Auteur(e) invité(e) – Tenzo Le Gastrocéphale http://tenzo.fr Sciences de l'alimentation Sun, 12 Jun 2016 08:01:52 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.5.1 La construction d’un patrimoine alimentaire: l’exemple tourangeau – par Nicolas Raduget http://tenzo.fr/articles/1636/ http://tenzo.fr/articles/1636/#respond Fri, 12 Feb 2016 23:20:37 +0000 http://tenzo.fr/?p=1636
Comment, dans un département qui n’a pas d’identité alimentaire aussi marquée que d’autres en France, avec des plats emblématiques que la choucroute ou la bouillabaisse, s’est-on attaché depuis la fin du XIXe siècle à reconnaître et diffuser les productions locales ? Quels sont les acteurs impliqués et les stratégies employées qui ont abouti à la promotion actuelle ? La problématique ainsi posée, il s’agit en filigrane de voir comment, de la fin du XIXe siècle à la fin du suivant, le patrimoine alimentaire de la Touraine se construit.
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Nicolas Raduget
Berrichon d’origine, Nicolas Raduget est docteur en histoire contemporaine. Ses études à l’Université François-Rabelais l’ont d’abord mené jusqu’à un master d’histoire politique sur l’influence et l’action de l’ancien député-maire de Tours, Camille Chautemps. Son goût pour l’archive et les bibliothèques l’a ensuite incité à s’engager dans une thèse CIFRE avec le Conseil général d’Indre-et-Loire, visant à étudier les conditions de l’émergence du patrimoine alimentaire de la Touraine. Désormais chercheur indépendant (qui répond aux mails assez vite), il est par ailleurs rédacteur en chef adjoint d’un site associatif consacré à la bande dessinée.

La construction d’un patrimoine alimentaire: l’exemple tourangeau

14 FÉVRIER 2016 | PAR NICOLAS RADUGET

En soutenant récemment une thèse sur les acteurs et les voies de la mise en valeur du patrimoine alimentaire de la Touraine des années 1880 à 1990, sous la direction du professeur Jean-Pierre Williot, à l’université François-Rabelais, j’avais la lourde tâche de résumer brièvement cinq ans de lectures et de dépouillements. Tenzo m’offre aimablement la possibilité d’en faire de même, qui plus est le jour de la Saint-Valentin, histoire de symboliser la relation fusionnelle du jeune chercheur avec son sujet d’étude !

Le patrimoine alimentaire implique des produits, bruts ou transformés, des pratiques et un savoir-faire qui leur sont liés, et qui constituent un héritage culturel. C’est ce que l’on peut écrire en essayant de résumer la pensée de Jacinthe Bessière et Laurence Tibère, qui ont défini plus longuement ce concept complexe.[1] Aujourd’hui, à l’heure du tout patrimoine, la notion s’est considérablement développée, ce qui n’était pas le cas à la fin du XIXe siècle. Pour autant, l’absence du terme ne signifie pas l’absence de l’idée, ce qui justifie à mon sens l’emploi de l’expression dans ce travail. En effet, l’essor des cuisines régionales a progressivement érigé les spécialités locales en éléments remarquables de la nation. Les produits qui, sous l’Ancien Régime, servaient à asseoir la notoriété de certaines villes – Philippe Meyzie l’a montré avec sa thèse sur le Sud-Ouest aquitain[2]–, franchissent un nouveau cap. On parle en effet au début du XIXe siècle d’une « monumentalisation » de la spécialité alimentaire, qui place l’aliment sur la même marche qu’un château ou une cathédrale. L’Almanach des Gourmands de Grimod de la Reynière a en cela été surnommé le « Guide Grimod » par Pascal Ory puis Julia Csergo[3]. La question d’un processus patrimonial apparaît dès lors tout au long de l’époque contemporaine, chaque région incluant sa gastronomie dans les caractéristiques importantes de son identité.

La spécificité d’un espace, la Touraine

Le choix de la Touraine comme entité géographique est dû au fait que, depuis la Renaissance, la contrée est surnommée le « jardin de la France », héritage de la présence royale en Touraine qui en fait une terre fertile vantée pour ses fruits et légumes. En outre, actuellement, l’hédonisme gastronomique tourangeau fait la part belle, en dehors des vins, produits les plus connus, à la charcuterie (rillettes, rillons), aux volailles aux couleurs contrastées (géline noire, oie blanche), au fromage de Sainte-Maure-de-Touraine ainsi qu’aux douceurs sucrées comme la poire tapée et le macaron de Cormery. Dès lors, la question de l’appropriation de ces produits par les acteurs locaux était stimulante.

Source: DELAMARE DE MONCHAUX (Comte), Toutes les poules et leurs variétés : description, standard, points, élevage, Paris, Amat, 1924.

Source: DELAMARE DE MONCHAUX (Comte), Toutes les poules et leurs variétés : description, standard, points, élevage, Paris, Amat, 1924.

Comment, dans un département qui n’a pas d’identité alimentaire aussi marquée que d’autres en France, avec des plats emblématiques que la choucroute ou la bouillabaisse, s’est-on attaché depuis la fin du XIXe siècle à reconnaître et diffuser les productions locales ? Quels sont les acteurs impliqués et les stratégies employées qui ont abouti à la promotion actuelle ? La problématique ainsi posée, il s’agit en filigrane de voir comment, de la fin du XIXe siècle à la fin du suivant, le patrimoine alimentaire de la Touraine se construit.

Une mise en patrimoine progressive

Une première période, s’échelonnant des années 1880 à la Grande Guerre, permet à la Touraine alimentaire de s’affirmer. La mise en lumière nationale permise par les Expositions universelles et incarnée par Paris déteint sur la province qui, elle aussi, cherche à s’exprimer avec faste. L’Exposition Nationale de 1892 marque la grande entrée de Tours dans cette valorisation contemporaine. La réputation de « jardin de la France » sert de moteur aux efforts locaux. Le jeu des récompenses, encourageant le mérite et le progrès, fait de l’événement un grand moment républicain, salué par le ministre en visite.

En complément de l’aspect politique, les conséquences économiques de la révolution industrielle engendrent un développement agricole et commercial au tournant du siècle. Le syndicalisme se développe en Touraine comme ailleurs. Les secteurs des vins ou des produits laitiers se structurent progressivement. Sous la conduite d’ingénieurs agronomes, comme le directeur des services agricoles, Jean-Baptiste Martin, un enseignement républicain très scolaire est prodigué aux cultivateurs pour qu’ils soignent leur travail. La fraude est combattue et la sauvegarde de certaines productions locales, comme le pruneau, est déjà en question. D’autres débouchés sont alors recherchés. Martin prend par exemple la direction du Club avicole de la Touraine à sa création, en 1909, et peuple les basses-cours d’une poule noire, la géline de Touraine. Elle symbolise la volonté locale d’innover pour mettre en valeur le territoire.

Folklore, régionalisme et promotion touristique

La perspective touristique nouvelle, plus ample, amène aussi au tournant du vingtième siècle certaines denrées de production domestique, comme les rillettes et le fromage de chèvre, à devenir des spécialités en tant que telles. Les cartes postales s’en emparent. Des jeunes filles en tenue typique sont immortalisées un pot de rillettes à la main, ou un panier garni des légumes du « jardin de la France ». Elles dégustent également les vins du cru qui occupent majoritairement l’espace promotionnel. Les spécialités alimentaires participent d’une mise en scène folklorique.

Source : AM Tours, 11Fi17-2882.

Source : AM Tours, 11Fi17-2882.


