industrie alimentaire – Tenzo Le Gastrocéphale http://tenzo.fr Sciences de l'alimentation Sun, 12 Jun 2016 08:01:52 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.5.1 À LA LOUPE – Pierre Boissard – Le camembert, mythe français http://tenzo.fr/a-la-loupe/a-la-loupe-pierre-boissard-le-camembert-mythe-francais/ http://tenzo.fr/a-la-loupe/a-la-loupe-pierre-boissard-le-camembert-mythe-francais/#respond Wed, 09 Dec 2015 10:21:24 +0000 http://tenzo.fr/?p=1135 Pieter+Claesz-Still-life+With+Turkey-pie
Titre : Le Camembert, mythe français Auteur : Pierre Boissard Maison d'édition : Odile Jacob Année de parution : 2007
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Pierre Boisard est docteur en sciences sociales du développement (École des hautes études en sciences sociales).  Il est chargé de recherche à l’UMR 8533 Institutions et dynamiques historiques de l’économie IDHE (École normale supérieure de Cachan/CNRS)Il est également chargé de cours en économie du travail et de l’emploi à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense (master ATOGE) et à l’Institut des hautes études du goût, de la gastronomie et des arts de la table.

Le camembert, mythe français – Pierre Boissard

9 DÉCEMBRE 2015 | PAR DAVID LAFLAMME

« Le camembert a été pendant deux siècles une manifestation concrète de la cohésion nationale, et spécialement du lien entre les paysans et les citadins. La raréfaction des paysans ne peut être sans effet sur l’avenir du camembert et de son mythe… Le camembert a-t-il encore réellement un rôle à jouer dans la société française autre que celui d’un banal aliment? Rescapé d’une époque révolue et d’un monde englouti, il devient un témoin de l’Histoire, un messager du passé rappelant aux Français leurs origines paysannes. Mais son avenir ne devrait pas se limiter à témoigner du passé rural du pays. Chargé d’une histoire prestigieuse, témoin des grandes heures de la République et de toutes les transformations de la société française depuis deux siècles, il peut demeurer un point de repère national, à condition de garder sa diversité, de ne pas succomber aux pressions actuelles à l’uniformisation. » [1] 

Originalement publiée en 1992 chez Calmann-Lévy  sous le titre Le camembert mythe national, l’étude de Pierre Boissard est remarquable et fut remarquée! Elle fut traduite en anglais en 2003 (Camembert a National Myth, Berkeley) et rééditée chez Odile Jacob en 2007.

L’ouvrage est écrit sur un ton personnel qui facilite sa lecture. Boissard explique au lecteur qu’il ne souhaite traiter que de ce qui est véritablement intéressant et laisse aux autres auteurs le soin de traiter des informations plus rébarbatives. Il a ainsi préféré écrire l’histoire du puissant mythe rattaché à ce fromage plutôt que de chercher à tout prix à rétablir sa véritable histoire.  Il y a même quelques pages pour nous expliquer comment certains utilisent une science à demi occulte, appréciant des dizaines d’informations à la fois, pour trouver un camembert qui saura satisfaire leurs exigeantes papilles gustatives. Bref, un ouvrage rigoureux, mais d’une lecture simple, imagée, plaisante et divertissante.

Quelques informations tirées de l’ouvrage:

La rumeur colportée à travers les décennies veut que le camembert ait été inventé par Marie Harel vers 1791 au manoir de Beaumoncel à Camembert.  Marie aurait appris les méthodes de fabrication du Brie en côtoyant un prêtre réfractaire caché au village. Méthodes qu’elle aurait appliquée à la fabrication du fromage familial en utilisant les seuls moules qu’elle avait sous la main, des moules à livarot. Quelques décennies plus tard, Victor Paynel, le petit-fils de Marie, aurait offert du camembert à Napoléon III qui l’aurait trouvé fort bon et en aurait demandé des livraisons régulières.

