théâtral de la scène, Perrot décrit la composition du tableau pareille à une partition musicale avec des personnages « en guirlande », ou «la modulation d’une voix prononçant une phrase pleine de conseils vertueux». Ceci est associé au titre de l’œuvre, lui-même chanté dans le tableau par un des personnages.
Ainsi le spectateur peut-il en conclure que cette représentation de l’excès de consommation de nourriture et de boisson, autorisé par la maîtresse de maison, chez petits et grands illustre le mauvais exemple.

 

Lorsque l’on compare les deux œuvres présentées, leur point commun, outre le fait qu’il s’agisse de deux toiles hollandaises, est de dénoncer les travers humains causés par la femme, la boisson, le tabac et la nourriture, approche s’inscrivant pleinement dans le discours moralisateur de la peinture hollandaise moderne. Les peintres cherchent à insérer des significations délatrices à l’instar des publicités préventives actuelles, mettant en avant ici le soldat protecteur du pays, et la mère protectrice de la famille. Il n’y a donc pas de place pour la décadence et l’excès si l’on souhaite garder sa dignité et son rang, et ce sur plusieurs générations.

 

Cette sélection souligne de nombreux travers de l’être humain dans son approche à l’alimentation au temps de l’époque moderne : le côté moralisateur souligne les méfaits des excès, les incitations féminines néfastes, un avertissement contre certains produits tels l’alcool et le tabac.
La question demeure sur le rôle des peintres : exécutent-ils des œuvres flatteuses et moralisatrices de leur plein gré ou bien est-ce à la demande des commanditaires ? Le public visé est-il réceptif ? Sachant que les commanditaires sont en général des gens fortunés, n’y a-t-il pas là une ironie dans la commande d’œuvres dénonçant leurs façons de vivre ? Une démarche qui n’est pas sans rappeler le théâtre de Molière.

Notes de bas de page

1.Quoniam.S, Pinard.Y, Cuisine et peinture au Louvre, Éditions Glénat, 2004.

2. Guide Musée Fabre – Paris : Réunion des musées nationaux, 2007.

3. ibid.

4. Perrot Raymond, De la narrativité en peinture. L’harmattan, 2005.

5. Olivier Zeder, conservateur en chef

Bibliographie

 

∴Guide Musée Fabre – Paris : Réunion des musées nationaux, 2007.

 

∴Baldinucci, Vita di Pietro Testa, t.11.

 

∴Chevalier Jean, Alain Gheerbrant. »Dictionnaire des symboles » Edition Robert Laffont 1989.

 

∴Malaguzzi Silvia, Boire et manger : Traditions et symboles. Hazan – Guides des arts, 2006.

 

∴Perrot Raymond, De la narrativité en peinture. L’harmattan, 2005.
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À LA LOUPE – André Castelot – L’histoire à table http://tenzo.fr/a-la-loupe/a-la-loupe-andre-castelot-lhistoire-a-table/ Tue, 23 Feb 2016 09:00:36 +0000 http://tenzo.fr/?p=1728 andrécastelot
Titre : L'histoire à table Sous-titre : si la cuisine m'était contée Auteur : André Castelot Maison d'édition : Perrin Année de parution : 2015 (Première édition 1972, Plon)
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(1911-2004)
André Castelot français d’origine belge, était un journaliste et écrivain passionné d’Histoire officier de la Légion d’honneur, commandeur de l’ordre national du Mérite et de l’ordre de Léopold de Belgique. Il prônait la vulgarisation de cette discipline et sa passion lui fit recevoir en 1984, le Grand Prix d’Histoire de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre.

 

Directeur et fondateur en 1947 de la collection     « Présence de l’Histoire », André Castelot qui se voyait comme       « homme de lettres et journaliste depuis 1935 », a collaboré à de nombreux quotidiens et périodiques.
Auteur de nombreuses publications sur les grands noms de l’Histoire, il créa avec Alain Decaux en 1951 jusqu’à 1997 l’émission à succès « La Tribune de l’Histoire » sur France Inter. La télévision vit également ce duo proposer de 1956 à 1966, la série Énigmes puis La caméra explore le temps.