Source : AM Tours, 11Fi17-2904.

Source : AM Tours, 11Fi17-2904.

Intégrant les produits alimentaires parmi les richesses locales, le régionalisme, à son apogée entre les deux guerres, joue un rôle clé dans la création patrimoniale. Une date importante est le lancement, en 1921, de la Grande semaine de Tours par Camille Chautemps, qui cherche à faire de sa ville une capitale agricole et administrative, influente sur une large région « Centre Ouest ». Parallèlement à cela, la Touraine suit le développement alimentaire national. Les terroirs viticoles s’affirment un peu plus avec l’aboutissement de la démarche d’appellation d’origine. L’aviculture locale connait son moment de gloire, et avec elle la Géline de Touraine, qui rivalise avec les volailles de Bresse. Enfin, les premières marques de camembert de Touraine et de Sainte-Maure accompagnent dans les années trente, la progression de la fédération des coopératives laitières, qui part à la conquête de nouveaux marchés, toujours sous la houlette de Jean-Baptiste Martin.

Politique et économique, le régionalisme est enfin culturel, bon nombre de passionnés vantant les mérites d’une gastronomie tourangelle à travers la littérature. Aux côtés des écrits touristiques de Curnonsky ou de Marcel Rouff, pour qui la Touraine n’est qu’une simple étape du tour de France, des romanciers ou des médecins écrivent leur amour de la contrée, en insistant sur la bonne chère. Les bienfaits du pruneau sont célébrés, de même que la consommation du Vouvray et des autres crus locaux, avec la bénédiction des médecins amis du vin. Les éditions tourangelles Arrault jouent un grand rôle en se spécialisant dans les publications de ce type.

Source : SOPHOS, O, Les nobles vins de la Touraine, Tours, Arrault, 1937.

Source : SOPHOS, O, Les nobles vins de la Touraine, Tours, Arrault, 1937.

Pourtant, malgré les efforts de ces acteurs variés, certains produits, tels la poire tapée et le pruneau, ne résistent pas aux évolutions économiques et, faute de main d’œuvre, notamment, disparaissent. Le « jardin de la France » ne survit que dans les textes et dans l’imaginaire entretenu par le tourisme.

De la valorisation du territoire à la mode du local

L’entrée dans le second vingtième siècle inaugure enfin ce que nous avons appelé l’étrange cohabitation entre le productivisme et la valorisation locale. L’ère Jean Royer à la mairie de Tours s’ouvre en 1959, sur une période d’expansion au cœur des « Trente Glorieuses ». Les foires sont repensées, et la valorisation du terroir est alors en retrait au profit du seul territoire, désireux d’être une terre de congrès et d’accueil pour les industries. Les châteaux ont toujours la primeur s’agissant du tourisme mais les Anglais, notamment, sont des cibles privilégiés pour la diffusion des vins de Touraine. Le prince Charles a récemment montré, en recevant à Paris le prix François Rabelais, que la réputation des vins de Chinon et de Saint-Nicolas-de-Bourgueil n’a pas échappé aux plus hautes instances du Royaume. Un autre Charles, Barrier, qui obtient une troisième étoile Michelin en 1968, incarne la qualité de la restauration locale.

Subsiste également à cette période une forme de régionalisme teinté de folklore qu’illustrent la société d’originaires « la Touraine à Paris », et les confréries. Ces mouvements contribuent à entretenir un esprit humaniste et gourmand au « jardin de la France ». Ce n’est pas sans importance car c’est cette image, véhiculée par le tourisme, qui prime au moment où la standardisation est remise en cause. Lors des crises des années 1970, le local, de nouveau à la mode, a des effets rassurants. Les vins et le fromage incarnent le « terroir ». La décennie suivante les intègre à la démarche patrimoniale qui entame sa généralisation.

Programme de la Foire agricole de 1979. Source : AM Tours, 3F, Boîte 150, Foire agricole de l’Ouest européen 1979, Programme officiel.

Source : AM Tours, 3F, Boîte 150, Foire agricole de l’Ouest européen 1979, Programme officiel.

Conscients que la Touraine « était » riche d’autres produits, des passionnés dépoussièrent les spécialités oubliées. La géline de Touraine et la poire tapée redeviennent soudainement importantes, l’association des « Croqueurs de pommes » s’intéresse aux anciennes variétés de fruits, et sous le contrôle du directeur du laboratoire d’analyses, Jacques Puisais, on recherche le caractère originel des rillettes. Avant que les pouvoirs publics ne prennent, parfois, le relais, les relances d’anciennes spécialités semblent d’abord être le fruit d’un travail de consommateurs, de passionnés. La presse, à travers l’exemple du Magazine de la Touraine, contribue aussi à valoriser les richesses et à leur donner de l’importance.

Intérêts de la recherche et suggestions

Dès lors que le sujet renvoie à l’histoire économique, politique et culturelle, il faut veiller à la sélection des sources, pragmatique, qui sollicite « le talent du chercheur ».[4] La documentation trop importante – osons le néologisme et appelons ça la « dodumentation » en histoire de l’alimentation – peut avoir des effets contreproductifs. Sans revenir sur les sources classiques qui sont détaillées dans la thèse, disons un mot du recours à la littérature qui est une piste toujours intéressante. Les romans donnent un point de vue, renvoient une certaine image, différente de ce que l’on peut trouver ailleurs. Les œuvres de Maurice Bedel ou de René Boylesve témoignent par exemple qu’il existe un club des amoureux de la gastronomie tourangelle, désireux de la faire connaitre. Avant eux, Balzac renseignait sur les premières consommations urbaines des rillettes. Si Rabelais reste la référence ultime, son image étant associée jusqu’à une marque de biscottes, d’autres auteurs lui ont emboîté le pas à l’époque contemporaine. Les folkloristes, de Jacques-Marie Rougé à « la Ligouère de Touraine », formation musicale, ont joué leur rôle également. Le premier est encore cité comme référence dès lors qu’il s’agit d’évoquer les « traditions » locales. C’était aussi l’une des raisons d’être de cette thèse que de compléter l’apport des travaux d’érudits, dont la seule occurrence posait parfois problème au monde académique.

Le volet touristique de notre étude permet aussi de confirmer que l’influence extérieure dans la construction des cultures alimentaires est indéniable. La cuisine tourangelle, comme celle des autres régions, est en réalité une cuisine de représentations, stéréotypée, entretenue par les publications touristiques parisiennes et la littérature régionaliste. L’imaginaire et le regard extérieur sont au cœur de la construction patrimoniale.

Une autre observation doit être faite quant à la place de l’Indre-et-Loire dans la promotion nationale, pour tenter d’expliquer pourquoi le département reste relativement en retrait par rapport à d’autres… comme s’il baignait dans son propre cliché de la douceur de vivre et de l’insouciance. Les faits le montrent, les Tourangeaux ont plus souvent été dans la réaction que dans l’action. D’emblée, le « jardin de la France » se construit pourtant une réputation qui, au regard des discours, est peu modeste. Il a pour objectif ambitieux d’accueillir la première foire agricole française à l’époque de Chautemps, puis d’incarner « l’Ouest européen » sous l’ère Royer. À chaque fois, ses aspirations sont cependant contrariées, de la même manière que le titre de capitale de région, longtemps convoité, lui échappe au profit d’Orléans. C’est une preuve que la réputation ne fait pas tout.