« Marie Harel a beau avoir une statue, on ne sait pratiquement rien d’elle. Cette ignorance ne peut pas durer. Il faut absolument que l’on connaisse l’histoire de cette femme. Puisqu’il n’en existe pas, il va s’en créer une. En devenant célèbre, Marie Harel va se trouver dotée non pas d’une seule histoire, mais d’une floraison de récits racontant de différente manière l’invention du camembert et sa consécration ». [1]

Pierre Boissard explique qu’au début du XXe siècle,  le camembert est perçu comme étant une synthèse entre tradition et modernité, entre activité rurale et développement urbain.

« Dans la majorité, les Français  veulent un avenir pacifique, le maintien du prestige de leur pays et la préservation d’une France profondément rurale.  Le succès du camembert leur paraît témoigner de la vigueur et de la réussite d’une forme rassurante de modernité technique compatible avec l’ordre traditionnel sous l’égide de la République ». [3]

L’auteur, bien que s’intéressant avant tout au mythe entourant le fromage du Pays d’Auge, nous donne quantités d’informations sur les évolutions techniques et commerciales dont profite le camembert. Il explique par exemple en quoi 1850 est une date clef de l’histoire de ce fromage.

Gare de Vimoutiers mise en service en 1880.

Gare de Vimoutiers mise en service en 1880.

«  Auparavant, il n’est consommé que dans le pays d’Auge, alors que les autres fromages normands, le pont-l’évêque, le livarot et surtout le neufchâtel sont appréciés et vendus à Paris et ailleurs. À partir de cette date, il connait une progression foudroyante. Il conquiert le marché parisien, puis la plupart des grandes villes du pays, passe les frontières et traverse les océans. Ce prodigieux bond en avant est dû à la conjonction de plusieurs facteurs favorables, et en premier lieu à la construction d’un réseau ferré reliant le pays d’Auge à Paris. En moins de six heures, là où la diligence mettait trois jours, l’odorant produit parcourt la distance entre les ateliers de fabrication et les Halles. » [4]

En moins de dix ans, entre 1886 et 1894, les ventes de camembert aux Halles de Paris passent de 1241 à 2330 tonnes. Malgré cette progression, il n’atteint pas encore le niveau du brie.  En 1894, 27,5% des camemberts vendus à Paris ne sont pas produits en Normandie. [5]

« … Mais déjà les amateurs distinguaient le camembert vrai, qui, selon le géographe Ardouin-Dumazet, « parvient de la zone relativement étroite d’herbages autour de Mézidon, Saint-Pierre-sur-Dives, Livarot et Vimoutiers », du camembert d’imitation fabriqué ailleurs.  L’idée d’un cru ou d’une zone d’exclusivité pour le camembert, hors de laquelle il perdrait ses qualités spécifiques, apparaît à cette époque.  » [6]

Lorsque l’on visualise un camembert, l’on s’imagine presque systématiquement un fromage à croute blanche qui se conserve assez bien dans la moyenne durée, vendu dans une boite en bois ou en carton. Or, « …en 1880 le camembert est encore un produit fermier, un fromage fragile qui supporte mal les longs voyages. Sa croûte est plus souvent gris-bleu que blanche. » [7] À la fin du XIXe siècle, l’amélioration des méthodes de collecte du lait, la généralisation de l’utilisation de boites spécialement conçues et à l’ajout de Penicillium candidum, qui donne la couleur blanche, permettent au camembert de prendre l’apparence qu’on lui connait encore.

« Entre le camembert de Marie Harel et celui qui fait la joie des gourmets parisiens des années 1920, que de changements! Le fromage rustique des origines s’est policé, son goût s’est adouci, sa croûte blanchie, et il a troqué son emballage de paille pour une boîte en bois décorée d’une étiquette colorée. C’est le prix à payer pour l’accès au marché national et à l’exportation, et la conséquence d’une production sur une plus grande échelle. »  [8]

cam-lami-des-poilusLes producteurs de camembert sauront profiter de la Grande Guerre pour transformer l’image de leurs produits. « Parti au front comme un produit régional, il revient, français avant tout. Il s’identifie désormais à la nation plus qu’à sa région d’origine. » [9] Les étiquettes historiques des camemberts permettent de constater la volonté des producteurs à associer leurs fromages à l’alimentation des troupes françaises. Le camembert devient un aliment patriotique!

