Auteurs invités – Tenzo Le Gastrocéphale http://tenzo.fr Sciences de l'alimentation Sun, 12 Jun 2016 08:01:52 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.5.1 L’Après-Fukushima : Reconfiguration des liens sociaux à travers l’alimentation http://tenzo.fr/articles/lapres-fukushima-reconfiguration-des-liens-sociaux-a-travers-lalimentation/ http://tenzo.fr/articles/lapres-fukushima-reconfiguration-des-liens-sociaux-a-travers-lalimentation/#respond Sun, 15 May 2016 09:42:15 +0000 http://tenzo.fr/?p=2026
Le 11 mars 2011, la société japonaise est bouleversée par une catastrophe dont l’accident nucléaire provoque des dommages de manière incommensurable, à la fois dans le temps et dans l’espace. Entre déplacement du modèle alimentaire japonais, maintien du statut d’agriculteur et reconfiguration des liens sociaux, cet article permet d’entrevoir les rapports à l’alimentation entretenus par les Japonais depuis la catastrophe.
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Elisa Lomet
Elisa Lomet termine un Master en Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, après avoir obtenu un BTS en diététique et une licence en socio-anthropologie. Elle travaille actuellement sur la mise en place d’un Observatoire des pratiques et représentations alimentaires au Sénégal pour comprendre l’évolution des comportements, entre tradition et modernité, entre milieu urbain et milieu rural. Elle souhaite poursuivre ce type de projet dans d’autres pays en voie de développement afin d’aiguiller les politiques de santé et de participer à l’amélioration des conditions de vie des populations.

L’Après-Fukushima : Reconfiguration des liens sociaux à travers l’alimentation

15 MAI 2016 | PAR ELISA LOMET

 

Le 11 mars 2011, le Japon est exposé à une catastrophe nucléaire d’une gravité sans précédent. Qualifiée d’incommensurable, elle inscrit ses conséquences dans l’espace et dans le temps.1 Cette fois-ci, le désastre s’est abattu sur une région particulière du pays, celle du Tôhoku, tournée vers l’agriculture. Surnommée le « grenier à riz » du Japon et ceinture maraichère de Tokyo, la qualité de ses produits était de renommée nationale. Les dépôts de substances radioactives formés ont entraîné une contamination des productions agricoles destinées à l’alimentation.2 Le gouvernement japonais a rapidement défini des mesures pour encadrer la production et la vente des denrées provenant de la préfecture de Fukushima. Sans les avoir interdites, les autorités ont fixé des limites de contamination en radionucléides à ne pas dépasser.3 Mais l’anxiété suscitée a entrainé une perte de confiance auprès des populations. Pourtant, des individus continuent de vivre, de produire, de consommer dans les zones irradiées et certains, à l’extérieur de ces zones, continuent de consommer des produits contaminés. Qui sont-ils ? Comment s’accommodent-ils de cette situation ? La crise met en exergue la dimension socio-culturelle fondamentale de l’alimentation : un modèle alimentaire, ancré dans un système symbolique fort, qui reflète les valeurs collectives des Japonais, les plaçant devant des reconsidérations profondes. Mais en quoi le modèle alimentaire japonais est-il bouleversé ?

© Rémi Scoccimarro, 2015

© Rémi Scoccimarro, 2015

L’évacuation des populations hors de la zone « interdite d’accès » des 20 km autour de la centrale Fukushima Daiichi, de la zone « d’évacuation préparée » des 30 km et de la zone « d’évacuation délibérée » où l’exposition aux substances radioactives dépasse les 20 mSv/an, a entrainé le déplacement d’environ 160 000 personnes.4 Les agriculteurs locaux, entretenant une relation particulière au milieu5 ont ainsi vu leur identité bouleversée. Pourtant ce lien au territoire les incite à mettre en place des stratégies pour réinvestir la production agricole et redresser le pays. Comment s’envisagent-elles? Comment s’organisent-elles?

 

Les discours semblent converger vers une entraide collective post-catastrophe qui assurément constitue un facteur de résilience pour la société locale ainsi que pour l’ensemble de la société japonaise.6 Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que l’idéogramme, retenu traditionnellement chaque année, a été le mot kizuna, « le lien » en japonais. De ce désastre semble ressortir la force des liens recréés entre les populations au niveau local, régional et national. Mais en quoi ceux-ci sont porteurs d’espoir pour la reconstruction du pays ?

 

Cet article, appuyé d’une revue de littérature en français et en anglais ainsi que d’entretiens auprès d’experts et de profanes, se propose d’appréhender la catastrophe dans un cadre socio-anthropologique. Il permet la mesure des aspects liés aux pratiques et représentations des agriculteurs sinistrés. L’accident nucléaire de 2011, relativement peu traité sous cet angle, servira de levier d’étude du fait alimentaire. Il permet, en filigrane, l’analyse des rapports sociaux à l’espace géographique suggérant d’étudier ici les relations qu’entretiennent les agriculteurs japonais avec leur territoire mais également l’évolution des liens sociaux entre acteurs. La situation de ces personnes est envisagée, impliquant à la fois déplacement, maintien et reconstruction des liens sociaux dans le contexte spécifique du modèle alimentaire japonais.

 

Le déplacement des agriculteurs bouleverse l’espace social alimentaire

 

La production agricole de la région a directement été impactée par la contamination radioactive. Les agriculteurs ne pouvant continuer à exploiter leurs terres, ce bouleversement a engendré des conséquences sur le modèle alimentaire du pays et, en finalité, une reconfiguration de normes, de pratiques et de valeurs. A travers le concept d’ « espace social alimentaire »7 et des entretiens exploratoires menés lors de l’étude8, les fonctions sociales de l’alimentation et leurs degrés d’affect peuvent être entrevus.

 

La production, directement impactée par la radioactivité, met en péril le reste de la filière. L’approvisionnement en denrées alimentaires dans le département s’établit ainsi : soit les habitants continuent de manger les aliments qu’ils produisent, soit ils les importent de l’extérieur, des régions ou des pays alentours. Cette reconfiguration sous-tend des pertes de repères dans la société et une altération de l’identité et de la qualité des produits. En ce sens, la catastrophe parait avoir reconfiguré le « bon à penser »9 de l’alimentation, entraînant des changements dans les pratiques alimentaires. Pour définir si un aliment provenant de la zone de Fukushima est consommable ou non, des mesures gouvernementales, via des contrôles de radioactivité, permettent d’assurer la sécurité des consommateurs. Ces normes encadrant les pratiques semblent instaurer un climat de confiance. Cependant, certains Japonais abandonneraient l’idée même de consommer des produits de la région, la valeur symbolique des aliments dits « sains » étant trop atteinte. Pour pallier à cela et redynamiser les ventes, des stratégies et des opérations de communication ont été mises en place par le gouvernement.

© Guillaume Bression, Carlos Ayesta. Projet « Fukushima No Go Zone », 2011-2014.

© Guillaume Bression, Carlos Ayesta. Projet « Fukushima No Go Zone », 2011-2014.

 

Divers comportements d’achat en découlent : entre les consommateurs hors de la zone contaminée qui achètent consciemment des produits de Fukushima par soutien, ceux qui s’y refusent catégoriquement, ceux angoissés, ceux non informés et les consommateurs de la zone irradiée qui se nourrissent par nécessité… nous retrouvons une multitude de comportements qui incombe à la filière du système alimentaire. Ceux-ci rappellent, qu’en temps de crise, la distance entre le lieu de production et le lieu de consommation a un impact conséquent dans les choix alimentaires.

 

Les décisions individuelles semblent plus mesurées, réfléchies, redéfinissant une taxinomie de règles par rapport au risque de contamination encouru. D’après les entretiens, les critères d’âge et de cycles de vie sont corrélés aux modes de consommation post-catastrophe. Les familles paraissent davantage préoccupées par ce qu’elles mangent. Elles ont en effet conscience des conséquences néfastes de la radioactivité sur leurs enfants, les exposant potentiellement à des maladies sur le long terme. Les personnes âgées, quant à elles, se sentent moins concernées par le danger que représentent ces aliments irradiés pour leur santé.

 

Des leviers de différenciation ou d’intégration sociale peuvent être repérés selon des facteurs culturel, religieux, social, entre acceptation et rejet des aliments contaminés. 
D’après les discours recueillis, les catégories socioprofessionnelles jouent également un rôle dans cet espace de différenciation : les producteurs, de par leur activité, seraient plus solidaires auprès des agriculteurs sinistrés, alors que les classes les plus élevées chercheraient davantage à s’éloigner des aliments de Fukushima. Enfin, les personnes engagées dans une communauté d’agriculteurs seraient plus à même à consommer ces aliments irradiés, par solidarité.

 

La catastrophe de Fukushima paraît servir de levier dans les mœurs japonaises et de prise de conscience vis-à-vis de la sécurité sanitaire des aliments. La perte de confiance des consommateurs, soulevée de nombreuses fois dans les entretiens et les lectures, met en péril la place des producteurs dans le modèle alimentaire. Afin de maintenir une certaine légitimité dans la filière, ceux-ci mettent en place des stratégies.

 

Les stratégies des agriculteurs pour maintenir autant leur place dans l’espace social alimentaire

 

Pour les producteurs, le lien à la terre justifie leur existence, leur essence même. Installés depuis des générations dans la région, la majeure partie a le souhait de réinvestir les exploitations pour reconstruire le territoire. La mise en œuvre de mesures de décontamination des sols par le gouvernement pose l’éventualité d’un retour d’une partie de la population évacuée et d’une reprise de pratiques agricoles. En effet, comme l’évoquent Hasegawa et Sugeno « seule la préservation de pratiques agricoles maîtrisées et spécifiques permettra de faire obstacle à la radioactivité, […] limitant la contamination graduelle des sols, de l’eau et de l’alimentation. »10. Les consommateurs ont toujours des solutions de recours pour s’approvisionner et faire face à la catastrophe contrairement aux producteurs qui, afin de maintenir leur place dans l’espace social alimentaire, optent pour des stratégies particulières pour justifier leur statut.