La discipline historique, rendant compte de plusieurs césures, et confirmant le caractère évolutif du patrimoine alimentaire, permet d’avoir un regard différent ou complémentaire des principaux travaux sur cette question, qui émanent d’anthropologues et de sociologues.[5] S’ils encouragent avec bonheur l’interdisciplinarité, ils s’inscrivent dans le temps présent, pas forcément délimité, ce qui pose problème à l’historien dès lors qu’il cherche à comparer ses résultats. On ne peut donc qu’encourager les investigations historiques sur d’autres régions, cette thèse cherchant déjà à s’inscrire dans la lignée des chercheurs qui ont pris en compte cette dimension dans leurs travaux. C’est le cas par exemple de l’anthropologue Gilles Laferté pour la Bourgogne et de Claire Delfosse, en géographie, pour le fromage et le patrimoine de Rhône-Alpes.

Espérons pour finir que cette thèse puisse, au-delà de son apport scientifique, faire naître une action de valorisation locale pour certains produits, de même que les inventaires du patrimoine culinaire de la France se destinaient en partie à cela. C’est toute la question que de savoir si une étude universitaire objective sur la mise en valeur d’un patrimoine peut servir à sa valorisation effective. Les futurs projets de la collectivité locale ou de l’association Tours Cité internationale de la gastronomie y répondront sans doute.

Bibliographie

∴ ANDRIEUX, Jean-Yves, et HARISMENDY, Patrick (dir.), L’assiette du touriste. Le goût de l’authentique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013.
∴ BÉRARD, Laurence, MARCHENAY, Philippe, HYMAN, Mary et Philip, et BIENASSIS, Loïc (dir.), L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France : produits du terroir et recettes traditionnelles, Région Centre, Paris, Albin Michel, 2012.
∴ CAMPANINI, Antonella, SCHOLLIERS, Peter, et WILLIOT, Jean-Pierre (dir.), Manger en Europe : patrimoines, échanges, identités, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2011.
∴ HACHE-BISSETTE, Françoise, et SAILLARD, Denis (dir.), Gastronomie et identité culturelle française : Discours et représentations (XIXe-XXIe siècles), Paris, Nouveau Monde, 2007.
∴ MARACHE, Corinne, et MEYZIE, Philippe (dir.), Les produits de terroir. L’empreinte de la ville, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2015.
∴ THIESSE, Anne-Marie, Ils apprenaient la France : L’exaltation des régions dans le discours patriotique, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1997.
Pour consulter la thèse en intégralité:
RADUGET, Nicolas, Les acteurs et les voies de la mise en valeur du patrimoine alimentaire de la Touraine des années 1880 à 1990, thèse de doctorat d’Histoire (direction Jean-Pierre Williot), Université de Tours, 2015. [Bientôt consultable à la bibliothèque de l’IEHCA].

Notes de bas de page

[1] BESSIÈRE, Jacinthe, et TIBÈRE, Laurence, « Innovation et patrimoine alimentaire en Midi-Pyrénées », Anthropology of food [http://aof.revues.org/6759], n° 8, 2011.

[2] MEYZIE, Philippe, Culture alimentaire et société dans le Sud-Ouest aquitain du XVIIIe au milieu du XIXe siècle : goûts, manières de table et gastronomie, l’émergence d’une identité régionale, thèse de doctorat d’Histoire (direction Josette Pontet), Université de Bordeaux 3, 2005.

[3] ORY, Pascal, « La gastronomie », in NORA, Pierre (dir.), Les lieux de mémoire, tome 3, Paris, Gallimard, 1997, p. 3752 ; CSERGO, Julia, « La gastronomie dans les guides de voyage : de la richesse industrielle au patrimoine culturel, France XIXe-début XXe siècle », In Situ [http://insitu.revues.org/722], n° 15, 2011, p. 3.

[4] MARROU, Henri-Irénée, De la connaissance historique, Paris, Seuil, 1975 [1954], p. 69.
[5] Voir notamment BESSIÈRE, Jacinthe, Valorisation du patrimoine gastronomique et dynamiques de développement territorial : le haut plateau de l’Aubrac, le pays de Roquefort et le Périgord noir, Paris, L’Harmattan, 2001 ; BÉTRY, Nathalie, La Patrimonialisation des fêtes, des foires et des marchés classés « sites remarquables du goût » ou la mise en valeur des territoires par les productions locales, thèse de doctorat de Sociologie et Anthropologie (direction Jean-Baptiste Martin), Université de Lyon 2, 2003 ; FAURE, Muriel, Du produit agricole à l’objet culturel. Les processus de patrimonialisation des productions fromagères dans les Alpes du Nord, thèse de doctorat de Sociologie et Anthropologie (direction Jean-Baptiste Martin), Université de Lyon 2, 2000.

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Encore une Nouvelle Cuisine ? – Matthieu Aussudre – Auteur invité http://tenzo.fr/articles/encore-une-nouvelle-cuisine-matthieu-aussudre-auteur-invite/ http://tenzo.fr/articles/encore-une-nouvelle-cuisine-matthieu-aussudre-auteur-invite/#respond Sun, 17 Jan 2016 09:00:02 +0000 http://tenzo.fr/?p=1460
Ce mémoire s’applique à analyser les particularités de la rupture qui a fait basculer la haute cuisine française dans sa contemporanéité. En étudiant les vecteurs d’innovation et les discours de la Nouvelle Cuisine, on s’aperçoit certes qu’elle reprend des arguments similaires à ces lointaines cousines du XVIIe et du XIXe siècle, mais surtout, que ces préceptes sont toujours d’actualité aujourd’hui...
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Matthieu

Encore une Nouvelle Cuisine?

17 Janvier 2016 | PAR MATTHIEU AUSSUDRE

Matthieu Aussudre est chercheur indépendant en histoire de l’alimentation. Diplômé depuis septembre 2015 d’un Master en histoire contemporaine, il tente à travers son activité de consultant de confronter le monde de la haute gastronomie à son histoire.

La Nouvelle Cuisine Française ! Que d’étonnements et d’avis distincts ai-je reçus lorsque j’évoquai mon sujet de recherche auprès de mon entourage. Professeurs, étudiants, cuisiniers, journalistes, consommateurs, tous avaient leurs propres avis sur la question. Il s’agissait d’ « une révolution culinaire» pour certains, d’une «arnaque» pour d’autres, et je lisais ou entendais parfois qu’elle n’avait jamais existé, qu’elle n’avait rien changé ou qu’il s’agissait ni plus ni moins d’une énième mode dans l’histoire de la cuisine. De son côté, l’Université française n’a pas encore appréhendé la Nouvelle Cuisine comme un champ de recherches à part entière. En effet, les historiens l’ont faite entrer dans l’articulation d’autres histoires comme celles de la cuisine française (Patrick Rambourg), des cuisiniers (Alain Drouard), de la gastronomie (Jean-Robert Pitte) ou de son discours (Pascal Ory). Mais jamais elle ne fut le sujet central d’une recherche universitaire. Ce mémoire s’avère être donc le premier du genre.

Pour construire cette historiographie nouvelle, il a fallu à la fois puiser dans les « classiques » de l’histoire de la haute cuisine française (les époux Hyman, Jean-Louis Flandrin, Barbara Ketcham Wheaton, etc.), mais également se faire le passeur des travaux récents de certains essayistes dans une recherche universitaire. C’est d’ailleurs en croisant les analyses de la Nouvelle Cuisine d’un historien (Alain Drouard) et d’un essayiste (Bénédict Beaugé) que j’ai constitué l’approche conceptuelle de mon travail.