En 1928, le passage d’un médecin américain nommé Joe Knirim venu rendre hommage à Marie Harel en Normandie sera fort remarqué au niveau régional. Cet hommage est perçu comme une confirmation de l’antériorité et de la primauté du camembert normand. Paradoxalement, en soulignant l’identité régionale du camembert, l’on démontre que « […]le prestige de la France à l’étranger peut fort bien être porté par un produit du terroir et que l’enracinement local n’est pas en opposition avec le sentiment d’appartenance nationale. » [10]

« À la fin des années 1950, un ouragan s’abat sur les fromageries normandes. Balayant tout sur son passage, il ne laisse debout que quelques survivants parmi les dizaines d’établissements que compte cette région. Cet ouragan a pour nom « pasteurisation » […] Les industriels de l’Est qui n’ont pas l’atout du cru laitier et de la tradition sont les pionniers de cette nouvelle technique. Le développement industriel est pour eux le seul moyen de vaincre sur le marché leurs concurrents normands. Ces derniers, solidement assis sur leurs traditions et certains de la supériorité de leurs produits, se montrent hostiles depuis longtemps à ce nouveau procédé dans lequel ils voient, à juste titre, une menace. » [11]

«  Cru, pasteurisé, thermisé, moulé ou non à la louche, la diversité des apparences que revêt le camembert ne peut que dérouter le consommateur à la recherche de l’authentique. Mais quel est donc le camembert authentique? Beau sujet de conversation pour un dîner, lorsque le plateau de fromages fait son entrée. N’attendez pas de moi une réponse à cette grave question. Objet mythique, le camembert n’est pas réductible à une recette ou à une définition, il ne se laisse pas enfermer dans une boîte particulière, il est l’ensemble de ses manifestations passées, présentes et futures, sans restriction d’aucune sorte. C’est évidemment affaire de croyance. Si vous êtes persuadé qu’il n’est de camembert que moulé à la louche, vous n’aurez que mépris pour tous ces ersatz pasteurisés. Mais sachez au moins que la majorité des consommateurs ne s’arrête pas à de telles considérations. » [12]

«  Le camembert quant à lui a l’heureux privilège de présenter le double visage de la tradition et de la modernité, et de combler ainsi la volonté nationale. Mais sa tâche en est d’autant plus lourde qu’il lui faut être excellent dans les deux domaines : gagner de nouveaux marchés à l’exportation par sa compétitivité et satisfaire le palais exigeant des gourmets. C’est évidemment sur le versant de la tradition que la difficulté est la plus grande, alors même que c’est sur ce point que se joue l’avenir. Car si jamais le camembert  traditionnel devait disparaître, il y a fort à parier que les ventes du camembert industriel, privé de cette référence, ne tarderaient pas à s’effondrer. » [13]

À propos de l’AOP Camembert de Normandie.

Dès la fin du XIXe siècle, des « camemberts » étaient produits un peu partout en France, de nos jours on en produit un peu partout dans le monde.  Les producteurs normands, malgré tous leurs efforts, ne sont jamais parvenus à se réapproprier ce fromage qui leur avait échappé avant même qu’ils ne s’en aperçoivent. « En l’absence de protection réglementaire, le camembert a conservé, partout dans le monde, son identification à la nation française. Ses multiples copies, hommages rendus au véritable camembert, ont eu la vertu d’entretenir le mythe. » [14]

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« Le décret créant une appellation d’origine viendra après la bataille, après que la plupart des producteurs aient succombé à l’offensive des fromageries industrielles. 1983, soixante-quatorze ans après sa première réunion, le Syndicat des fabricants du véritable camembert de Normandie (SFVCN), toujours vivant, mais réduit à la portion congrue, obtient enfin un décret fixant les règles de l’appellation d’origine contrôlée « camembert de Normandie » […] L’appellation d’origine impose quelques règles de fabrication, mais n’impose rien quant à l’origine et à la qualité du lait employé. Il suffit que le lait utilisé ait été collecté en Normandie […] Un label AOC et les mentions « camembert de Normandie » et « au lait cru, moulé à la louche » désignent au consommateur les produits qui ont satisfait à ces règles. » [15]

Quatrième de couverture

Le camembert est, par excellence, le fromage de la France, et la France, le pays du camembert!