© Guillaume Bression, Carlos Ayesta. Projet « Fukushima No Go Zone », 2011-2014.

© Guillaume Bression, Carlos Ayesta. Projet « Fukushima No Go Zone », 2011-2014.

 

La première stratégie s’opère dans les choix de localisation de la production. Les agriculteurs plébiscitent les zones les moins contaminées pour garantir au mieux une sécurité alimentaire satisfaisante. Ils se réfèrent ainsi à des cartes géographiques de la contamination des sols, établies par des chercheurs spécialistes, pour s’adapter aux normes techniques de contrôle de la radioactivité.

 

Des producteurs biologiques mènent également des expériences avec de nouveaux procédés de décontamination.11 Pour tenter de maintenir une activité rizicole de qualité sur des surfaces faiblement radioactives, ceux-ci mettent en place une culture rotationnelle de riz et de plantes oléagineuses. Le colza et le tournesol sont utilisés pour produire de l’huile et absorber les radionucléides. Plus encore que l’objectif d’assainissement des terres, la revente de cette huile auprès des consommateurs, qui une fois extraite est dépourvue de césiums, sert de financement au projet. Cette technique testée à Minamisôma illustre la volonté de reconsidérer l’activité des agriculteurs de la région auprès des Japonais.12 Elle fait participer les consommateurs à la pérennisation de la production agricole, indépendamment du système d’aide publique.

 

Une autre stratégie de sauvegarde des activités agricoles repose sur un système de production hors-sol, comme proposé à Sendai. La construction en hauteur de cultures de légumes et de fruits permet en effet de produire des aliments sains, à l’abri de la pollution radioactive.13 Le concept propose de déconnecter les cultures de leur milieu, en apportant nutriments, humidité et lumière dont elles nécessitent. Ce symbole de reconstruction est un moyen pour les agriculteurs de maintenir leur système de production mais il pose le problème du rapport au milieu et à l’environnement.

 

Il va de soi que ces quelques exemples d’adaptation sont limités voire anecdotiques en terme de production. Certes la volonté d’assurer la sécurité alimentaire est un moyen de regagner la confiance des consommateurs à distance des zones contaminées, de maintenir le statut des producteurs dans la filière, mais sectionner les liens avec le territoire, comme dans ce dernier exemple, va à l’encontre de la pensée japonaise et des traditions agricoles.14 Au-delà des stratégies de reconfiguration de la production, il faut penser les liens intercommunautaires comme apport et soutien au maintien du statut de l’agriculteur dans l’espace social alimentaire.

 

Une reconstruction du lien social au travers de l’alimentation

 

Le déplacement des producteurs hors des zones contaminées a également engendré des effets, à un niveau bien plus large, sur les liens sociaux entretenus avec les consommateurs et entre agriculteurs, sur la relation de confiance. Entre solidarité et stigmatisation, l’alimentation s’appréhende comme un levier de reconfigurations sociales au sein des communautés.

 

Au-delà d’une contamination des sols, de l’air, de la mer, les conséquences de la catastrophe peuvent se décrire autour d’une certaine contamination sociale de la radioactivité. En ce sens, tout élément qui a pour origine Fukushima paraît empreint de nocivité et entraîne des phénomènes de stigmatisation. Ce constat est d’ailleurs remarquable quant à l’évolution du nombre de mariages qui diminue progressivement dans le département de Fukushima.15

 

L’étude des solidarités peut se penser à une échelle interne ou externe au département, entre producteurs et consommateurs. D’un point de vue externe aux frontières du département, concernant les consommateurs japonais, une tension est observable entre la volonté de faire acte de solidarité dans les achats pour soutenir les populations touchées et le refus de consommer des aliments irradiés. Les entretiens réalisés révèlent que ces réactions pourraient se traduire selon des critères sociodémographiques précis. Ils invitent à une étude sociologique approfondie où la prise en compte du vécu des personnes parait indispensable pour comprendre leurs motivations à soutenir les populations sinistrées. Du côté des producteurs, au sein de la préfecture de Fukushima, différents mouvements d’entraide sont observables. L’exercice d’une même activité, la force de lien au territoire qui les unit et qui les pousse à revenir sur leurs terres sont vecteurs de création ou de recréation de sphères collectives. Or un esprit de groupe, solidaire, est indispensable pour se relever d’un évènement traumatique comme celui de 2011. De nombreuses associations ont ainsi émergé suite à la catastrophe, renforçant le lien social entre les individus.

© Guillaume Bression, Carlos Ayesta. Projet « Fukushima No Go Zone », 2011-2014.

© Guillaume Bression, Carlos Ayesta. Projet « Fukushima No Go Zone », 2011-2014.

 

Un couple franco-japonais, interrogé dans le cadre de l’étude, a vécu le tremblement de terre de Kobe en 1995 et fait le rapprochement avec l’accident de Fukushima. D’après eux, la ville ne se serait jamais reconstruite aussi rapidement sans les communautés qui se sont développées. Leur efficacité semble tenir compte de leur petite taille, d’initiatives individuelles et de leur préexistence à la catastrophe. A ce titre, le mouvement de coopération agriculteurs-consommateurs teikei16, né d’une crise environnementale et particulièrement investi dans le département de Fukushima, suscite une lueur d’espoir dans la reconstruction du lien social.17 Plus généralement, le pays fait preuve d’une volonté collective d’entraide car pour les Japonais faire acte de solidarité relève du patriotisme. Depuis 2011, une prise de conscience commune parait se dessiner, se réfugiant derrière un « nous » collectif avec une dimension active, solidaire, concrète.18

 

A partir de ces différents éléments, l’étendue des comportements des acteurs peut s’envisager. L’entraide collective et les solidarités présentent des solutions pour recoudre le tissu social après le désastre. Les communautés réinvesties tentent de conserver la légitimité des producteurs dans la filière alimentaire et de récréer un rapport de confiance avec les consommateurs. Elles assurent un facteur de résilience pour la société locale ainsi que pour l’ensemble de la société japonaise. La reconstruction du pays passera notamment par la réappropriation du modèle alimentaire via la reconstruction des liens sociaux entre producteurs et consommateurs, soutenue au sein des communautés d’agriculteurs. Namazu, la légende du poisson-chat se débattant dans les méandres du Japon, invite à ce titre, dans l’imaginaire japonais, à penser la catastrophe comme une réorganisation du monde, un renouveau de l’ordre social porteur d’espoir.

1. AUGENDRE, Marie. « Un modèle géographique de la catastrophe ». Ebisu. Études japonaises, 2012, n° 47 : 27-38.

2. L’Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire a établi une synthèse en juillet 2012 reprenant les informations relatives à la contamination des denrées alimentaires par les radionucléides persistant dans l’environnement suite à la catastrophe nucléaire.

3. Seuil défini en en becquerels par kilo.

4. Chiffres issus du Cabinet Office, Gouvernment of Japan, un mois après la catastrophe. [En ligne]. Disponible sur : www.cao.go.jp/shien/1-hisaisha/pdf/5-hikaku.pdf.

5. BERQUE A., « Milieu, co-suscitation, désastres naturels et humains ». Ebisu. Etudes japonaises, 2012, n°47 : 41-48.

6. PELLETIER P., Atlas du Japon. Après Fukushima, une société fragilisée. Autrement, 2012, 96 p.

7. POULAIN J.-P., Sociologies de l’Alimentation. Presses Universitaires de France, Paris, 2002, 288p.

8. LOMET E., L’après-Fukushima : reconfiguration des liens sociaux à travers l’alimentation, le cas des agriculteurs sinistrés de la région. Mémoire de Master 1 Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, Université Toulouse Jean Jaurès, 2015, 139p. [En ligne]

9. D’après Lévi-Strauss « Il ne suffit pas qu’un aliment soit bon à manger, encore faut-il qu’il soit bon à penser ».

10. HASEGAWA H., SUGENO S., Les pratiques agricoles permettant de faire obstacle à la radioactivité. Commons, 2012.

11. Association Minkan inasaku kenkyûjo, organisation à but non lucratif

12. ISHII K., MORLANS S., « La reprise des activités agricoles dans les régions contaminées après l’accident de Fukushima », Géographie et cultures n°86, 2014, p.65-82

13. ORITO E., « Les teikei – les précurseurs au Japon de l’agriculture biologique – face à la catastrophe nucléaire de mars 2011 », Géographie et cultures n° 86, 2014, p.83-99

14. ORITO E., « Les teikei – les précurseurs au Japon de l’agriculture biologique – face à la catastrophe nucléaire de mars 2011 », Géographie et cultures n° 86, 2014, p.83-99

15. Propos d’un chercheur géographe, spécialiste de la catastrophe de Fukushima, interrogé dans le cadre de l’étude.

16. Les teikei qui ont inspiré les AMAP (Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne lancées en France en 2001) mettent en rapport direct les agriculteurs producteurs et les consommateurs. Signifie en japonais « coopération ».