L’histoire à table. Si la cuisine m’était contée – André Castelot

24 FÉVRIER 2016 | PAR SOPHIE RAOBEHARILALA

 

André Castelot nous propose un dictionnaire gastronomique rassemblant des morceaux choisis de la cuisine et de l’histoire à travers les siècles. On y retrouve l’origine d’ingrédients ainsi que des suggestions de préparation, l’histoire de plats populaires, des portraits et anecdotes de chefs mais également de grands noms fins gastronomes. Un ouvrage tout aussi enrichissant qu’il est divertissant et une excellente introduction à l’histoire de l’alimentation.

 
Extraits :
 
 

Bacon
Ce mot ne nous vient pas de l’Angleterre contrairement à ce que vous pourriez croire. Le bacon est un vieux mot français qui, au Moyen Age, signifiait lard. On ne devrait donc pas le prononcer bekun ! Signalons encore que le mot est parti vers l’Allemagne et est devenu bakko – jambon – en vieil allemand.
Au Moyen Age, la dîme du bacon constituait la principale dotation de certaines églises ou abbayes. Le repas baconique des chanoines de Notre-Dame avait lieu chaque année, à l’occasion de la perception des redevances qui leur étaient dues. Autre réjouissance du même ordre, et au même endroit : la Foire aux jambons.

 

Pièces montées
Elles furent la gloire des tables d’autrefois, plaisir de la vue autant que du goût. Les sujets à la mode étaient les paysages, châlets en nougatine accrochés à des rochers de meringue, ou allégories comme chez Chibouts et Frascati, cornes d’abondance en nougat remplies de fruits. Puis on en vint aux thèmes historiques ou anecdotiques, le passage du Grand-Saint-Bernard, rapporte J.Robiquet, ou encore le glorieux épisode, en réduction et en sucre, du pont de Lodi. En 1781 déjà, un Irlandais, sir Icher Irvin, avait donné à Dublin une fête extraordinaire, dont l’attraction principale fut le dessert, la plus martiale des pièces montées, qui représentait la forteresse de Gibraltar investie par les troupes espagnoles. « C’était, raconte Wraxhal, une copie fidèle de ce roc célèbre avec les ouvrages, les batteries et l’artillerie des assiégeants qui jetaient des balles de sucre contre les murailles. La dépense de cette pièce magnifique ne se monta pas à moins de trente-trois mille sept cents livres. »
Dame Tartine, elle aussi, a des murs de nougatine autour de son palais de beurre frais et peut-être la vieille chanson s’inspire-t-elle de nos anciennes traditions pâtissières.
Le plus grand spécialiste en pièces montées fut assurément Carême (voir ce nom) dont la vocation fut précoce.
Parmi les très nombreuses pièces montées qui ont jalonné la carrière du pâtissier, citons : La hapre, ornée d’une couronne de sucre filé, avec des cordes également en sucre, couronne de laurier en biscuit vert, des fleurs et des pommes de pin en sucre rose ou d’or, et trois socles de pâte d’office, comportant des choux glacés, des tartelette d’abricot, des gâteaux renversés, glacés au four : une lyre enlacée des emblèmes de l’amour ; une mappemonde en sucre filé qu’on servit à Mortefontaine au moment du mariage de Marie-Louise; des pavillons chinois, des cabinets vénitiens, des belvédères égyptiens; enfin des ruines celles de Palmyre ou d’Athènes, genre très à la mode. Carême conseille pour ce « genre rustique » une mousse « qui est de bel effet pour orner les ruines, rochers, chaumières, grottes », faite d’une pâte d’amandes colorée de vert, « vert tendre ou vert plus foncé et un peu mollette passée par la pression d’une spatule à travers un tamis de crin gros ».
Des casques encore, comme le casque français qu’à l’Élysée-Bourbon « une dame de la cour posa sur la tête d’un général », ou le casque romain. Carême en fit un mémorable en l’honneur de Talma qui jouait alors le rôle d’Achille dans Iphigénie. La crinière était en sucre rose, et sur chaque feuille de la couronne de laurier était gravé un vers rappelant les rôles de Talma.
Terminons avec la célèbre pièce montée qui clôt le repas de mariage des Bovary : « A la base, d’abord, c’était un carré de carton bleu figurant un temple, avec portiques, colonnades et statuettes de stuc tout autour, dans des niches constellées d’étoiles en papier doré ; puis se tenait, au second étage, un donjon en gâteau de Savoie, quartiers d’orange, et enfin, sur la plate-forme supérieure, qui était une prairie verte où il avait des rochers avec des lacs de confiture et des bateaux en écale de noisettes on voyait un petit Amour se balançant à une escarpolette de chocolat, dont les deux poteaux étaient terminés par deux boutons de roses naturelles, en guise de boule au sommet. » On voit que Flaubert rivalise d’imagination avec les grands pâtissiers du XVIIIe siècle.