Pourquoi ce fromage né au coeur du pays d’Auge est-il devenu le symbole de la France des terroirs? Produit local, comment s’est-il imposé comme le symbole de la France dans le monde entier?

La promotion du camembert date des années 1920… et c’est un Américain qui a lancé le culte de la fermière normande qui, dit-on, l’aurait inventé sous la Révolution française en tentant de faire du brie avec un moule à livarot. Comment le mythe est-il né?

Pierre Boissard a choisi de retourner aux sources pour nous raconter l’incroyable saga de cet emblème de la France profonde et des plaisirs de sa table. Il s’interroge: sous l’effet de la standardisation industrielle, va-t-il redevenir banal aliment?

Table des matières

Introduction. – L’Américain et le camembert 9
Chapitre 1. – Naissance d’un mythe 15
Chapitre 2. – Sous la légende, l’Histoire 39
Chapitre 3. – Naissance d’une industrie 60
Chapitre 4. – Secrets de fabrication 82
Chapitre 5. – Les métamorphoses du camembert 94
Chapitre 6. – Les syndicats des familles 115
Chapitre 7. – Le camembert du poilu 135
Chapitre 8. – Les dynasties du camembert 153
Chapitre 9. – La belle époque des fromageries 167
Chapitre 10. – Ouvriers de fromagerie 178
Chapitre 11. – Grandeur et décadence de l’ordre domestique 193
Chapitre 12. – La guerre de deux camemberts 208
Chapitre 13. – La vaine résistance des coopératives 227
Chapitre 14. – L’invention de la tradition 243
Chapitre 15. – De l’étiquette au tyrosème 254
Chapitre 16. – L’Amérique et le camembert 263
Chapitre 17. – Le camembert dans tous ses états. 276
Conclusion. – Permanence du mythe 287
Notes 293
Remerciements 301

Notes de bas de page

[1] p.253

[2] p.16

[3] p.38

[4] p.60

[5] p.72

[6] p.79

[7] p.94

[8] p.114

[9] p.152

[10] Idem. 

[11] p.208

[12] p.229

[13] p.253

[14] p.242

[15] p.240

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Des parents sous influence ? – Edwige Dacheux – Auteure invitée http://tenzo.fr/articles/article-edwige-dacheux-des-parents-sous-influence-limpact-de-la-publicite-sur-les-decisions-alimentaires-dans-lindustrie-alimentaire-infantile/ http://tenzo.fr/articles/article-edwige-dacheux-des-parents-sous-influence-limpact-de-la-publicite-sur-les-decisions-alimentaires-dans-lindustrie-alimentaire-infantile/#comments Fri, 09 Oct 2015 10:10:20 +0000 http://tenzo.fr/?p=562

L'objectif de la présente étude est de décrire la manière dont les industriels spécialistes des « baby- food » ont utilisé la publicité, pour construire l'image de leurs produits.
 Le traitement de l’image publicitaire peut être riche en découvertes pour comprendre la manière dont l'industriel a utilisé la culture matérielle et la compétence des sociétés de communication pour se faire accepter sur le marché de l’alimentation industrielle et même créer un nouveau secteur : l’alimentation industrielle infantile.

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Edwige PECHON DACHEUX, enseigne l’hôtellerie et la restauration en lycée professionnel (Saint-Quentin 02). Passionnée de sciences humaines, elle se questionne depuis toujours sur les comportements et les habitudes alimentaires. Ses élèves sont alors une source intarissable de questionnements. Elle se nourri alors d’études sociologiques et anthropologiques pour tenter d’appréhender ces problématiques.
La naissance de ses deux enfants accentue ce besoin de comprendre. L’allaitement puis la diversification et l’alimentation des jeunes enfants, la passionne. Toutes ces interrogations la pousse à retrouver les bancs de l’université pour y préparer un master 2 en sciences humaines et sociales, sciences historique option histoire et cultures de l’alimentation. Elle consacre alors ses recherches à l’influence qu’exerce l’industrie alimentaire sur les devoirs nourriciers des mères de 1957 à aujourd’hui. Elle obtient son master 2 en 2014.

 

Depuis elle poursuit son cheminement sociologique pour tenter de traduire et ainsi comprendre les modifications comportementales des consommations alimentaires contemporaines.