17. ORITO E., « Les teikei – les précurseurs au Japon de l’agriculture biologique – face à la catastrophe nucléaire de mars 2011 », Géographie et cultures n° 86, 2014, p.83-99

18. Propos du directeur d’une association franco-japonaise, interrogé dans le cadre de l’étude.

Bibliographie

∴ AUGENDRE, Marie. « Un modèle géographique de la catastrophe ». Ebisu. Études japonaises, 2012, n° 47 : 27-38.
∴ BERQUE A., « Milieu, co-suscitation, désastres naturels et humains ». Ebisu. Etudes japonaises, 2012, n°47 : 41-48.
∴ HASEGAWA H., SUGENO S., Les pratiques agricoles permettant de faire obstacle à la radioactivité. Commons, 2012.
∴ ISHII K., MORLANS S., « La reprise des activités agricoles dans les régions contaminées après l’accident de Fukushima », Géographie et cultures n°86.
∴ LOMET E., L’après-Fukushima : reconfiguration des liens sociaux à travers l’alimentation, le cas des agriculteurs sinistrés de la région. Mémoire de Master 1 Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, Université Toulouse Jean Jaurès, 2015, 139p. [En ligne]
∴ ORITO E., « Les teikei – les précurseurs au Japon de l’agriculture biologique – face à la catastrophe nucléaire de mars 2011 », Géographie et cultures n° 86, 2014, p.83-99.
∴ PELLETIER P., Atlas du Japon. Après Fukushima, une société fragilisée. Autrement, 2012, 96 p.
∴ POULAIN J.-P., Sociologies de l’Alimentation. Presses Universitaires de France, Paris, 2002, 288p.

Pour aller plus loin

Le travail des photographes
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Alimentation durable pour TOUS: L’exemple du Programme Uniterres – Manon Pasquier http://tenzo.fr/articles/alimentation-durable-pour-tous-lexemple-du-programme-uniterres-manon-pasquier/ http://tenzo.fr/articles/alimentation-durable-pour-tous-lexemple-du-programme-uniterres-manon-pasquier/#respond Sun, 17 Apr 2016 09:00:37 +0000 http://tenzo.fr/?p=1898
Manon Pasquier explore, via l’étude du programme Uniterres, dans quelle mesure favoriser l’alimentation durable peut être facteur de réduction de l'injustice sociale.
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Manon Pasquier
Manon Pasquier est diplômée d’un Master en Sciences sociales appliquées à l’alimentation obtenu après un BTS en hôtellerie-restauration. Elle est une passionnée des questions alimentaires. Elle souhaite à présent participer à la création de liens plus forts entre agriculture et alimentation vers une consommation pour durable, pour les hommes et pour les milieux naturels.

Alimentation durable pour TOUS: L’exemple du Programme Uniterres, l’idée  d’une grande amap de l’aide alimentaire.

17 Avril 2016 | PAR MANON PASQUIER

Image une pasquier

Le monde agricole français est aujourd’hui mis à mal, chahuté et fortement discuté. Les crises successives dans les milieux agricole et agroalimentaire nous amènent à questionner ce modèle en profondeur. Le marché fait face à une crise de confiance des consommateurs, aux des difficultés économiques des producteurs, ainsi qu’à une augmentation des problématiques environnementales. Dans ce contexte, à la recherche de solutions, une partie des acteurs se tourne vers le marché local, via notamment les circuits courts et l’agriculture biologique. La consommation de produits locaux semble être une réponse qui rassure les mangeurs et assure une meilleure rémunération des producteurs.

Dans son projet pour « une nouvelle politique de l’alimentation » le gouvernement par la voix du ministre de l’agriculture, Monsieur Le Foll, incite à favoriser le «  patriotisme alimentaire » passant par un approvisionnement local et de qualité (issu de l’agriculture responsable et écologique). [1]

Mais dans une société où les inégalités  se creusent, où les individus en situation de fragilité sont plus nombreux, les enjeux autour de l’alimentation sont importants et l’accès à une alimentation plus responsable pour TOUS pose question. Dans ce contexte de nombreuses initiatives locales et citoyennes voient le jour.

Mon mémoire, écrit lors d’un stage au sein de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), se propose  d’explorer, via l’étude du programme Uniterres, dans quelle mesure favoriser l’alimentation durable peut être facteur de réduction de l’injustice sociale.

En effet, le programme Uniterres ANDESUniterresde l’ANDES (Association Nationale de
Développement des Epiceries Solidaires) a un double objectif :
réduire les inégalités sociales et requestionner les systèmes alimentaires de production et d’approvisionnement. Il ne s’agit plus d’envisager séparément les problèmes alimentaires des personnes précaires et les difficultés des acteurs de l’agriculture mais bien d’envisager des réponses correspondant aux deux difficultés.

Contexte alimentaire particulier

La précarité au quotidien se définit par des conditions de vie peu satisfaisantes ou instables notamment en termes d’emploi, de logement, de consommation ou de santé. Le niveau de vie est alors susceptible de se dégrader : les sociologues parlent de paupérisation, comme le risque pour les individus de devenir pauvre ou plus pauvre qu’ils ne le sont déjà. [2] Ces conditions de vie précaires amènent les individus à des situations de privations et des difficultés de consommation. L’alimentation devient un facteur significatif de la pauvreté. « L’alimentation est aujourd’hui une variable d’ajustement alors qu’elle répond à un besoin vital ». [3]

Ainsi en situation de précarité apparaissent des privations en termes de quantité de repas et en termes de qualité des produits. Dans les situations les plus précaires, l’aide alimentaire est une solution indispensable.

En 1985, en France, sont créés les Restos du Cœur ainsi que la banque alimentaire, sous l’impulsion de Coluche. En 1987, avec le soutien de Jacques Delors, alors président de la Commission Européenne, est mis en place le PEAD (Programme Européen d’aide aux plus Démunis). Ce programme est inscrit au sein de la PAC (Politique agricole commune), il s’agit de diriger les surplus de l’agriculture européenne vers l’aide alimentaire. Le PEAD est construit comme une subvention à l’agriculture. Son fonctionnement se structure comme une filière dont les fondements reposent sur le modèle productiviste et les circuits de distribution longs.

En 2014, le PEAD est remplacé par le FEAD (Fonds Européen d’Aide aux plus Démunis), associé au Fond Social Européen et non plus tiré du budget agricole.

Depuis 2003, si différents programmes sont mis en place en France pour répondre aux enjeux alimentaires des plus démunis, l’aide alimentaire reste encore aujourd’hui la seule réponse envisagée. Or celle-ci est toujours principalement basée sur un modèle d’approvisionnement utilisant essentiellement les filières longues et la proposition de produits industrialisés et standardisés de la grande distribution.

Nous sommes donc loin du « patriotisme alimentaire » porté par le gouvernement dans ce contexte particulier de précarité.  Pourtant l’enjeu d’une alimentation plus durable dans sa définition même semble devoir être porté et partagé par tous pour répondre aux enjeux sociaux et environnementaux de la société.

Un enjeu alimentaire spécifique

La Chaire Unesco Alimentations du Monde dans son programme Surfood définit cette notion de durabilité de l’alimentation de la manière suivante : «à la fois respectueux de l’environnement et valorisant la biodiversité, nutritionnellement sûrs et sains, culturellement acceptables, économiquement équitables et spipaccessibles. Les systèmes alimentaires durables s’appuient sur un secteur économique créateur d’emplois, valorisant la diversité des savoirs et savoir-faire des sociétés et résilients face aux instabilités croissantes.» [4]

Ainsi, une alimentation « durable » s’appuie sur différents leviers, car les problèmes de durabilité de nos systèmes se retrouvent dans les méthodes de production, de conservation, de transport, de distribution et de consommation.

Deux principes font particulièrement parler d’eux : l’agriculture biologique et les circuits courts.

Par son cahier des charges, la bio représente une alternative à la crise de sécurité alimentaire pour les consommateurs. La production biologique doit ainsi être sans pesticides, sans fertilisants chimiques et sans additifs. De plus, elle ne doit pas contenir d’organismes génétiquement modifiés. Des études montrent que la production biologique permet une réduction de près de 30% la consommation d’énergie par rapport au système traditionnel (Redlingshöfer).

Cependant il est indispensable de rappeler que ce mode de production n’est pas nécessairement synonyme d’une agriculture durable. En effet, la bio n’est durable que si elle n’est pas issue d’importations nécessitant de longs trajets, ni le résultat de produits de contre-saison, ni cultivée en serres chauffées, ni plus globalement, si elle est produite de façon intensive (Mathé). Les circuits courts réinterrogent la notion de disponibilité alimentaire, non pas suivant l’approche malthusienne, mais bien comme la nécessité de changement dans les modes de productions et de consommations (Delhommeau).

Si la vente directe n’est pas nouvelle, elle a fortement diminué après la Seconde Guerre mondiale où une standardisation, une industrialisation et une mondialisation des produits alimentaires ont eu lieu. Plusieurs facteurs expliquent leur renouveau actuel.

Le premier facteur est celui d’une crise de confiance de la part des consommateurs face à l’alimentation sujette à des crises sanitaires à répétition. Redlinghöfer parle d’une sensation générale de perte, qu’il s’agisse d’une perte de confiance, de maitrise, de goût, d’authenticité, d’identité. L’enjeu est alors pour le consommateur de retrouver une certaine transparence et confiance à travers une proximité plus grande avec l’amont de la filière.

Le second facteur est un renforcement des interrogations sur les ressources énergétiques actuelles et leur surconsommation par le système alimentaire (Delhommeau), plus largement une montée des enjeux en termes de développement plus durable, vers un système moins nocif pour l’environnement.

Le troisième facteur réside dans une lutte engagée contre l’organisation des filières agro-alimentaires et contre la montée en puissance de la grande distribution dans le modèle alimentaire mondial. Ce sont également des enjeux en termes de spéculation et de gestion des stocks mondiaux qui sont mis en cause.