Lorsque l’on parla de « Nouvelle Cuisine » au début des années 1970 pour englober les ruptures culinaires amorcées par Michel Guérard, Alain Senderens, les frères Troisgros ou encore Alain Chapel, on oublia de rappeler qu’une nouvelle cuisine avait déjà vu le jour au XVIIIe siècle.

Menon, « La Nouvelle Cuisine », Tome Troisième de son Nouveau Traité de la Cuisine (1742).

Menon, « La Nouvelle Cuisine », Tome Troisième de son Nouveau Traité de la Cuisine (1742).

Des cuisiniers tels que Menon ou Marin prônèrent une nouvelle façon de travailler, moquée par Desalleurs ou encore Voltaire, dont l’ « estomac ne s’accommode point de nouvelle cuisine »[1]. Dans une réédition de 1983 du Cuisinier François de François Pierre La Varenne (1651) dont le texte est présenté par Jean-Louis Flandrin, Philip et Mary Hyman, ces derniers soulignent les points communs entre la Nouvelle Cuisine du XXe siècle et le discours de La Varenne. En effet,  Le Cuisiner François s’avère être la première trace de l’émancipation de la cuisine française face à la cuisine médiévale qui dominait alors l’Europe occidentale. Elle bascule dès lors dans une nouvelle ère, celle d’une cuisine moderne. On parle alors de la naissance d’une « grande cuisine française ». Celle-ci naît d’une érosion du modèle précédent, entamée dès la Renaissance. Cette rupture s’est donc faite progressivement et fut notamment liée à la mise en place de nouveaux critères de distinction. L’usage des épices orientales s’étant banalisé, la cuisine aristocratique décide de les remplacer par des aromates produits sur le territoire du royaume : ciboule, échalotes, anchois, câpres, champignons, et en particulier la truffe noire qui devient le symbole de la haute cuisine.[2] On abandonne également les sauces acides et maigres du Moyen-Âge au profit des sauces grasses (le beurre devient la graisse de prédilection) qui laissent plus de place au goût propre des aliments. Des auteurs tels que Nicolas de Bonnefons, L.S.R ou encore Pierre de Lune, poursuivent le travail de La Varenne en reprochant à « l’ancienne cuisine » de trop « déguiser » les viandes et de proposer une profusion de garnitures qui vont à l’encontre de leur idée d’une cuisine qui respecte le goût naturel des aliments, avec des assaisonnements équilibrés et des accords nouveaux. Selon Nicolas de Bonnefons, il faut qu’un potage aux choux «sente entierement le chou, aux porreaux le porreau, aux navets, le navet & ainsi les autres, laissant les compositions pour les Biques, Panades & autres desguisements dont on doit plustot gouster que de s’en remplir»[3]. Comment ne pas y trouver des similitudes avec le discours des chefs de la Nouvelle Cuisine du XXe siècle ? « Le produit, seul, est la vérité. Le produit, seul, est la vedette et non le cuisinier qui ne fait que le respecter » disait Alain Chapel[4].

Ces similitudes trouvées avec les discours des « nouvelles cuisines » des XVII et XVIIIe siècles m’ont intrigué. L’étude du très riche XIXe siècle culinaire et de ses deux grandes codifications, celles de Carême et d’Escoffier qui installent la haute cuisine française sur le toit du monde, me conforte qu’il s’agit là encore d’une rupture dans les pratiques. J’ai donc opéré un séquencement de l’histoire de la haute cuisine française tout à fait inédit. En effet, en comparant mes recherches sur la cuisine nouvelle du XXe siècle et les caractéristiques de ses aïeules, il semble clair que la Nouvelle Cuisine Française s’inscrit dans la même démarche culturelle que les ruptures du XVIIe et du XVIIIe siècle (voire du XIXe qui diffère cependant sur quelques points), avec une reconstruction permanente de l’innovation culinaire. Ces ruptures ont séquencé l’histoire de la grande cuisine française en quatre ères, une pour  chaque siècle depuis le XVIIe siècle..

Je me suis donc intéressé à la dernière grande rupture que connut l’histoire de notre haute cuisine, qui nous a fait basculer dans une ère culinaire nouvelle dont les principes sont toujours suivis aujourd’hui.

Auguste Escoffier, grande figure de la cuisine classique.

Auguste Escoffier, grande figure de la cuisine classique.

Pour comprendre cette rupture, il nous faut remonter à la France de l’après-guerre. Après plusieurs années de privation, les Français n’aspirent qu’à une seule chose: se venger de la faim. À Paris notamment, la population, qui avait connu les tickets de rationnement et le marché noir, se rue sur l’alimentation qui abonde de nouveau[5]. Les plus fortunés d’entre eux réservent chez les grandes adresses de l’après-guerre (Lapérouse, La Tour d’Argent, Maxim’s, Lucas Carton, le Café de Paris) et s’empiffrent de viandes rouges, de volailles, de crustacés, de foie-gras et de truffes. Le week-end, ils prennent la Nationale 7 pour s’offrir des escapades gastronomiques chez Hure à Avallon, Bise à Talloires, Thuillier aux Baux-de-Provence et dans les grandes maisons provinciales de la fin des années 1940 (Dumaine, Point, Pic, la Mère Brazier). Dans les assiettes, l’heure était aux retrouvailles avec un luxe trop longtemps interdit, la ripaille et les excès.

Parallèlement, la société française amorçait une profonde mutation, se lançant dans une période de croissance folle de 6% en moyenne par an, jusqu’au choc pétrolier de 1973.  Le changement est brutal. La France si démunie à la fin de la guerre peut désormais se rassasier. Le pays entre alors dans une frénésie de consommation, une époque marquée par la vitesse, l’exode rural, le travail des femmes, le culte du corps, le consumérisme et l’arrivée sur le marché de produits exotiques. Il faut alors imaginer que la cuisine d’avant-guerre était une protection, un refuge quasi maternel pour certains, face à ce monde en mouvement, synonyme de changement définitif de notre mode de vie. La haute cuisine d’alors était restée figée depuis le XIXe siècle, la codification d’Escoffier était si parfaite que personne (ou presque) n’osait faire autre chose que cette cuisine classique, qui, non dépoussiérée, devenait beaucoup trop lourde, grasse et prétentieuse pour une époque qui aspirait à de la légèreté, à la liberté.

Au mois de mai de l’année 1968, les étudiants dans la rue remettaient en cause tout ce qui était tabou, intouchable ou dangereux dans la société. Alors qu’en matière de cinéma et de littérature, les académismes étaient brisés avec la Nouvelle Vague et le Nouveau Roman, que les tabous tombaient dans la sexualité, la cuisine était toujours emprisonnée dans ses conventions issues du XIXe siècle. Pourtant remises en cause par des cuisiniers avant-gardistes tels qu’André Guillot, Jean Delaveyne, Charles Barrier ou dans un autre registre Raymond Oliver, les fondations de cette ère culinaire s’effritaient, tremblaient même, mais elles tenaient bon. Ces chefs ont néanmoins eu le mérite d’amorcer une révolution dans les casseroles que découvrirent deux jeunes journalistes en allant dîner chez un certain Paul Bocuse en 1964.

Michel le fils, Jean et Pierre les frères Troisgros.

Michel le fils, Jean et Pierre les frères Troisgros.