 

Pour consulter l’ouvrage en intégralité :
Pechon Dacheux Edwige, Comment les industriels parlent-ils aux mères ? L’influence de l’industrie alimentaire infantile sur les devoirs nourriciers des mères de 1957 à aujourd’hui (2 tomes), mémoire de master 2, consultable à la bibliothèque de l’IEHCA, Tours, 2014

 

A paraître :
Pechon Dacheux Edwige, Quand les industriels parlent aux mères, Paris, éditions l’Harmattan, à paraître début 2016

Des parents sous influence ? L’impact de la publicité sur les décisions alimentaires dans l’industrie alimentaire infantile.

11 OCTOBRE 2015 | PAR EDWIGE DACHEUX

« L’homme est probablement consommateur de symboles autant que de nutriments »[1]

 

Chaque individu responsable, est aujourd’hui acteur de sa propre consommation. Il décide ainsi librement de ce qu’il ingère, et ses choix peuvent devenir alors un véritable mode de vie. Lorsque ce même individu modifie ses habitudes de vie (formation d’un couple), il modifie également ses habitudes alimentaires[2]. Alors, lorsqu’il fonde une famille, il devient logiquement, le prescripteur de l’alimentation de son enfant. A ce moment, chaque parent, se questionne sur la direction à prendre.

Présentation de la recherche

L’objectif de la présente étude est de décrire la manière dont les industriels spécialistes des « baby- food » ont utilisé la publicité, pour construire l’image de leurs produits.
Les limites du traitement de l’image publicitaire, rendent l’analyse délicate. Cependant, cette dernière, peut être riche en découvertes pour comprendre la manière dont l’industriel a utilisé la culture matérielle et la compétence des sociétés de communication pour se faire accepter sur le marché de l’alimentation industrielle et même créer un nouveau secteur : l’alimentation industrielle infantile. L’enjeu de cette analyse est de comprendre comment les industriels ont parlé aux mères à travers la publicité presse, pour faire adopter un nouveau produit devenu « bien de consommation courante ».[3]

Ce travail de recherche me guide vers des illustrations pour la promotion « d’aliments infantiles » de 1910 à nos jours. Mais comment définir cette « alimentation infantile » ? Qu’est ce qui la caractérise et qui vise t-elle ? Jean-Noël Luc tente de définir le bornage de l’enfance en se rapprochant des références médicales depuis le XVIII siècle.[4] Il fait apparaître une profonde modification des critères définissants un enfant à travers le temps. Bien que l’évolution des bornages référents pour l’alimentation infantile soit en constante évolution en fonction des époques, nous considérerons pour la présente étude que « l’aliment infantile » se définit dans notre corpus comme une alimentation spécifique pour les enfants de la naissance à trois ans.

 

Le travail de recherche ainsi présenté combine approches quantitatives et qualitatives, par une analyse sémiotique des éléments iconographiques et sociaux. Deux approches complémentaires, qui permettront de mettre en lumière, les éléments qui mèneront la réflexion centrale de recherches. Le travail de Peirce[5] sera un guide précieux dans mon analyse. Sa théorie générale des signes, insérée dans mon corpus me permettra de visualiser une perspective plus large. Le lien entre « signifiant », « référent » et « signifié » marquera majoritairement mon travail. Nous pourrions proposer une définition schématique de cette dynamique tripolaire liant le signifiant au référent et au signifié.

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J’ai ainsi lié, tout au long de l’observation, l’analyse sémiologique, l’analyse quantitative aux résultats d’un sondage via QCM, effectué sur un échantillon de 100 personnes ayant eu des enfants entre 1960 et 2013[6].

La lecture sémiotique

Les analyses du corpus ont mis en lumières plusieurs centres d’intérêt. La lecture sémiotique a permis de dévoiler des axes de travail qui ont guidé la communication des industriels sur l’ensemble temporel de l’étude. L’analyse sémiologique a mis en évidence que plusieurs axes de communications se côtoyaient dans une même publicité : le produit, le goût et la parentalité étant au centre des mouvements publicitaires. Sur fond d’évolution de couleurs, d’évolution des mœurs, d’effets de mode la constatation du changement a été claire. L’évolution des pratiques alimentaires et parentales, de la manière dont elles ont été perçues, et sont aujourd’hui perçues, met également en évidence une modification du rapport de l’homme aux sens, à son propre corps, à celui de son enfant, et surtout à l’idée de perfection parentale, qui aujourd’hui est presque devenue un idéal.