Les circuits courts sont autant d’exemples de « constructions d’alternatives techniques, organisationnelles et marchandes au modèle de marchés dominants ». [5] Les AMAPs, apparues à l’initiative de producteurs contestant le développement sans limite des circuits longs et de la grande distribution, portées par des consommateurs prêts à s’engager dans une consommation différente pour les soutenir, sont de fait une réponse forte. Parmi les forces des circuits courts, on peut noter la capacité à s’adapter aux situations locales et la présence d’une négociation des choix, une discussion entre consommateurs et producteurs. Il s’agit alors de créer un contact direct, qui contribue à relocaliser et resocialiser notre alimentation. [6]

Des acteurs de l’aide alimentaire au niveau local, conscients à la fois des enjeux de l’aide alimentaire (circuits d’approvisionnement, disponibilité de produits frais…) et des enjeux de l’alimentation durable (meilleure rémunération, produits de qualité, réduction des impacts écologiques…) souhaitent les réunir afin de mieux répondre aux problématiques de notre société.

Une idée ambitieuse : Le programme Uniterres ; grande AMAP de l’aide alimentaire.

C’est ainsi qu’est née l’idéeuniterre-RVB du programme Uniterres : approvisionner les épiceries sociales et solidaires en fruits et légumes frais issus de producteurs locaux en situation de fragilité. Conçu comme un système de solidarité locale, il s’agit de pré-commander aux producteurs des fruits et des légumes, à un prix négocié en début de saison. L’objectif est également de créer un lien entre bénéficiaires de l’aide alimentaire et producteurs locaux.

Il apparait nécessaire de faire le lien entre le développement de systèmes agricoles durables, notamment économiquement, et l’amélioration des comportements alimentaires, notamment en terme de consommation de fruits et légumes. [7] L’aide alimentaire par le biais des épiceries solidaires devient un levier d’action important.

Le programme voit le jour dans la région de Poitou Charente en 2012. Il est ensuite rapidement étendu sur trois autres régions. Le programme est différent suivant les régions, en fonction des agriculteurs qui entrent dans le projet.

Uniterres n’a pas vocation à être un système d’approvisionnement pour les épiceries, mais à être un système de solidarité. L’idée est la création de liens entre deux mondes déconnectés. Uniterres conçoit deux types de bénéficiaires : les bénéficiaires des épiceries, donc les consommateurs, mais également les producteurs en difficultés. C’est ainsi, par le prisme du modèle des AMAPs, que sont envisagés les échanges entre producteurs et consommateurs. C’est ce modèle qui fait référence dans le montage et la réalisation du programme. Uniterres propose également des ateliers dont l’objectif est la réappropriation des produits par les consommateurs.

Uniterres : réponse à une injustice sociale ?

Pour tenter de répondre à cette question, dans le cadre de mon stage, j’ai mené une étude sur le terrain durant six mois, auprès des différents acteurs de trois épiceries sociales et solidaires de Midi-Pyrénées. J’ai réalisé 50 entretiens qualitatifs semi-directifs. L’enquête m’a amené à me mêler à la vie des épiceries, à capter des moments d’échanges formels et informels, durant les distributions et les ateliers cuisine.

Donner accès à des fruits et légumes locaux, pour la plupart biologiques par le biais des épiceries sociales semble ainsi participer d’une action vers une alimentation durable pour tous, contribuant à la préservation de l’environnement et permettant une meilleure alimentation des personnes en situation de précarité.

Légumes disponible à l'épicerie sociale de Gaillac.

Légumes disponible à l’épicerie sociale de Gaillac.

Dans cette étude, nous pouvons envisager les épiceries sociales comme une réponse prenant part à la réduction des injustices sociales de la société capitalistique actuelle. Nous pouvons y voir une proposition intégrant les deux dimensions de la justice sociale que sont l’économique et le culturel. [8] Dans sa définition même, l’épicerie sociale apparait comme une réponse suivant le paradigme de la redistribution, en distribuant des produits alimentaires à des foyers, tout en leur permettant de réaliser des économies financières. L’enjeu de redistribution vers les classes sociales les plus basses, de ressources pour lutter contre des injustices apparait assez clairement.

Mais l’enjeu, souvent cité dans les entretiens avec les responsables et les bénévoles, est l’importance du travail sur le lien social. Ils placent la redistribution comme un prétexte à l’enjeu de reconnaissance identitaire. L’épicerie apparait alors comme une réponse à l’isolement, à l’affaiblissement des liens sociaux et à l’exclusion de la société.

Mais le programme Uniterres semble aller plus loin dans la volonté de justice sociale. En effet il s’agit à la fois de revaloriser les agriculteurs en difficultés, de leur apporter une aide économique liée à la redistribution, mais également de leur apporter une reconnaissance identitaire. Notamment par le recours aux circuits courts qui est un moyen de retrouver la fierté de son métier et de s’affirmer dans ses choix professionnels tout en maitrisant ses coûts (Chiffoleau).

Uniterres ayant été construit comme une forme particulière de circuits de distribution en circuits courts, la dimension « solidaire » du concept est importante.

La proposition d’Uniterres ne va-t-elle pas plus loin que la « simple » redistribution de produits alimentaires ? En plus du soutien aux agriculteurs envisagé, le caractère spécifique de produits distribués, frais, biologiques et locaux, propose une nouvelle façon de voir l’aide alimentaire.

Si le programme donne en effet accès matériellement à des fruits et légumes via un projet global plus durable aux bénéficiaires des épiceries sociales et solidaires, il met surtout en évidence la prise de conscience individuelle des enjeux actuels de l’alimentation et son évolution de la part des plus précaires ainsi que par l’ensemble des acteurs liés à ces épiceries.

Néanmoins, si les enjeux de l’agriculture biologique et de l’origine locale des produits alimentaires sont reconnus par les différents acteurs, les habitudes en termes de pratiques alimentaires évoluent lentement.

La création de liens entre les consommateurs et les producteurs est envisagée comme un pilier fort dans la construction d’une alimentation plus durable. Mais la construction de ce lien ne peut pas être seulement une mise en relation des intérêts individuels. Dans le contexte particulier des épiceries sociales et solidaires et plus généralement de précarité, le lien solidaire entre les bénéficiaires et les producteurs, présenté comme un vecteur de justice sociale, nécessite un travail approfondi incluant, plus fortement qu’ailleurs, l’ensemble des acteurs présents dans le projet. Ces liens permettent en quelque sorte aux bénéficiaires de se sentir « acteurs » de leur alimentation, même si ces liens se révèlent encore faibles, les occasions d’échanges entre les uns et les autres étant peu nombreuses.

Notes de bas de page

[1]  http://www.gouvernement.fr/action/une-nouvelle-politique-de-l-alimentation

[2] BRESSON Maryse. Sociologie de la précarité. 2eme éd. Collection 128 Sociologie, anthropologie 336. Paris: Colin, 2010.

[3] POISSON Dominique. L’alimentation des populations modestes et défavorisées Etat des lieux dans un contexte de pouvoir d’achat difficile, OCHA, 2008, 21p.

[4] https://sites.google.com/site/programmesurfood/

[5] CHIFFOLEAU Yuna et GAUCHE Agnès. Diversité des stratégies et des performances dans les circuits courts alimentaires : une analyse croisée. Hypothèses. 2013. 18p

[6] CHIFFOLEAU Yuna et PATUREL Dominique. Aide alimentaire et circuits courts : construire de l’équité sociale, Colloque national « Circuits-courts alimentaire », 2010, 12p.

[7] BLANCHOT Véronique. Programme UNITERRES, un petit pas pour l’agriculteur, un grand pas pour la solidarité, Journal RESOLIS. 2013. 2p.

[8] La Justice sociale suivant Nancy FRASER

Bibliographie

∴ PATUREL Dominique et DEL CORSO Flore. Droit à l’alimentation, INRA-SAD – UMR Innovation, 2013, 17p.
∴ FRASER Nancy. Penser la justice sociale : entre redistribution et revendications identitaires, Politique et Sociétés, vol 17, n°3, 1998, p 9-36.
∴ REDLINGSHÖFER Barbara. Vers une alimentation durable ? Ce qu’enseigne la littérature scientifique. Courrier de l’environnement de l’INRA n°53, Paris, 2006, 20p
∴ DELHOMMEAU Tiphaine. Alimentation : Circuits courts et circuits de proximité. Les Cahiers de la Solidarité n° 20. 2009. 256p.
∴ MATHE Thierry. Comment les consommateurs définissent-ils l’alimentation durable?, Credoc : cahier de recherche n° 27, 2009, 68p
∴ MARECHAL Gilles, Les circuits courts alimentaires : bien manger dans les territoires, Dijon : Educagri édition, 2008, 21-30p.
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http://tenzo.fr/articles/alimentation-durable-pour-tous-lexemple-du-programme-uniterres-manon-pasquier/feed/ 0
« Food on the Move » (02/05) Ekiben: the boxed meal for railway trips in Japan – Azusa Suganuma http://tenzo.fr/articles/ekiben-the-boxed-meal-for-railway-trips-in-japan-azusa-suganuma/ http://tenzo.fr/articles/ekiben-the-boxed-meal-for-railway-trips-in-japan-azusa-suganuma/#respond Sun, 13 Mar 2016 09:00:41 +0000 http://tenzo.fr/?p=1667
Boarding with Azusa Suganuma for a preview of Japanese regional cuisine, discover how a small wooden box introduced locals to new tastes since the Industrial Revolution.
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Azusa Suganuma

Azusa Suganuma

Graduate of a MA of Social Sciences from the University of Hitotsubashi and a MA  Storia e Cultura dell’Alimentazione from the University of Bologna, Azusa Suganuma works for a Japanese firm specialised in food processing. She is in charge of Italian products imports such as pasta, olive oil and tomato tins, and is a renowned olive oil sommelier in AISO.
Since her early years, Azusa became curious about cultures from different countries, especially their cuisine. She realised soon enough that a country’s cuisine is often linked to its History and its culture, which is why she now wishes that Japanese gastronomy be known as part of its authentic History.