Henri Gault et Christian Millau, alors respectivement reporter et responsable des pages magazines de Paris-Presse, sont alors subjugués par une salade de haricots verts al dente, suivie de petits rougets de roche très peu cuits. Une cuisine toute en simplicité, à des années- lumière de ce qu’ils avaient l’habitude de manger. Bocuse leur recommanda alors de visiter les frères Troisgros à Roanne chez qui ils retrouvèrent le même esprit que celui de leur dîner chez Bocuse : simplicité, raffinement, légèreté, audace. En parcourant la France, ils découvrirent sans cesse des cuisiniers qui, sans forcément se connaître, partageaient cette même vision d’une cuisine émancipée de ses carcans : Michel Guérard, Jacques Manière, Claude Peyrot, les frères Minchelli, Alain Senderens, Alain Chapel, Roger Vergé, etc. Devant l’émergence simultanée de talents qui fissurèrent de toutes parts l’édifice d’Escoffier, Henri Gault et Christian Millau proclamèrent pour la première fois l’avènement de la « Nouvelle Cuisine Française » dans leur numéro mythique d’octobre 1973. Le manifeste qui s’y trouve prône un véritable putsch des fourneaux, renversant l’ère culinaire du XIXe siècle et annonçant les dix commandements de la cuisine nouvelle qui en naîtra : réduction des temps de cuisson, nouvelle utilisation des produits (cuisine du marché), diminution du choix des cartes, ne pas être systématiquement moderniste, employer et s’adapter aux techniques d’avant-garde, stop au faisandage, alléger sa cuisine, ne pas ignorer la diététique, stop aux présentations truqueuses et être inventif, tout est désormais permis ! L’héritage de Mai 1968 se ressent particulièrement dans ce dixième commandement. En déclarant la liberté totale aux cuisiniers, Gault et Millau s’assurent de la fin de règne du Guide Culinaire d’Escoffier comme référentiel absolu. La Nouvelle Cuisine, en se posant comme anti-école, ouvre tous les champs du possible en matière de cuisine, ce qui constitue une révolution en soit tant la gastronomie était normée, enfermée dans ses dogmes. Ce coup d’éclat médiatique se veut le point de bascule dans une nouvelle ère culinaire, acte central de ce mémoire.

Alain Chapel, un des chefs les plus talentueux de la Nouvelle Cuisine.

Alain Chapel, un des chefs les plus talentueux de la Nouvelle Cuisine.

Ce mémoire s’est donc appliqué à analyser les particularités de cette rupture qui a fait basculer la haute cuisine française dans sa contemporanéité. En étudiant les vecteurs d’innovation et les discours de la Nouvelle Cuisine, on s’aperçoit certes qu’elle reprend des arguments similaires à ces lointaines cousines du XVIIe et du XIXe siècle, mais surtout, que ces préceptes sont toujours d’actualité aujourd’hui. La quête de légèreté et de naturel, l’ouverture sur le monde, l’utilisation de nouvelles technologies et de la science, la « starification » des chefs et leur accès au rang d’artistes, les multiples altérations dans le dressage des assiettes et le discours (quitte à parfois sombrer dans le snobisme) sont d’autant de facteurs qui marquent toujours notre haute cuisine.

Bibliographie

 

∴ ARON Jean-Paul, Les Modernes, Paris, Gallimard, 1984.

 

∴ BEAUGÉ Bénédict, Aventures de la cuisine française, Paris, Nil, 1998.

 

∴ BEAUGÉ Bénédict, Plats du jour /Essai sur l’idée de nouveauté en cuisine, Paris, Édition Métailié, 2012.

 

∴ CHAMPION Caroline, Hors d’œuvre, essai sur les relations entre arts et cuisine, Gallardon, Menu Fretin, 2010.

 

∴ DROUARD Alain, Histoire des cuisiniers en France, Paris, CNRS Éditions, 2004.

 

∴ FISCHLER Claude, L’Homnivore, Paris, Odile Jacob, 1990.

 

∴ GAULT Henri et MILLAU Christian, Gault et Millau se mettent à table, Paris, Stock, 1976.

 

∴ GUÉRARD Michel, La Grande Cuisine minceur, Paris, Robert Laffont, 1976.

 

∴ KETCHAM WHEATON Barbara, L’office et la bouche, histoire des mœurs de la table en France 1300-1789, Paris, Calmann-Lévy, 1984.

 

∴ REVEL Jean-François, Un festin en paroles, Paris, Pauvert, 1979.

 

∴ ROSS Christine, Rouler plus vite, laver plus blanc, Paris, Flammarion, 2006.

 

Pour consulter l’ouvrage en intégralité:
∴ AUSSUDRE Matthieu, La Nouvelle Cuisine Française : rupture et avènement d’une nouvelle ère culinaire, 2015, mémoire de Master II, consultable à la bibliothèque de l’IEHCA, Tours.

La Nouvelle Cuisine souffre depuis la fin des années 1980 d’une mauvaise réputation due aux excès qu’elle a pu connaître à cette période (petites portions / grandes assiettes, prix démesurés, maniérisme dans les dressages et dans les appellations, etc.). Ces clichés sont d’ailleurs toujours tenaces dans l’imaginaire collectif. Sans être partisan, ce mémoire s’applique à remettre la Nouvelle Cuisine au cœur de son histoire, et ce pour la première fois.

Notes de bas de page

[1] VOLTAIRE, Œuvres complètes de Voltaire, Correspondance générale, Paris, Desoer, 1817.

[2] LA VARENNE François Pierre, Le Cuisinier François, 1651, textes présentés par Jean-Louis Flandrin, Philip et Mary Hyman, Paris, édition Montalba, 1983.

[3] DE BONNEFONS Nicolas, Les Délices de la campagne. Suitte du jardinier françois où est enseigné a préparer pour l’usage de la vie, tout ce qui croist sur la terre, et dans les eaux, dédié aux dames mesnagères, Paris, 1654. Deuxième édition, Amesterdam, 1655.

[4] CHAPEL Alain, La cuisine c’est beaucoup plus que des recettes, Paris, Robert Laffont, 1980.
[5] PAWIN Rémy, Histoire du bonheur en France, depuis 1945, Paris, Robert Laffont, 2013.

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La glanure de l’ordure – Fanny Pacreau – Auteure invitée http://tenzo.fr/articles/auteure-invitee-fanny-pacreau-la-glanure-de-lordure/ http://tenzo.fr/articles/auteure-invitee-fanny-pacreau-la-glanure-de-lordure/#respond Fri, 13 Nov 2015 12:04:52 +0000 http://tenzo.fr/?p=997

Etre récupérateur dans l’âme, c’est une façon de se définir, de se penser en dehors ou en l’absence de tout cadre existant. C’est aussi un peu de ce qui résiste aux tentatives d’éradication et de stigmatisation des pratiques de récupération. Faute d’avoir été prise en compte, ou exclusivement inscrite dans des projets associatifs, cette récupération informelle se marginalise et s’inscrit chaque jour davantage dans la prohibition car parasite, concurrence et entrave le système institué.

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La glanure de l’ordure

22 NOVEMBRE 2015 | PAR FANNY PACREAU

Fanny Pacreau est anthropologue. Elle s’est spécialisée dans le rapport de l’Homme à la nature et aux déchets, contribuant sur ces thèmes à différents ouvrages destinés au grand public. Elle a notamment fondé en 2013 Enquête d’ordinaire, un bureau d’études spécialisé en ethnographie et en anthropologie et apporte aux élus des collectivités locales, l’éclairage nécessaire pour la conduite de certaines de leurs politiques. Elle est par ailleurs chercheur associé au Centre nantais de sociologie (FRE 3706).
Les récupérations de Valérie Barbereau s’inscrivent dans un mode de vie végan. Au-delà d’un régime alimentaire végétalien, le véganisme est une conception morale et philosophique des relations entre espèces animales : l’antispécisme que Valérie inscrit dans le cadre d’une action militante pour le droit des animaux (2).