 

Reprenons tout de même ici les éléments déployés pour faciliter l’acceptation du produit.

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Voici l’illustration type de la lecture sémiologique effectuée sur chaque publicité :

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L’analyse quantitative

Les analyses quantitatives, ont quant à elle mises en avant ou isolé des éléments du discours linguistique ou iconique qui prennent tout leur sens dans la modification du statut de l’enfant. Nous pourrions avancer l’hypothèse que, le statut de l’enfant a été bouleversé, et a subit de grandes évolutions en aval des campagnes publicitaires successives. L’enfant est en effet, similairement au produit, le régisseur de l’évolution des industriels de l’alimentation infantile. Dans le corpus étudié, 100 % des publicités présentent une image accompagnée d’un texte. Ces textes, mots sont remarquablement différents en fonction des époques. « L’image des mots »[7] nous donnera une indication forte sur le message véhiculé, les axes primaires et secondaires mais aussi sur le public visé en fonction de l’époque donnée. Nous le remarquons sans détour en comparant deux publicités de marques commerciales et d’époques différentes :

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L’analyse quantitative[8] a mis en évidence l’importance des mots, des images, des couleurs, des graphismes, en fonction des périodes de communication. Le produit, qui peut être reconnu comme «innovation[9]», de par ses caractéristiques historiques et sociales, évolue et fait évoluer les consommations des familles françaises. L’histoire des baby-food ne s’arrête pas avec la fin du corpus et pour émettre quelques hypothèses sur « l’avenir de l’histoire ».

Sociologie des consommations et des consommateurs

 Le consommateur-parent qui est-il ?

L’essor des grands magasins introduit la consommation de masse, le «petit peuple», commençant à côtoyer la bourgeoisie et contribue à donner à la femme un statut privilégié, dans la mesure où elle devient la cible favorite des commerçants [10]. Cible encore plus prisée sur le marché de l’alimentation infantile industrielle puisque le processus d’achat de ce type d’aliment est bien particulier : les acheteurs (les parents) décident pour les consommateurs (leurs bébés) sur prescription du corps médical et de l’entourage. Les acheteuses ont également changé de profil avec l’évolution de l’histoire du produit et son acceptation. Effectuons une comparaison entre le tonnage de baby-food vendu en France et les chiffres du travail des femmes pour justifier la corrélation entre nos deux variables.

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Nous constatons clairement que l’évolution des deux courbes proposées est similaire. Ceci nous donne donc une indication sur le facteur favorisant l’achat de produits type «baby-food » dans les familles françaises. Les industriels vont alors déployés au fil des époques les arguments « santé », « sensibilité sensorielle », « la naturalité », les marques à coup de labels de d’arguments influencent la décision d’achat du consommateur parent.

Les recettes marketing sont les meilleures

Il est également aisé de constater que les publicitaires utilisent à souhait la pyramide de Maslow, l’analyse via la méthode SONCASE [11], en jonglant agilement avec les freins et les motivations de l’acte d’achat selon Joannis [12]. La publicité doit répondre au modèle AIDA[13] afin d’assurer continuellement l’attention du futur acheteur et assurer la fidélisation de ce dernier.