Ekiben: the boxed meal for railway trips in Japan

13 MARCH 2016 | AZUSA SUGANUMA

 

When you take a long-distance train in Japan, you may see a group of friends laughing and talking and, at a certain point, they take out some boxes, put them on their knees and begin to eat from the boxes in the train. Or you can encounter a businessman board the bullet train with a plastic bag, especially in the evening when he might finish his work. A minute after the train leaves the station, he takes a canned beer from the bag, drinks it a little then opens the box and begins to eat from it with chopsticks. These boxed meals taken in trains are called “Ekiben (駅弁)” and they are seen quite often at the stations for long-distance trains. In this article, I would like to present this Ekiben phenomenon in Japan and try to show some varieties of regional characteristics demonstrated in this boxed meal for the railway trips.

 

Railway development in Japan

When the steam locomotive was introduced in England for the first time in history in 18251, Japan was still under the control of Samurai and the Tokugawa shogunate had taken the policy of isolation called Sakoku 鎖国 in the first half of the 17th century. During the Sakoku period it was prohibited to go out from the land and contact with foreigners was limited to commercial trade with China, Taiwan and the Netherlands on the small island of Dejima at Nagasaki. It lasted for about 200 years until 1854. The Tokugawa government has ceased in 1868 and when it was replaced by the reign of Emperor, the new government decided to introduce occidental habits and technology to modernize the country, which was to catch up with Europe and America where Industrial Revolution had already taken place.

 

The railway was one of these technologies introduced in Japan and the first rail was constructed in 1872 between Shinbashi and Yokohama 2. It passed the coast of Tokyo for about 30km and the Meiji Emperor, important Japanese politicians and several occidental ministers took the first train. It was a single-track operation as a passenger train3. The government finances were severed by internal conflicts and private companies constructed railways at the beginning, which mainly remained as regional railways. In 1907, the main railways were nationalized by military policy4. Then Japanese National Railways remained as the public corporation until 1987, when it became Japan Railways (JR Group) with 6 companies for passenger purpose. Today JR Group is the prominent railway that covers the whole national territory with 20.135,3 km. There are 198 railway companies including JR Group itself and the total distance of rails recorded in Japan was 35.544,8 km in 20125

 

On the other hand, Japan is famous for its bullet train called Shinkansen (新幹線). It appeared in 1964 when the Tokyo Summer Olympics were held. It took 3 hours and 10 minutes for a Tokyo – Osaka with 163 km/h in those days but it shortened a lot and now it takes 2 and half hours with 207 km/h6. Shinkansen covers the Japanese islands except Hokkaido and Okinawa running 2.620,2 km as seen in the Figure 1. 324.442 thousands people used the Shinkansen in 2012, equal to 888.882 passengers per day7.

 

Today, thanks to the presence of the Shinkansen and the network of local trains, it is easy to access the 47 Japanese prefectures: 1 metropolis (Tokyo), 1 circuit (Hokkaido), 2 urban prefectures (Osaka and Kyoto) and the other 43 prefectures.

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Fig1. Map of Shinkansen and major JR railways from Japan Rail Pass8

 

Ekiben, the boxed meal for railway trips

Ekiben is defined in the Japanese-language dictionary Daijirin published by Sanseido as “a boxed meal sold at a railroad [train] station or inside the train. Ekiben is an abbreviation of Ekiuri (駅売り, station-sold) and Bento (弁当, boxed meal).” The first Ekiben has appeared in 1885 at Utsunomiya station situated 110 km north of Tokyo. It was a rather simple one wrapped in bamboo leaf and it contained two rice balls seasoned with salt and sesame, and some Daikon radish pickles9. Boxed meals with side dishes had begun to appear since 1889 but the former style remained the most current until 1930s (Fig. 2).

A scene of railway and Ekiben can be reconstructed from the novels and reviews of those days. Let’s look at an example of Sanshiro, the novel written by Soseki Natsume in 1908. Sanshiro is the name of a young student from the southern island called Kyusyu and he takes the train for Tokyo to start his study at University of Tokyo. A scholar of Japanese literature Fujimori analyzes the description of Ekiben in this novel and assumes from the side dish of fish appearing in his boxed meal that Sanshiro might have bought it at the station of Maibara, 110 km north of Osaka10. This side dish was sweetfish (Plecoglossus altivelis) cooked with soy sauce and sugar and it was the specialty of Lake Biwa, along which Sashiro’s train passed. Fujimori cites the contents of Ekiben at Maibara station from a volume of culinary review Syokudouraku published in 1905 and, according to this review, Maibara station’s Ekiben was consisted of grilled egg, Kamaboko (蒲鉾, cured surimi), sweeten beans, cooked chicken, cooked sweetfish and white rice. It is described as not putrid but it did not taste especially good. The box of those days was made of thin wood and bamboo leaves or cast-iron plant (Aspidistra elatior), used to separate the side dishes to avoid the tastes to be mixed and to be served as antiseptic. Usually there were vendors who came to the train to sell the Ekiben through the windows (Fig. 3). There should have been also a dining car in Sanshiro’s train since it had appeared in 1899 but he never tried it. The above-mentioned culinary review Syokudouraku describes one of the lunch menus of the dining car as follows: soup, three dishes, sweet, fruit, bread and coffee for 1 yen. There was also a à la carte menu including “ham and eggs” (ハム・エンドエツグス) for 25 sen11, “sandwiches” (サンドウイツチ) for 20 sen, bread and butter for 5 sen and coffee or tea for 10 sen. The occidental style as seen in these menus was fashionable and seen as status symbol of the intellectual at that time12 but it could not be allowed for the young student like Sanshiro who ate Ekiben of 15 sen.

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Fig. 2. Ekiben at its early stages13                               Fig. 3. Vendor of Ekiben at 1950s14

 

Ekiben developed with the expansion of railways and stations and since many stations had their Ekiben with regional specialities, it became a pleasure of the railway trip. It is difficult to know exactly but presumably 3.000 types of Ekiben are sold today 15. The price is normally between 500 yen and 1,500 yen. The wooden box and bamboo leaves have been replaced gradually with plastic and paper ones. The kiosk and sales onboard became more popular than the vendors because of the structural change of trains: they stop at the station for a very short time and windows are always closed now16.

 

Meanwhile, the diffusion of this Ekiben phenomenon should be thought in the culture of boxed meal consumption in Japan. The boxed meal is called Bento (弁当) in Japanese and it also gave its name to the Ekiben (from Ekiuri-Bento as we saw). Its origin is not clear but seems to date back to the late 16th century. It was a portable meal for Samurai to go to war or for the elite to view the flowers in Spring or autumnal tints in autumn at outside banquet17. From 17th century, it became more popular and it was brought for travelling, theater or work. Today, Bento culture is still common for Japanese people. Students bring the home-made Bento for junior high school or high school and some bring it also for the office. It is always welcomed for picnics or trips. In this context, Ekiben was easily accepted as an extension of Bento boxes. As to the boxed meals for rail trips, we can say that it was accepted by Japanese mentality that found it an efficient use of the time too.

 

Some examples of Ekiben of today

Makunouchi Bento (幕の内弁当) is the representative boxed meal that is seen almost in every station where Ekiben is sold18. The word Makunouchi (幕の内) means between the acts at theater. It dates back to the Edo era (1603-1868) when the popular theater like Kabuki became common amongst  people and both the audience and actors had taken this boxed meal between the acts. The first appearance of Makunouchi Bento for Ekiben was in 1889 at Himeji station, 90 km west of Osaka, and we can see its image reproduced by the producer (Fig. 4)19. Usually Makunouchi Bento contains white rice and different kinds of little sub-dishes like fried egg, Kamaboko (cured surimi), grilled fish (salmon or mackerels) or chicken, fruits, vegetables and sometimes specialities of the place. An example of the speciality in Makunouchi Bento of today is that of Obihiro station, situated in the northern island of Hokkaido. This island is famous for salmon, potato and maize and they are used in its boxed meal. Another example is that of Niigata station, which is at the end of the mainland. Since Niigata is famous for rice cultivating and it faces Sea of Japan, its Ekiben contains the Niigata rice and seafood products.

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Fig. 4 First Makunouchi Bento by Maneki-ya20

 

Ekiben with pottery container (Tokiiri Bento, 陶器入り弁当) is a genre of Ekiben for which pottery container is used. Many production areas of pottery and porcelain exist in Japan and their products have been used for Ekiben containers since the 1950s21. The first pottery Ekiben was Touge no Kamameshi (峠の釜飯) sold at Yokokawa station in Gunma prefecture, 130 km north of Tokyo, in 195822. It is still in production as seen in Figure 5 and the model of the vessel is the pottery kettle to cook the rice. Even though the electric rice cooker replaced it in many Japanese families today, this vessel can be reused to cook the rice at home. Hipparidako (ひっぱりだこ) is another example of the pottery Ekiben sold at Nishi Akashi station in Kobe prefecture, close to Osaka. Akashi is famous for octopus and the pottery vessel is designed as an octopus pot for gathering them (Fig. 6)23. Pottery Ekiben contained often rice cooked with soy sauce, meat or seafood, and vegetables. Pottery vessel is heavy but it can be a souvenir of the trip and it can be used also as container of stationeries.