Quatrième de couverture

« De A (abricot, absinthe, ail, andouillettes, armagnac, asperges, avocat) à Z (Zewelewai, Zola), André Castelot nous convie à un voyage à travers les siècles d’une érudition joyeuse, dans lequel il raconte tour à tour les aliments, les ingrédients, les ustensiles, les chefs et gastronomes célèbres, les rois et reines à table, les établissements et métiers de bouche, l’origine et l’évolution des repas, les mets courants et légendaires, les vins et boissons, les fromages, les cuisines par pays; enfin, les expressions (« boire un coup ») et les coutumes qui sont autant de rites à la gloire de l’exception française par excellence : la gastronomie. »

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La salle à manger : miroir de la société http://tenzo.fr/articles/la-salle-a-manger-miroir-de-la-societe/ Sun, 07 Feb 2016 09:00:04 +0000 http://tenzo.fr/?p=1613
Lorsqu'un espace d'intérieur traduit une évolution historique et sociale de la société française.
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La salle à manger : miroir de la société

07 FÉVRIER 2016 | PAR SOPHIE RAOBEHARILALA

 

Le XXe siècle est une période charnière dans lʼévolution de l’espace de la salle à manger, plus particulièrement du début du siècle jusquʼà la Seconde Guerre mondiale. Influencés par lʼimportance des convenances, associée à une volonté dʼexprimer une liberté et une légèreté au sortir de la Première Guerre mondiale, les arts de la table et les créations en matière de décoration dʼintérieur prirent un tournant créatif avec lʼessor des innovations techniques et industrielles, formant ainsi le style Art déco aux allures rectilignes et aériennes, style dépouillé de toutes fioritures.

 

Émancipation de la femme: innovations dans la salle à manger

Le XIXe siècle conserva l’importance de la salle à manger, conjuguant confort et cérémonial.
L’impact de la Première Guerre mondiale fut tel que celle-ci se confondit dans d’autres pièces au fil du XXe siècle. Les années 1920 marquent le déclin de la domesticité dans les foyers; la maîtresse de maison se voit accorder davantage de tâches, étant à la réception et au service. Ces phénomènes s’expliquent par la réduction de l’espace habitable dans les constructions nouvelles due à un climat économique difficile d’une part, mais également par le bouleversement social observé durant la Belle Époque chez les femmes, leur statut ayant temporairement évolué après la courte reconnaissance de leur rôle durant la guerre.

Les années 30 modifient à nouveau la conception de l’espace. Les femmes étant de retour dans leurs intérieurs et les États-Unis étant devenus une référence en matière de style de vie, le mot d’ordre des architectes et créateurs de mobilier est “ gain de place et de temps ”. Cette conception de l’espace intérieur sera développée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

 

1919 – 1925: un mélange entre tradition et modernité

A la fin de la Première Guerre mondiale, DSC09511les Français traversent une période de constat, faisant face aux pertes humaines et matérielles engendrées par les combats. Avec 1 350 000 soldats morts au combat et 2 800 000 blessés dont 600 000 invalides, la population avait significativement diminuée malgré le gain de l’Alsace-Lorraine et une génération se retrouvait brisée par le conflit. Le traumatisme de la guerre se dissimulait derrière la joie de la victoire de manière temporaire. En plus de ces pertes, les Français découvraient également la note élevée de la guerre. Face à cette situation, ils ont donc besoin de changer leur état d’esprit et de retrouver une joie de vivre.