Les récupérations de Valérie Barbereau s’inscrivent dans un mode de vie végan. Au-delà d’un régime alimentaire végétalien, le véganisme est une conception morale et philosophique des relations entre espèces animales : l’antispécisme que Valérie inscrit dans le cadre d’une action militante pour le droit des animaux [2].

Des patates bien sûr, mais aussi, selon la saison, des citrouilles, des tomates ou des coings, des fruits et légumes complètement récupérables [1] participent au conglomérat des déchets verts. Un peu plus loin, dans le tout-venant, ayant échappé aux planifications et modes de contrôles (Harpet, 1998) se trouve un paquet de gâteaux secs périmés. Voilà sur quels « heureux » hasards compte celui ou celle qui, ici, cherche à manger.

Toutefois, la déchetterie reste un lieu de seconde zone pour se nourrir gratuitement. Les poubelles des supermarchés ou les fins de marchés lui sont souvent préférées. Selon les désaffections du jour, l’improbable garde-manger peut tout à fait se doubler d’une garde-robe vintage : vieilles paires de chaussures, vêtements, linge de maison ou encore sacs à main. L’espace bois fournit quant à lui mobilier ou combustible composite d’essences brutes, agglomérées, traitées, vernies, peintes, teintes et même mélaminées ou stratifiées. La déchetterie pourvoit ainsi à des besoins dits de première nécessité tels que manger, s’habiller ou encore se chauffer.

La conjonction des abandons et de ces besoins s’apparente à une véritable loterie. Cet aléatoire, cet état de non-savoir, c’est cela aussi être démuni. Mais, l’incertitude a tôt fait de se gonfler d’espérances. Ainsi, la perspective de découvertes vient adoucir la réalité de conditions matérielles précaires.

Anastasia. – Chacun a sa façon de voir la déchetterie, c’est ça qui est bizarre, tu vois. Nos enfants, ils vont cibler les jeux, des choses colorées. On le voit bien, c’est les choses qu’ils cherchent dans le tas. Jimmy cherche s’il reste des vis, des morceaux d’anciens meubles, les charnières, les trucs comme ça. Après, du coup, ça peut toujours resservir. Moi je suis plus à me dire : est-ce qu’il y a de la déco ?

Récupérer implique de se pencher pour ramasser des restes. Dans ce mouvement et cette finalité, Agnès Varda (2000) voit le prolongement du glanage d’autrefois. Les moissons de notre temps revêtent simplement des formes disparates. Loin de se restreindre aux céréales, l’éventail des restes s’est considérablement élargi, suivant la courbe exponentielle de production des biens matériels. La masse des récupérations, l’hétéroclisme des trouvailles découragent toute velléité de classification et en contredisent en permanence la pertinence. Ce chaos flamboyant se transporte bien souvent dans les intérieurs des récupérateurs : formes transposées de la caverne d’Ali Baba. L’hétéroclisme du butin suscite le sentiment rassurant que tout désir, quel qu’il soit, peut trouver à s’y réaliser.

Valerie Barbereau : je fais de la récup’ et du glanage depuis que je suis toute petite. Les poubelles des magasins, les fins de marchés, les déchèteries regorgent de produits divers et variés qui sont encore réutilisables. Aujourd’hui, on jette pour mieux consommer alors qu’on manque d’argent. On s’inquiète des dates alors qu’en fait les produits sont encore consommables. On peut aussi glaner dans les champs, cueillir les fruits et plantes sauvages. Il est possible de vivre avec la récup’. On peut aussi se chauffer gratuitement en récupérant des palettes et du bois tombé au sol. Mes enfants ont appris à glaner eux aussi et maintenant à l’âge adulte ils savent vivre avec peu. J’aime la récup’, c’est une manière de vivre qui me convient et que je ne suis pas prête d’arrêter.

Valerie Barbereau : je fais de la récup’ et du glanage depuis que je suis toute petite. Les poubelles des magasins, les fins de marchés, les déchèteries regorgent de produits divers et variés qui sont encore réutilisables. Aujourd’hui, on jette pour mieux consommer alors qu’on manque d’argent. On s’inquiète des dates alors qu’en fait les produits sont encore consommables. On peut aussi glaner dans les champs, cueillir les fruits et plantes sauvages. Il est possible de vivre avec la récup’. On peut aussi se chauffer gratuitement en récupérant des palettes et du bois tombé au sol. Mes enfants ont appris à glaner eux aussi et maintenant à l’âge adulte ils savent vivre avec peu. J’aime la récup’, c’est une manière de vivre qui me convient et que je ne suis pas prête d’arrêter.

Ainsi, sur ce qui pourrait être défini à priori par le terme de bric-à-brac, Pascal projette avec enthousiasme la magnificence du trésor de la caverne, comme en témoigne ce rapide inventaire : Boîte aux lettres pour un copain, parasol, tapis de gym, raquettes : vachement, stock d’assiettes en porcelaine, livres environ 1 800, trottinettes car avec deux j’en fais une, cuissardes, chaise à restaurer mais je crois que je vais la remettre à la déchetterie. Y’a des fois je récupère au cas où et puis finalement non ! Perceuses, toutes viennent de la déchetterie, tuiles qui me servent pour faire mes bordures dans le jardin, livres que je donne, que je lis. Au premier étage, dans sa chambre. Je n’achète plus de vêtements, en gros depuis 10 ans. Il revêt un blouson de cuir élimé : ça vaut très cher. Il est si fier. Pour moi, c’est à prendre en compte, je rectifie : blouson de cuir patiné. Poursuivons, clic-clac, chaises encore, matériel informatique : deux scanners, six imprimantes à partir desquels je re-fabrique. Il compte dix ordinateurs dans la pièce, et disséminés un peu partout, des accessoires informatiques [qu’il a] désossés. Mais maintenant, on ne peut plus accéder à ces déchets. Bibelots, bouquins d’histoire-géographie qui ont 3 ans, 4 ans.C’est fou et je m’instruis beaucoup de cette manière-là. Du fil électrique, des câbles, une rallonge électrique parce que je refais mon électricité. Des rideaux, toute une encyclopédie. Des palettes récupérées à la déchetterie servent de sommier pour son lit. Retour au rez-de-chaussée, dans la cuisine, tabouret, bibelots encore, yaourtière, balance Terraillon, faitout, mixeur, planche à découper, dessous de plat… Tu vois, je suis vraiment récupérateur dans l’âme.

Etre récupérateur dans l’âme, c’est une façon de se définir, de se penser en dehors ou en l’absence de tout cadre existant. C’est aussi un peu de ce qui résiste aux tentatives d’éradication et de stigmatisation des pratiques de récupération. Décrié par les hygiénistes au XXe siècle pour son insalubrité (Barles, 2005), le métier de chiffonnier disparaît dans les années 1960 et avec lui un cadre formel d’exercice de la récupération et sa reconnaissance sociale. Bien que la mécanique industrielle du traitement des déchets en soit oublieuse, cette réalité sociale se fait persistante et parfois militante. Ainsi en va-t-il également du freeganisme. Faute d’avoir été prise en compte, ou exclusivement inscrite dans des projets associatifs, cette récupération informelle se marginalise et s’inscrit chaque jour davantage dans la prohibition car parasite, concurrence et entrave le système institué.

Notes de bas de page

[1] Témoignage de Daniel Simon, récupérateur cité également dans le carnet n°2.

[2] Voir l’Arche de Valudo ou sur leur page facebook.