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Fig. 5 Touge no Kamameshi24                               Fig. 6 Hipparidako25

 

Western and Chinese (洋食中華) Japanese are open and positive to the introduction of foreign cuisines and many styles are absorbed in Japanese eating habits, for example Western, Chinese, Thai, Indian or Italian. It may owe to the government policy of 19th century when the country opened its border and it began to soak in foreign cultures. These foreign cuisines are also reflected in Ekiben. For example, Shumai Bento (シウマイ弁当) as seen in Figure 7 was born in 1954 at Yokohama where one of three famous Chinatowns in Japan are situated26. Syumai are Chinese pork dumplings but now they are commonly consumed at Japanese family tables too. An example for western style is the steak Ekiben of Kobe station (Fig. 8). Kobe beef is one of the famous Japanese beef but it may be so expensive that the beef used for Ekiben cannot be always Kobe one. Anyway, the Steak Ekiben looks luxury and it is sold in several stations in Japan where beef production is famous in the area.

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Fig. 7 Syumai Bento27                                                            Fig. 8 Steak Ekiben28

 

Enlargement of Ekiben out of railways

 

The mean of transportation is now diversified and it is not only train but also car and air plane which are commonly used. Around the year 2000, Japanese airline companies began to sell the boxed meals called Soraben (空弁). Sora means air and ben is from Bento. It took the idea from Ekiben and applied it to the air trips. The appearance of Soraben was also due to the cut of meal offer on airplanes. It is usually smaller than railway boxed meal since the table on the air plane is relatively small and sometimes the same Ekiben is sold for air plane trip. On the other hand, it gave a possibility to promote the regional speciality also for Okinawa, the most southern island in Japan where there is no railway in the area. The culture of Okinawa was influenced by Japan, China and Taiwan from its geographical position and it was also under the control of U.S.A. after the Second World War until 1972. Therefore, an original cooking culture has been raised in this southern island and its presence in Soraben should be surely interesting.

 

Ekiben is so well known and familiar to Japanese that not only do people travel for seeking these boxed meals but also Ekiben from all over Japan reach consumers, for instance, by the occasional events which supermarkets organize. Figure 9 represents the publicity of an Ekiben fair held in a chained supermarket of Aichi prefecture on the 30th and 31st March 2013. It is made as a ranking list and it compares some Ekiben between eastern and western Japan. The champion of eastern Japan is seen at the upper left and it is a mix of some seafood, egg and vegetables from Hokkaido. The one of western Japan is at the upper right and it is a type of Sushi with cherry salmon in bamboo leaves from Toyama. The second place in the middle, the boxes with some crab and rice are indicated for both eastern and western Japan. The third position at the lower left is for eastern Japan and there are an entire cooked squid stuffed with rice and some grilled beef tongue with rice. At the lower right, there are Sushi with different fishes rolled with Kaki leaves and rice cooked with octopus in a pod as mentioned above . Within two days of this publicity, there are presented and sold 30 kinds of Ekiben from 18 prefectures.

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Fig. 9. Publicity of the occasional sales of Ekiben at a Japanese supermarket

 

Conclusion

In the small box of Ekiben, you can encounter several Japanese recipes generally eaten on the territory, specialities of the regions and some new Japanese tastes influenced by foreign cuisines. It is the gem of casket in which you can find a diversity of Japanese cuisine. Trains that connected the territory didn’t summarize the various tastes to the “national” one but it served to promote the variety of “regional” products and cuisines. Since this boxed meal has already gone out of railways to be presented independently for another kind of trip or supermarkets, who denies that you may encounter an Ekiben also in your country in the near future?

End notes

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1 Kojima, H., (2010). Railway as Culture (Tetsudou toiu Bunka), Tokyo, Kadokawa Gakugei Syuppan. P42

2 Nakanishi, T., (2010). Genesis of Japanese Railway (Nihon no Tetsudo Souseiki), Tokyo, Kawade Syobo Sinsya. P91

3 Ibid.

4 Kojima, H., (2010). Railway as Culture (Tetsudou toiu Bunka), Tokyo, Kadokawa Gakugei Syuppan. P178

5 Site from Japanese Ministry of Land, Infrastructure, Transport and Tourism

http://www.mlit.go.jp/statistics/details/tetsudo_list.html

6 Kojima, H., (2010). Railway as Culture (Tetsudou toiu Bunka), Tokyo, Kadokawa Gakugei. P147

7 Site from Japanese Ministry of Land, Infrastructure, Transport and Tourism

http://www.mlit.go.jp/statistics/details/tetsudo_list.html

8 Site from JR’s Japan Rail Pass

http://www.japanrailpass.net/images/map_ja.pdf

9 Koizumi, T., (2002). Wisdom of Japanese toward foods (Syoku to Nihonnjin no Chie), Tokyo, Iwanami Shoten. P194

10 Fujimori, K., (2003). Receipe of Soseki (Soseki no Recipi), Tokyo, Koudansya. P66-87

11 Sen is an old currency unit of Japan and one yen was equal to 100 sen. It was used until 1953 and today it is usesd for the stocks or price indications.

12 Ishige, N., (2001). The history and cultures of Japanese food, London, Kegan Paul Limited. p.142

13 Site from Ekiben no Komado http://ekibento.jp/study-ekibenhistory.htm

15 Kobayashi, S., (2005). The Comlete Book of Japanese Ekiben (Nippon Ekiben Taizen), Tokyo, Bungeisyunjyu. P10

16 Koizumi, T., (2002). Wisdom of Japanese toward foods (Syoku to Nihonnjin no Chie), Tokyo, Iwanami Shoten. P196

17 Hayashi, J., Kobayashi., S, (2000). Lesson for Ekiben Studies (Ekibengaku Kouza), Tokyo, Syueisya. P16-21

18 Kobayashi, S., (2005). The Comlete Book of Japanese Ekiben (Nippon Ekiben Taizen), Tokyo, Bungeisyunjyu. P10

19 Hayashi, J., Kobayashi., S, (2000). Lesson for Ekiben Studies (Ekibengaku Kouza), Tokyo, Syueisya. P31-35

21 Hayashi, J., Kobayashi., S, (2000). Lesson for Ekiben Studies (Ekibengaku Kouza), Tokyo, Syueisya. P138-145

23 Site from Awaji-ya http://www.awajiya.co.jp

25 Site from Awaji-ya http://www.awajiya.co.jp

27 Ibid.

Bibliography

 

∴ Fujimori, K., (2003). Receipe of Soseki (Soseki no Recipi), Tokyo, Koudansya.

 

∴ Hayashi, J., Kobayashi., S, (2000). Lesson for Ekiben Studies (Ekibengaku Kouza), Tokyo, Syueisya.

 

∴ Ishige, N., (2001). The history and cultures of Japanese food, London, Kegan Paul Limited.

 

∴ Kobayashi, S., (2005). The Comlete Book of Japanese Ekiben (Nippon Ekiben Taizen), Tokyo, Bungeisyunjyu.

 

∴ Koizumi, T., (2002). Wisdom of Japanese toward foods (Syoku to Nihonnjin no Chie), Tokyo, Iwanami Shoten.

 

∴ Kojima, H., (2010). Railway as Culture (Tetsudou toiu Bunka), Tokyo, Kadokawa Gakugei Syuppan.

 

∴ Nakanishi, T., (2010). Genesis of Japanese Railway (Nihon no Tetsudo Souseiki), Tokyo, Kawade Syobo Sinsya.
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http://tenzo.fr/articles/ekiben-the-boxed-meal-for-railway-trips-in-japan-azusa-suganuma/feed/ 0
La construction d’un patrimoine alimentaire: l’exemple tourangeau – par Nicolas Raduget http://tenzo.fr/articles/1636/ http://tenzo.fr/articles/1636/#respond Fri, 12 Feb 2016 23:20:37 +0000 http://tenzo.fr/?p=1636
Comment, dans un département qui n’a pas d’identité alimentaire aussi marquée que d’autres en France, avec des plats emblématiques que la choucroute ou la bouillabaisse, s’est-on attaché depuis la fin du XIXe siècle à reconnaître et diffuser les productions locales ? Quels sont les acteurs impliqués et les stratégies employées qui ont abouti à la promotion actuelle ? La problématique ainsi posée, il s’agit en filigrane de voir comment, de la fin du XIXe siècle à la fin du suivant, le patrimoine alimentaire de la Touraine se construit.
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Nicolas Raduget
Berrichon d’origine, Nicolas Raduget est docteur en histoire contemporaine. Ses études à l’Université François-Rabelais l’ont d’abord mené jusqu’à un master d’histoire politique sur l’influence et l’action de l’ancien député-maire de Tours, Camille Chautemps. Son goût pour l’archive et les bibliothèques l’a ensuite incité à s’engager dans une thèse CIFRE avec le Conseil général d’Indre-et-Loire, visant à étudier les conditions de l’émergence du patrimoine alimentaire de la Touraine. Désormais chercheur indépendant (qui répond aux mails assez vite), il est par ailleurs rédacteur en chef adjoint d’un site associatif consacré à la bande dessinée.

La construction d’un patrimoine alimentaire: l’exemple tourangeau

14 FÉVRIER 2016 | PAR NICOLAS RADUGET

En soutenant récemment une thèse sur les acteurs et les voies de la mise en valeur du patrimoine alimentaire de la Touraine des années 1880 à 1990, sous la direction du professeur Jean-Pierre Williot, à l’université François-Rabelais, j’avais la lourde tâche de résumer brièvement cinq ans de lectures et de dépouillements. Tenzo m’offre aimablement la possibilité d’en faire de même, qui plus est le jour de la Saint-Valentin, histoire de symboliser la relation fusionnelle du jeune chercheur avec son sujet d’étude !