Le visage de la France unie durant la guerre se divise en deux: d’un côté des épargnants se retrouvent ruinés par la révolution russe1 alors que de nouvelles fortunes bâties durant la guerre émergent de l’autre. Ces mêmes fortunes sont les personnages clés de la période dite “Années Folles”, creusant ainsi davantage la division de la société française tout en choquant l’opinion publique.

 

En 1919, le mobilier des Français traduit cette dichotomie sociétale. Quand les classes sociales aisées ont pu conserver, voire enrichir leur patrimoine mobilier, une partie de la France reste avec ses quelques biens sauvés. Les provinces dévastées sont meublées de façon sommaire: on y retrouve les éléments clés tel que la chaise, le banc, la table, le vaisselier, l’armoire, le lit et le poêle. L’espace d’habitation étant restreint, tout ceci se retrouve souvent installé sur deux pièces composant l’habitat: la pièce commune à la fois salle à manger et cuisine , et la chambre.

 

Attrait au style rural

William Morris:

le mobilier d’un ouvrier reste le même, qu’il soit à la campagne ou en ville. Le terme “rustique” qualifie “non seulement les objets dont on se sert à la campagne, mais des objets qu’emploient certaines gens simples de la ville.

Le mobilier rural est souvent composé de meubles datant d’époques différentes et de styles variés, du fait d’acquisitions par héritage. On retrouve en effet des intérieurs dépareillés, meublés avec les meubles dits de famille, comme le montre les peintures de Jean-Baptiste-Siméon Chardin dans ses scènes de genre parisiennes de la petite bourgeoisie du XVIIIe siècle.

 

Les débuts du meuble en série

Respect du goût de l’époque et imitation de style

Théodore Lambert proposa une salle commune de ferme composée de meubles en chêne teinté de brun et très peu décorés au pochoir, conçus en planche d’épaisseur courante avec un assemblage à vis de laiton pour en faciliter le montage: on y distingue une armoire, un vaisselier, un meuble à provision, une table robuste longue et rectangulaire ayant une planche inférieure pour poser les pieds, un banc et des chaises de cuisine à siège en placage perforé mais d’une forme étudiée pour le confort. Les meubles sont donc d’aspect rustique et raffiné, répondant aux besoins et respectant les habitudes traditionnelles des paysans des régions dévastées.

 

Créateurs mêlant design, praticité et coût

DSC09535Tony Selmersheim propose des meubles édités par les Galeries Lafayette, décorés par Le Bourgeois. La caractéristique principale de ses créations est la longévité du meuble, tant par la qualité mais également par son design se voulant simple et intemporel, évitant ainsi aux propriétaires des dépenses répétées afin d’éviter la désuétude du style. Selmersheim conçoit entre autres une salle à manger “bon marché” en chêne composée d’un buffet décoré de sculptures Le bourgeois et de longues cannelures, d’une table classique et de chaises pratiques avec un travail sur l’économie de bois.

 

Les grands magasins et l’État: un travail main dans la main?

Là où les artistes veulent créer la nouveauté et l’originalité à porter de tous, la critique soutient les industriels et les pouvoirs publics à coup d’arguments infondés (le prix d’un meuble de style moderne étant plus bas que celui d’un meuble de style original et même faux). Les grands magasins avaient donc le monopole de la création et de la vente, soutenu par l’État.

 

Maurice Dufrêne

Maurice Dufrêne: directeur des Ateliers de la Maîtrise aux Galeries Lafayette dès 1921. Dufrêne souligne un retour au calme et à l’ordre dans le design mobilier en réponse à la guerre suivie d’une période d’excès. Le peu de succès de la création moderne s’explique selon lui par l’incompréhension du public vis-à-vis de la démarche des quelques créateurs de meubles travaillant sur le mobilier à bas coûts non fabriqués en série.

 

L’alliance entre créateurs et industrie

 

Évolution de styles de produits proposés

Maurice Dufrêne souhaite donc montrer aux artistes et aux grands magasins l’intérêt d’une telle collaboration car si les salons et expositions sont créés pour mettre en avant leur art et savoir-faire, ceux-ci n’existent que ponctuellement tandis que les magasins accueillent environ 50 000 visiteurs par jour et ce durant toute l’année. Avec un tel outil de propagande, le mouvement moderne pourrait enfin exploser. Remon appuie également cette opinion dans le premier numéro du magazine d’Art Vivant2 en écrivant qu’il est

cependant possible de créer des modèles de prix abordables conservant une bonne exécution et une excellence de goût.