Pour aller plus loin:
∴ Harpet, Cyrille, Du déchet : Philosophie des immondices. Corps, ville, industrie, Paris, L’Harmattan, 1998.
∴ Varda, Agnès, Les glaneurs et la Glaneuse, Ciné Tamaris, 2000.
∴ Varda, Agnès, Deux ans après, Ciné Tamaris, 2002.
∴ Barles, Sabine, L’invention des déchets urbains. France : 1790-1970, Seyssel, éditions Champ Vallon, 2005.

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http://tenzo.fr/articles/auteure-invitee-fanny-pacreau-la-glanure-de-lordure/feed/ 0
Des parents sous influence ? – Edwige Dacheux – Auteure invitée http://tenzo.fr/articles/article-edwige-dacheux-des-parents-sous-influence-limpact-de-la-publicite-sur-les-decisions-alimentaires-dans-lindustrie-alimentaire-infantile/ http://tenzo.fr/articles/article-edwige-dacheux-des-parents-sous-influence-limpact-de-la-publicite-sur-les-decisions-alimentaires-dans-lindustrie-alimentaire-infantile/#comments Fri, 09 Oct 2015 10:10:20 +0000 http://tenzo.fr/?p=562

L'objectif de la présente étude est de décrire la manière dont les industriels spécialistes des « baby- food » ont utilisé la publicité, pour construire l'image de leurs produits.
 Le traitement de l’image publicitaire peut être riche en découvertes pour comprendre la manière dont l'industriel a utilisé la culture matérielle et la compétence des sociétés de communication pour se faire accepter sur le marché de l’alimentation industrielle et même créer un nouveau secteur : l’alimentation industrielle infantile.

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Edwige PECHON DACHEUX, enseigne l’hôtellerie et la restauration en lycée professionnel (Saint-Quentin 02). Passionnée de sciences humaines, elle se questionne depuis toujours sur les comportements et les habitudes alimentaires. Ses élèves sont alors une source intarissable de questionnements. Elle se nourri alors d’études sociologiques et anthropologiques pour tenter d’appréhender ces problématiques.
La naissance de ses deux enfants accentue ce besoin de comprendre. L’allaitement puis la diversification et l’alimentation des jeunes enfants, la passionne. Toutes ces interrogations la pousse à retrouver les bancs de l’université pour y préparer un master 2 en sciences humaines et sociales, sciences historique option histoire et cultures de l’alimentation. Elle consacre alors ses recherches à l’influence qu’exerce l’industrie alimentaire sur les devoirs nourriciers des mères de 1957 à aujourd’hui. Elle obtient son master 2 en 2014.

 

Depuis elle poursuit son cheminement sociologique pour tenter de traduire et ainsi comprendre les modifications comportementales des consommations alimentaires contemporaines.

 

Pour consulter l’ouvrage en intégralité :
Pechon Dacheux Edwige, Comment les industriels parlent-ils aux mères ? L’influence de l’industrie alimentaire infantile sur les devoirs nourriciers des mères de 1957 à aujourd’hui (2 tomes), mémoire de master 2, consultable à la bibliothèque de l’IEHCA, Tours, 2014

 

A paraître :
Pechon Dacheux Edwige, Quand les industriels parlent aux mères, Paris, éditions l’Harmattan, à paraître début 2016

Des parents sous influence ? L’impact de la publicité sur les décisions alimentaires dans l’industrie alimentaire infantile.

11 OCTOBRE 2015 | PAR EDWIGE DACHEUX

« L’homme est probablement consommateur de symboles autant que de nutriments »[1]

 

Chaque individu responsable, est aujourd’hui acteur de sa propre consommation. Il décide ainsi librement de ce qu’il ingère, et ses choix peuvent devenir alors un véritable mode de vie. Lorsque ce même individu modifie ses habitudes de vie (formation d’un couple), il modifie également ses habitudes alimentaires[2]. Alors, lorsqu’il fonde une famille, il devient logiquement, le prescripteur de l’alimentation de son enfant. A ce moment, chaque parent, se questionne sur la direction à prendre.

Présentation de la recherche

L’objectif de la présente étude est de décrire la manière dont les industriels spécialistes des « baby- food » ont utilisé la publicité, pour construire l’image de leurs produits.
Les limites du traitement de l’image publicitaire, rendent l’analyse délicate. Cependant, cette dernière, peut être riche en découvertes pour comprendre la manière dont l’industriel a utilisé la culture matérielle et la compétence des sociétés de communication pour se faire accepter sur le marché de l’alimentation industrielle et même créer un nouveau secteur : l’alimentation industrielle infantile. L’enjeu de cette analyse est de comprendre comment les industriels ont parlé aux mères à travers la publicité presse, pour faire adopter un nouveau produit devenu « bien de consommation courante ».[3]

Ce travail de recherche me guide vers des illustrations pour la promotion « d’aliments infantiles » de 1910 à nos jours. Mais comment définir cette « alimentation infantile » ? Qu’est ce qui la caractérise et qui vise t-elle ? Jean-Noël Luc tente de définir le bornage de l’enfance en se rapprochant des références médicales depuis le XVIII siècle.[4] Il fait apparaître une profonde modification des critères définissants un enfant à travers le temps. Bien que l’évolution des bornages référents pour l’alimentation infantile soit en constante évolution en fonction des époques, nous considérerons pour la présente étude que « l’aliment infantile » se définit dans notre corpus comme une alimentation spécifique pour les enfants de la naissance à trois ans.

 

Le travail de recherche ainsi présenté combine approches quantitatives et qualitatives, par une analyse sémiotique des éléments iconographiques et sociaux. Deux approches complémentaires, qui permettront de mettre en lumière, les éléments qui mèneront la réflexion centrale de recherches. Le travail de Peirce[5] sera un guide précieux dans mon analyse. Sa théorie générale des signes, insérée dans mon corpus me permettra de visualiser une perspective plus large. Le lien entre « signifiant », « référent » et « signifié » marquera majoritairement mon travail. Nous pourrions proposer une définition schématique de cette dynamique tripolaire liant le signifiant au référent et au signifié.

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J’ai ainsi lié, tout au long de l’observation, l’analyse sémiologique, l’analyse quantitative aux résultats d’un sondage via QCM, effectué sur un échantillon de 100 personnes ayant eu des enfants entre 1960 et 2013[6].

La lecture sémiotique

Les analyses du corpus ont mis en lumières plusieurs centres d’intérêt. La lecture sémiotique a permis de dévoiler des axes de travail qui ont guidé la communication des industriels sur l’ensemble temporel de l’étude. L’analyse sémiologique a mis en évidence que plusieurs axes de communications se côtoyaient dans une même publicité : le produit, le goût et la parentalité étant au centre des mouvements publicitaires. Sur fond d’évolution de couleurs, d’évolution des mœurs, d’effets de mode la constatation du changement a été claire. L’évolution des pratiques alimentaires et parentales, de la manière dont elles ont été perçues, et sont aujourd’hui perçues, met également en évidence une modification du rapport de l’homme aux sens, à son propre corps, à celui de son enfant, et surtout à l’idée de perfection parentale, qui aujourd’hui est presque devenue un idéal.

 

Reprenons tout de même ici les éléments déployés pour faciliter l’acceptation du produit.