Bibliographie

∴ Anne Dupuy, Plaisirs alimentaires socialisation des enfants et des adolescents, Presse universitaire François Rabelais, 2013
∴ Baudez Hélène, Le goût ce plaisir que l’on dit charnel dans la publicité, Paris : l’Harmattan, 2006
∴ C. Randimbivo-lolona , Comment l’industrie agroalimentaire remplit nos assiettes? Edition le square, 2013
∴ Collectif, Alimentation contemporaine, Editeur : L’Harmattan, 2002
∴ Dagnaud Monique, Enfants, consommation et publicité télévisée, texte imprimé, Paris : La documentation française, 2003
∴ De la ville Valérie Inés , Brougère Gilles, On ne joue pas avec la nourriture !, 2011, Observatoire Cniel des habitudes alimentaires (les cahier de l’Ocha)
∴ Fabiola Flex, Pr Patrick Tounian, L’alimentation de vos enfants, enquête sur le marketing et les idées reçues, Denoël, 2010
∴ Lambert J.-P. ; Poulain J.-P. « Les apports des sciences humaines et sociales à la compréhension des comportements alimentaires », La santé de l’homme, n° 358, mars-avril 2002
∴ Marie Emmanuelle Chessel, Histoire de la consommation, Paris, La découverte, 2012
∴ Martin Marc, trois siècles de publicité en France, Paris : O.Jacob, 1992
∴ N. Sapena, L’enfant jackpot, Protégeons nos enfants contre les abus, Edition Flammarion, 2005
∴ Pierre Volle, Denis Darpy,Comportem-ents du consommateur et décisions marketing, Editions Dunod, 2012

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Conclusion

A l’origine de cette étude, il y avait un désir : celui de comprendre comment les industriels se sont adressés et s’adressent aux mères pour promouvoir une alimentation infantile industrielle. Nous pouvons ainsi avancer deux hypothèses, nées de cet exercice « d’enquête » : Les axes principaux qui marquent l’évolution temporelle sont les réels acteurs de l’acceptation de l’innovation alimentaire et il se passe dans les années 1980, une modification du statut de l’enfant qui influe en autre sur les comportements des mères responsables des achats alimentaires.

 

Le produit baby-food est devenu une innovation acceptée par les familles françaises au fil de l’histoire. Pour cela, les industriels ont déployés divers axes de communications répondant tous aux demandes conscientes ou inconscientes des acheteurs. On les a successivement rassuré, culpabilisé, émerveillé, fait fantasmé, séduit. La décision d’achat semble être un fait social total qui implique de nombreux facteurs sociaux et humains. Les industriels l’ont compris et développent ainsi leurs axes de communication en fonction de l’aire sociale et des envies humaines du moment. Nous notons dans cette évolution publicitaire, un virage dans la considération de l’enfant dans la famille. Cet élément transpirant dans les publicités pour l’alimentation infantile, mérite cependant d’être analysé sous d’autres angles pour éviter d’apporter un regard biaisé sur cette affirmation.

Notes de bas de page

[1] Jean Trémolière, Diététique et art de vivre, Guides pratiques seghers, 1977, 323p.

[2] Kilien Stengel, hérédités alimentaires et identité gastronomique, suis-je réellement ce que je mange ?, 2014, 122p.

[3] Un bien de consommation désigne un produit fabriqué destiné au consommateur final.

[4] Jean-Noël Luc, « les premières écoles infantiles », in Egle Becchi et Dominique Julia (Dir.) Histoire de l’enfance en Occident, tome 2 du XVIIIe à nos jours, Paris, Le Seuil, 1998, p.325.

[5] Charles Sanders Peirce, Ecrits sur le signe, Seuil, 1978

[6] Dacheux Edwige, Mémoire de master II, annexe 1, tome II, p.1 à 3

[7] Martine Joly, Introduction à l’analyse de l’image, Paris, Armand Colin, 2013, p.91

[8] Dacheux Edwige, Mémoire de master II, tome I, p.70

[9] Selon le site Internet : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/innovation/43196, consulté le 30/06/2014 : « Processus d’influence qui conduit au changement social et dont l’effet consiste à rejeter les normes sociales existantes et à en proposer de nouvelles ». Jean Pierre Williot définit l’innovation comme : « L’acceptation d’un changement qui se caractérise par la modification des usages sur une durée longue et sur un large public », 14/03/2014

[10] Benoît Heilbrunn, La consommation et ses sociologies, deuxième édition, Paris, Armand Colin,
p.9

[11] Richard Ladwein, Comportement du consommateur et de l’acheteur, Economica, 2003, 400 p.

[12] Henri Joannis, de l’étude de la motivation à la création publicitaire et à la promotion des ventes, Erreur Perimes Dunod, 1983, 444 p.

[13] Attirer l’Attention, Susciter l’Intérêt, Provoquer le Désir, Inciter à l’Action


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