Le patrimoine alimentaire implique des produits, bruts ou transformés, des pratiques et un savoir-faire qui leur sont liés, et qui constituent un héritage culturel. C’est ce que l’on peut écrire en essayant de résumer la pensée de Jacinthe Bessière et Laurence Tibère, qui ont défini plus longuement ce concept complexe.[1] Aujourd’hui, à l’heure du tout patrimoine, la notion s’est considérablement développée, ce qui n’était pas le cas à la fin du XIXe siècle. Pour autant, l’absence du terme ne signifie pas l’absence de l’idée, ce qui justifie à mon sens l’emploi de l’expression dans ce travail. En effet, l’essor des cuisines régionales a progressivement érigé les spécialités locales en éléments remarquables de la nation. Les produits qui, sous l’Ancien Régime, servaient à asseoir la notoriété de certaines villes – Philippe Meyzie l’a montré avec sa thèse sur le Sud-Ouest aquitain[2]–, franchissent un nouveau cap. On parle en effet au début du XIXe siècle d’une « monumentalisation » de la spécialité alimentaire, qui place l’aliment sur la même marche qu’un château ou une cathédrale. L’Almanach des Gourmands de Grimod de la Reynière a en cela été surnommé le « Guide Grimod » par Pascal Ory puis Julia Csergo[3]. La question d’un processus patrimonial apparaît dès lors tout au long de l’époque contemporaine, chaque région incluant sa gastronomie dans les caractéristiques importantes de son identité.

La spécificité d’un espace, la Touraine

Le choix de la Touraine comme entité géographique est dû au fait que, depuis la Renaissance, la contrée est surnommée le « jardin de la France », héritage de la présence royale en Touraine qui en fait une terre fertile vantée pour ses fruits et légumes. En outre, actuellement, l’hédonisme gastronomique tourangeau fait la part belle, en dehors des vins, produits les plus connus, à la charcuterie (rillettes, rillons), aux volailles aux couleurs contrastées (géline noire, oie blanche), au fromage de Sainte-Maure-de-Touraine ainsi qu’aux douceurs sucrées comme la poire tapée et le macaron de Cormery. Dès lors, la question de l’appropriation de ces produits par les acteurs locaux était stimulante.

Source: DELAMARE DE MONCHAUX (Comte), Toutes les poules et leurs variétés : description, standard, points, élevage, Paris, Amat, 1924.

Source: DELAMARE DE MONCHAUX (Comte), Toutes les poules et leurs variétés : description, standard, points, élevage, Paris, Amat, 1924.

Comment, dans un département qui n’a pas d’identité alimentaire aussi marquée que d’autres en France, avec des plats emblématiques que la choucroute ou la bouillabaisse, s’est-on attaché depuis la fin du XIXe siècle à reconnaître et diffuser les productions locales ? Quels sont les acteurs impliqués et les stratégies employées qui ont abouti à la promotion actuelle ? La problématique ainsi posée, il s’agit en filigrane de voir comment, de la fin du XIXe siècle à la fin du suivant, le patrimoine alimentaire de la Touraine se construit.

Une mise en patrimoine progressive

Une première période, s’échelonnant des années 1880 à la Grande Guerre, permet à la Touraine alimentaire de s’affirmer. La mise en lumière nationale permise par les Expositions universelles et incarnée par Paris déteint sur la province qui, elle aussi, cherche à s’exprimer avec faste. L’Exposition Nationale de 1892 marque la grande entrée de Tours dans cette valorisation contemporaine. La réputation de « jardin de la France » sert de moteur aux efforts locaux. Le jeu des récompenses, encourageant le mérite et le progrès, fait de l’événement un grand moment républicain, salué par le ministre en visite.

En complément de l’aspect politique, les conséquences économiques de la révolution industrielle engendrent un développement agricole et commercial au tournant du siècle. Le syndicalisme se développe en Touraine comme ailleurs. Les secteurs des vins ou des produits laitiers se structurent progressivement. Sous la conduite d’ingénieurs agronomes, comme le directeur des services agricoles, Jean-Baptiste Martin, un enseignement républicain très scolaire est prodigué aux cultivateurs pour qu’ils soignent leur travail. La fraude est combattue et la sauvegarde de certaines productions locales, comme le pruneau, est déjà en question. D’autres débouchés sont alors recherchés. Martin prend par exemple la direction du Club avicole de la Touraine à sa création, en 1909, et peuple les basses-cours d’une poule noire, la géline de Touraine. Elle symbolise la volonté locale d’innover pour mettre en valeur le territoire.

Folklore, régionalisme et promotion touristique

La perspective touristique nouvelle, plus ample, amène aussi au tournant du vingtième siècle certaines denrées de production domestique, comme les rillettes et le fromage de chèvre, à devenir des spécialités en tant que telles. Les cartes postales s’en emparent. Des jeunes filles en tenue typique sont immortalisées un pot de rillettes à la main, ou un panier garni des légumes du « jardin de la France ». Elles dégustent également les vins du cru qui occupent majoritairement l’espace promotionnel. Les spécialités alimentaires participent d’une mise en scène folklorique.

Source : AM Tours, 11Fi17-2882.

Source : AM Tours, 11Fi17-2882.


Source : AM Tours, 11Fi17-2904.

Source : AM Tours, 11Fi17-2904.

Intégrant les produits alimentaires parmi les richesses locales, le régionalisme, à son apogée entre les deux guerres, joue un rôle clé dans la création patrimoniale. Une date importante est le lancement, en 1921, de la Grande semaine de Tours par Camille Chautemps, qui cherche à faire de sa ville une capitale agricole et administrative, influente sur une large région « Centre Ouest ». Parallèlement à cela, la Touraine suit le développement alimentaire national. Les terroirs viticoles s’affirment un peu plus avec l’aboutissement de la démarche d’appellation d’origine. L’aviculture locale connait son moment de gloire, et avec elle la Géline de Touraine, qui rivalise avec les volailles de Bresse. Enfin, les premières marques de camembert de Touraine et de Sainte-Maure accompagnent dans les années trente, la progression de la fédération des coopératives laitières, qui part à la conquête de nouveaux marchés, toujours sous la houlette de Jean-Baptiste Martin.

Politique et économique, le régionalisme est enfin culturel, bon nombre de passionnés vantant les mérites d’une gastronomie tourangelle à travers la littérature. Aux côtés des écrits touristiques de Curnonsky ou de Marcel Rouff, pour qui la Touraine n’est qu’une simple étape du tour de France, des romanciers ou des médecins écrivent leur amour de la contrée, en insistant sur la bonne chère. Les bienfaits du pruneau sont célébrés, de même que la consommation du Vouvray et des autres crus locaux, avec la bénédiction des médecins amis du vin. Les éditions tourangelles Arrault jouent un grand rôle en se spécialisant dans les publications de ce type.

Source : SOPHOS, O, Les nobles vins de la Touraine, Tours, Arrault, 1937.

Source : SOPHOS, O, Les nobles vins de la Touraine, Tours, Arrault, 1937.

Pourtant, malgré les efforts de ces acteurs variés, certains produits, tels la poire tapée et le pruneau, ne résistent pas aux évolutions économiques et, faute de main d’œuvre, notamment, disparaissent. Le « jardin de la France » ne survit que dans les textes et dans l’imaginaire entretenu par le tourisme.

De la valorisation du territoire à la mode du local

L’entrée dans le second vingtième siècle inaugure enfin ce que nous avons appelé l’étrange cohabitation entre le productivisme et la valorisation locale. L’ère Jean Royer à la mairie de Tours s’ouvre en 1959, sur une période d’expansion au cœur des « Trente Glorieuses ». Les foires sont repensées, et la valorisation du terroir est alors en retrait au profit du seul territoire, désireux d’être une terre de congrès et d’accueil pour les industries. Les châteaux ont toujours la primeur s’agissant du tourisme mais les Anglais, notamment, sont des cibles privilégiés pour la diffusion des vins de Touraine. Le prince Charles a récemment montré, en recevant à Paris le prix François Rabelais, que la réputation des vins de Chinon et de Saint-Nicolas-de-Bourgueil n’a pas échappé aux plus hautes instances du Royaume. Un autre Charles, Barrier, qui obtient une troisième étoile Michelin en 1968, incarne la qualité de la restauration locale.

Subsiste également à cette période une forme de régionalisme teinté de folklore qu’illustrent la société d’originaires « la Touraine à Paris », et les confréries. Ces mouvements contribuent à entretenir un esprit humaniste et gourmand au « jardin de la France ». Ce n’est pas sans importance car c’est cette image, véhiculée par le tourisme, qui prime au moment où la standardisation est remise en cause. Lors des crises des années 1970, le local, de nouveau à la mode, a des effets rassurants. Les vins et le fromage incarnent le « terroir ». La décennie suivante les intègre à la démarche patrimoniale qui entame sa généralisation.

Programme de la Foire agricole de 1979. Source : AM Tours, 3F, Boîte 150, Foire agricole de l’Ouest européen 1979, Programme officiel.

Source : AM Tours, 3F, Boîte 150, Foire agricole de l’Ouest européen 1979, Programme officiel.

Conscients que la Touraine « était » riche d’autres produits, des passionnés dépoussièrent les spécialités oubliées. La géline de Touraine et la poire tapée redeviennent soudainement importantes, l’association des « Croqueurs de pommes » s’intéresse aux anciennes variétés de fruits, et sous le contrôle du directeur du laboratoire d’analyses, Jacques Puisais, on recherche le caractère originel des rillettes. Avant que les pouvoirs publics ne prennent, parfois, le relais, les relances d’anciennes spécialités semblent d’abord être le fruit d’un travail de consommateurs, de passionnés. La presse, à travers l’exemple du Magazine de la Touraine, contribue aussi à valoriser les richesses et à leur donner de l’importance.