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Voici l’illustration type de la lecture sémiologique effectuée sur chaque publicité :

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L’analyse quantitative

Les analyses quantitatives, ont quant à elle mises en avant ou isolé des éléments du discours linguistique ou iconique qui prennent tout leur sens dans la modification du statut de l’enfant. Nous pourrions avancer l’hypothèse que, le statut de l’enfant a été bouleversé, et a subit de grandes évolutions en aval des campagnes publicitaires successives. L’enfant est en effet, similairement au produit, le régisseur de l’évolution des industriels de l’alimentation infantile. Dans le corpus étudié, 100 % des publicités présentent une image accompagnée d’un texte. Ces textes, mots sont remarquablement différents en fonction des époques. « L’image des mots »[7] nous donnera une indication forte sur le message véhiculé, les axes primaires et secondaires mais aussi sur le public visé en fonction de l’époque donnée. Nous le remarquons sans détour en comparant deux publicités de marques commerciales et d’époques différentes :

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L’analyse quantitative[8] a mis en évidence l’importance des mots, des images, des couleurs, des graphismes, en fonction des périodes de communication. Le produit, qui peut être reconnu comme «innovation[9]», de par ses caractéristiques historiques et sociales, évolue et fait évoluer les consommations des familles françaises. L’histoire des baby-food ne s’arrête pas avec la fin du corpus et pour émettre quelques hypothèses sur « l’avenir de l’histoire ».

Sociologie des consommations et des consommateurs

 Le consommateur-parent qui est-il ?

L’essor des grands magasins introduit la consommation de masse, le «petit peuple», commençant à côtoyer la bourgeoisie et contribue à donner à la femme un statut privilégié, dans la mesure où elle devient la cible favorite des commerçants [10]. Cible encore plus prisée sur le marché de l’alimentation infantile industrielle puisque le processus d’achat de ce type d’aliment est bien particulier : les acheteurs (les parents) décident pour les consommateurs (leurs bébés) sur prescription du corps médical et de l’entourage. Les acheteuses ont également changé de profil avec l’évolution de l’histoire du produit et son acceptation. Effectuons une comparaison entre le tonnage de baby-food vendu en France et les chiffres du travail des femmes pour justifier la corrélation entre nos deux variables.

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Nous constatons clairement que l’évolution des deux courbes proposées est similaire. Ceci nous donne donc une indication sur le facteur favorisant l’achat de produits type «baby-food » dans les familles françaises. Les industriels vont alors déployés au fil des époques les arguments « santé », « sensibilité sensorielle », « la naturalité », les marques à coup de labels de d’arguments influencent la décision d’achat du consommateur parent.

Les recettes marketing sont les meilleures

Il est également aisé de constater que les publicitaires utilisent à souhait la pyramide de Maslow, l’analyse via la méthode SONCASE [11], en jonglant agilement avec les freins et les motivations de l’acte d’achat selon Joannis [12]. La publicité doit répondre au modèle AIDA[13] afin d’assurer continuellement l’attention du futur acheteur et assurer la fidélisation de ce dernier.

Bibliographie

∴ Anne Dupuy, Plaisirs alimentaires socialisation des enfants et des adolescents, Presse universitaire François Rabelais, 2013
∴ Baudez Hélène, Le goût ce plaisir que l’on dit charnel dans la publicité, Paris : l’Harmattan, 2006
∴ C. Randimbivo-lolona , Comment l’industrie agroalimentaire remplit nos assiettes? Edition le square, 2013
∴ Collectif, Alimentation contemporaine, Editeur : L’Harmattan, 2002
∴ Dagnaud Monique, Enfants, consommation et publicité télévisée, texte imprimé, Paris : La documentation française, 2003
∴ De la ville Valérie Inés , Brougère Gilles, On ne joue pas avec la nourriture !, 2011, Observatoire Cniel des habitudes alimentaires (les cahier de l’Ocha)
∴ Fabiola Flex, Pr Patrick Tounian, L’alimentation de vos enfants, enquête sur le marketing et les idées reçues, Denoël, 2010
∴ Lambert J.-P. ; Poulain J.-P. « Les apports des sciences humaines et sociales à la compréhension des comportements alimentaires », La santé de l’homme, n° 358, mars-avril 2002
∴ Marie Emmanuelle Chessel, Histoire de la consommation, Paris, La découverte, 2012
∴ Martin Marc, trois siècles de publicité en France, Paris : O.Jacob, 1992
∴ N. Sapena, L’enfant jackpot, Protégeons nos enfants contre les abus, Edition Flammarion, 2005
∴ Pierre Volle, Denis Darpy,Comportem-ents du consommateur et décisions marketing, Editions Dunod, 2012

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Conclusion

A l’origine de cette étude, il y avait un désir : celui de comprendre comment les industriels se sont adressés et s’adressent aux mères pour promouvoir une alimentation infantile industrielle. Nous pouvons ainsi avancer deux hypothèses, nées de cet exercice « d’enquête » : Les axes principaux qui marquent l’évolution temporelle sont les réels acteurs de l’acceptation de l’innovation alimentaire et il se passe dans les années 1980, une modification du statut de l’enfant qui influe en autre sur les comportements des mères responsables des achats alimentaires.

 

Le produit baby-food est devenu une innovation acceptée par les familles françaises au fil de l’histoire. Pour cela, les industriels ont déployés divers axes de communications répondant tous aux demandes conscientes ou inconscientes des acheteurs. On les a successivement rassuré, culpabilisé, émerveillé, fait fantasmé, séduit. La décision d’achat semble être un fait social total qui implique de nombreux facteurs sociaux et humains. Les industriels l’ont compris et développent ainsi leurs axes de communication en fonction de l’aire sociale et des envies humaines du moment. Nous notons dans cette évolution publicitaire, un virage dans la considération de l’enfant dans la famille. Cet élément transpirant dans les publicités pour l’alimentation infantile, mérite cependant d’être analysé sous d’autres angles pour éviter d’apporter un regard biaisé sur cette affirmation.

Notes de bas de page

[1] Jean Trémolière, Diététique et art de vivre, Guides pratiques seghers, 1977, 323p.

[2] Kilien Stengel, hérédités alimentaires et identité gastronomique, suis-je réellement ce que je mange ?, 2014, 122p.

[3] Un bien de consommation désigne un produit fabriqué destiné au consommateur final.

[4] Jean-Noël Luc, « les premières écoles infantiles », in Egle Becchi et Dominique Julia (Dir.) Histoire de l’enfance en Occident, tome 2 du XVIIIe à nos jours, Paris, Le Seuil, 1998, p.325.

[5] Charles Sanders Peirce, Ecrits sur le signe, Seuil, 1978

[6] Dacheux Edwige, Mémoire de master II, annexe 1, tome II, p.1 à 3

[7] Martine Joly, Introduction à l’analyse de l’image, Paris, Armand Colin, 2013, p.91

[8] Dacheux Edwige, Mémoire de master II, tome I, p.70

[9] Selon le site Internet : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/innovation/43196, consulté le 30/06/2014 : « Processus d’influence qui conduit au changement social et dont l’effet consiste à rejeter les normes sociales existantes et à en proposer de nouvelles ». Jean Pierre Williot définit l’innovation comme : « L’acceptation d’un changement qui se caractérise par la modification des usages sur une durée longue et sur un large public », 14/03/2014

[10] Benoît Heilbrunn, La consommation et ses sociologies, deuxième édition, Paris, Armand Colin,
p.9

[11] Richard Ladwein, Comportement du consommateur et de l’acheteur, Economica, 2003, 400 p.

[12] Henri Joannis, de l’étude de la motivation à la création publicitaire et à la promotion des ventes, Erreur Perimes Dunod, 1983, 444 p.

[13] Attirer l’Attention, Susciter l’Intérêt, Provoquer le Désir, Inciter à l’Action


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