 

Nouveauté de l’espace salle à manger et redistribution des pièces dans les logements français

 

Photo0206La distribution des pièces a évolué depuis le XIXe siècle. En comparant les plans d’habitation et illustrations de salle à manger, on observe une nette réduction de l’espace alloué à chaque pièce, mais surtout la diminution du nombre de pièces. Influencés des États-Unis synonyme de modernité, on supprime la fonction unique de la pièce et on fond le salon, la salle à manger et le cabinet en une seule et même pièce appelée le living-room. On propose un espace d’habitation simplifiée puisque la vie domestique évolue également avec la diminution du personnel.

 

Il en va de même pour la salle à manger: sa dimension est réduite mais son mobilier également. On constate que la salle à manger de la période Art nouveau est composé d’un mobilier très travaillé, reprenant des formes organiques et végétales, exploitant le détail, contrairement à la salle à manger aux meubles sobres, ou encore la cuisine et living-room où la table sert aussi bien dans la cuisine que dans le living-room, le transformant en salle à manger.

 

Ces évolutions sont une réponse aux besoins de la société. Le développement d’un espace habitable fonctionnel, logique et pratique. On choisit des formes pures pour les meubles, qui eux suivront la discipline du plan d’habitation afin d’avoir une lecture simple et agréable. Les matériaux et design choisis ont un but esthétique mais pas seulement: ils améliorent le quotidien en simplifiant par exemple la rapidité du ménage, la suppression de détails décoratifs diminuant la quantité de poussière et le temps de ménage.

 

Influences d’Écosse et d’Autriche

 

On observe également une influence étrangère sur l’architecture et le style de vie avec la multiplication des formules studio et living-room, permettant de réunir plusieurs pièces en une seule. Deux solutions à la crise du logement que connaît la France. Les sources d’inspiration ne se limitent pas au passé d’un pays mais explorent les styles et techniques du monde. Les deux villes clés du mouvement sont Glasgow et Vienne, centres créateurs de mobilier et d’intérieur “protomodernes”. Glasgow est le centre d’intérêt des créateurs viennois: l’école de Glasgow entreprend de retravailler un style victorien trop chargé. Cette approche des arts décoratifs se répand jusqu’en Scandinavie où se développe une architecture d’intérieur aérienne et rectiligne.

 

Conclusion

Les priorités de la période de l’Entre-deux-guerres soulignent un retour vers une joie de vivre chez soi, le besoin de renouveau d’une part, de liberté de création après ces temps de guerre; mais elles montrent également que derrière le faste des styles de vie et la fuite vers la recherche de joie et de légèreté se cache un traumatisme profond.

 

La France se retrouve divisée en deux quant à sa reconstruction, l’une s’enfuyant vers un monde de nouveautés, l’autre observatrice, subissant les dégâts de la guerre.

Toutefois, cette période marque également le changement des mentalités: les Français étaient peu ouverts sur le monde alors que l’Art déco s’inspire de ses voisins européens et des États-Unis. Cette ouverture engendra un bouillon artistique ralliant toutes les forces dans les domaines artistiques entre tous les corps de métiers, afin de créer un élan uni qui pourra peut-être relancer le pays économiquement mais surtout moralement.

Bibliographie

 

∴ Bony A., Les années 20, vol.2, Paris, Éditions du regards, 1989

 

∴ Bouvet V., Paris: la Belle époque, les années folles, les années trente, Paris, éditions Place des Victoires, 2012.
 

∴ Loyer M., La chambre à coucher et la salle à manger du XVIe au XIXe siècle, collection de l’art ménager, Paris, 1933.

 

∴ Saëz E., Cafés, restaurants & salons de la Belle Époque à Paris, Éditions Ouest France, 2013.

Notes de bas de page

1. désigne l’ensemble des événements de 1917 en Russie, ayant contribué à un changement au pouvoir du tsarisme à un régime léniniste.

2. Remon, L’habitation d’aujourd’hui: la salle à manger, L’Art Vivant n°1, 15 février 1925, JP73, p13-17.

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