Intérêts de la recherche et suggestions

Dès lors que le sujet renvoie à l’histoire économique, politique et culturelle, il faut veiller à la sélection des sources, pragmatique, qui sollicite « le talent du chercheur ».[4] La documentation trop importante – osons le néologisme et appelons ça la « dodumentation » en histoire de l’alimentation – peut avoir des effets contreproductifs. Sans revenir sur les sources classiques qui sont détaillées dans la thèse, disons un mot du recours à la littérature qui est une piste toujours intéressante. Les romans donnent un point de vue, renvoient une certaine image, différente de ce que l’on peut trouver ailleurs. Les œuvres de Maurice Bedel ou de René Boylesve témoignent par exemple qu’il existe un club des amoureux de la gastronomie tourangelle, désireux de la faire connaitre. Avant eux, Balzac renseignait sur les premières consommations urbaines des rillettes. Si Rabelais reste la référence ultime, son image étant associée jusqu’à une marque de biscottes, d’autres auteurs lui ont emboîté le pas à l’époque contemporaine. Les folkloristes, de Jacques-Marie Rougé à « la Ligouère de Touraine », formation musicale, ont joué leur rôle également. Le premier est encore cité comme référence dès lors qu’il s’agit d’évoquer les « traditions » locales. C’était aussi l’une des raisons d’être de cette thèse que de compléter l’apport des travaux d’érudits, dont la seule occurrence posait parfois problème au monde académique.

Le volet touristique de notre étude permet aussi de confirmer que l’influence extérieure dans la construction des cultures alimentaires est indéniable. La cuisine tourangelle, comme celle des autres régions, est en réalité une cuisine de représentations, stéréotypée, entretenue par les publications touristiques parisiennes et la littérature régionaliste. L’imaginaire et le regard extérieur sont au cœur de la construction patrimoniale.

Une autre observation doit être faite quant à la place de l’Indre-et-Loire dans la promotion nationale, pour tenter d’expliquer pourquoi le département reste relativement en retrait par rapport à d’autres… comme s’il baignait dans son propre cliché de la douceur de vivre et de l’insouciance. Les faits le montrent, les Tourangeaux ont plus souvent été dans la réaction que dans l’action. D’emblée, le « jardin de la France » se construit pourtant une réputation qui, au regard des discours, est peu modeste. Il a pour objectif ambitieux d’accueillir la première foire agricole française à l’époque de Chautemps, puis d’incarner « l’Ouest européen » sous l’ère Royer. À chaque fois, ses aspirations sont cependant contrariées, de la même manière que le titre de capitale de région, longtemps convoité, lui échappe au profit d’Orléans. C’est une preuve que la réputation ne fait pas tout.

La discipline historique, rendant compte de plusieurs césures, et confirmant le caractère évolutif du patrimoine alimentaire, permet d’avoir un regard différent ou complémentaire des principaux travaux sur cette question, qui émanent d’anthropologues et de sociologues.[5] S’ils encouragent avec bonheur l’interdisciplinarité, ils s’inscrivent dans le temps présent, pas forcément délimité, ce qui pose problème à l’historien dès lors qu’il cherche à comparer ses résultats. On ne peut donc qu’encourager les investigations historiques sur d’autres régions, cette thèse cherchant déjà à s’inscrire dans la lignée des chercheurs qui ont pris en compte cette dimension dans leurs travaux. C’est le cas par exemple de l’anthropologue Gilles Laferté pour la Bourgogne et de Claire Delfosse, en géographie, pour le fromage et le patrimoine de Rhône-Alpes.

Espérons pour finir que cette thèse puisse, au-delà de son apport scientifique, faire naître une action de valorisation locale pour certains produits, de même que les inventaires du patrimoine culinaire de la France se destinaient en partie à cela. C’est toute la question que de savoir si une étude universitaire objective sur la mise en valeur d’un patrimoine peut servir à sa valorisation effective. Les futurs projets de la collectivité locale ou de l’association Tours Cité internationale de la gastronomie y répondront sans doute.

Bibliographie

∴ ANDRIEUX, Jean-Yves, et HARISMENDY, Patrick (dir.), L’assiette du touriste. Le goût de l’authentique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013.
∴ BÉRARD, Laurence, MARCHENAY, Philippe, HYMAN, Mary et Philip, et BIENASSIS, Loïc (dir.), L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France : produits du terroir et recettes traditionnelles, Région Centre, Paris, Albin Michel, 2012.
∴ CAMPANINI, Antonella, SCHOLLIERS, Peter, et WILLIOT, Jean-Pierre (dir.), Manger en Europe : patrimoines, échanges, identités, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2011.
∴ HACHE-BISSETTE, Françoise, et SAILLARD, Denis (dir.), Gastronomie et identité culturelle française : Discours et représentations (XIXe-XXIe siècles), Paris, Nouveau Monde, 2007.
∴ MARACHE, Corinne, et MEYZIE, Philippe (dir.), Les produits de terroir. L’empreinte de la ville, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2015.
∴ THIESSE, Anne-Marie, Ils apprenaient la France : L’exaltation des régions dans le discours patriotique, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1997.
Pour consulter la thèse en intégralité:
RADUGET, Nicolas, Les acteurs et les voies de la mise en valeur du patrimoine alimentaire de la Touraine des années 1880 à 1990, thèse de doctorat d’Histoire (direction Jean-Pierre Williot), Université de Tours, 2015. [Bientôt consultable à la bibliothèque de l’IEHCA].

Notes de bas de page

[1] BESSIÈRE, Jacinthe, et TIBÈRE, Laurence, « Innovation et patrimoine alimentaire en Midi-Pyrénées », Anthropology of food [http://aof.revues.org/6759], n° 8, 2011.

[2] MEYZIE, Philippe, Culture alimentaire et société dans le Sud-Ouest aquitain du XVIIIe au milieu du XIXe siècle : goûts, manières de table et gastronomie, l’émergence d’une identité régionale, thèse de doctorat d’Histoire (direction Josette Pontet), Université de Bordeaux 3, 2005.

[3] ORY, Pascal, « La gastronomie », in NORA, Pierre (dir.), Les lieux de mémoire, tome 3, Paris, Gallimard, 1997, p. 3752 ; CSERGO, Julia, « La gastronomie dans les guides de voyage : de la richesse industrielle au patrimoine culturel, France XIXe-début XXe siècle », In Situ [http://insitu.revues.org/722], n° 15, 2011, p. 3.

[4] MARROU, Henri-Irénée, De la connaissance historique, Paris, Seuil, 1975 [1954], p. 69.
[5] Voir notamment BESSIÈRE, Jacinthe, Valorisation du patrimoine gastronomique et dynamiques de développement territorial : le haut plateau de l’Aubrac, le pays de Roquefort et le Périgord noir, Paris, L’Harmattan, 2001 ; BÉTRY, Nathalie, La Patrimonialisation des fêtes, des foires et des marchés classés « sites remarquables du goût » ou la mise en valeur des territoires par les productions locales, thèse de doctorat de Sociologie et Anthropologie (direction Jean-Baptiste Martin), Université de Lyon 2, 2003 ; FAURE, Muriel, Du produit agricole à l’objet culturel. Les processus de patrimonialisation des productions fromagères dans les Alpes du Nord, thèse de doctorat de Sociologie et Anthropologie (direction Jean-Baptiste Martin), Université de Lyon 2, 2000.

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Encore une Nouvelle Cuisine ? – Matthieu Aussudre – Auteur invité http://tenzo.fr/articles/encore-une-nouvelle-cuisine-matthieu-aussudre-auteur-invite/ http://tenzo.fr/articles/encore-une-nouvelle-cuisine-matthieu-aussudre-auteur-invite/#respond Sun, 17 Jan 2016 09:00:02 +0000 http://tenzo.fr/?p=1460
Ce mémoire s’applique à analyser les particularités de la rupture qui a fait basculer la haute cuisine française dans sa contemporanéité. En étudiant les vecteurs d’innovation et les discours de la Nouvelle Cuisine, on s’aperçoit certes qu’elle reprend des arguments similaires à ces lointaines cousines du XVIIe et du XIXe siècle, mais surtout, que ces préceptes sont toujours d’actualité aujourd’hui...
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Matthieu

Encore une Nouvelle Cuisine?

17 Janvier 2016 | PAR MATTHIEU AUSSUDRE

Matthieu Aussudre est chercheur indépendant en histoire de l’alimentation. Diplômé depuis septembre 2015 d’un Master en histoire contemporaine, il tente à travers son activité de consultant de confronter le monde de la haute gastronomie à son histoire.

La Nouvelle Cuisine Française ! Que d’étonnements et d’avis distincts ai-je reçus lorsque j’évoquai mon sujet de recherche auprès de mon entourage. Professeurs, étudiants, cuisiniers, journalistes, consommateurs, tous avaient leurs propres avis sur la question. Il s’agissait d’ « une révolution culinaire» pour certains, d’une «arnaque» pour d’autres, et je lisais ou entendais parfois qu’elle n’avait jamais existé, qu’elle n’avait rien changé ou qu’il s’agissait ni plus ni moins d’une énième mode dans l’histoire de la cuisine. De son côté, l’Université française n’a pas encore appréhendé la Nouvelle Cuisine comme un champ de recherches à part entière. En effet, les historiens l’ont faite entrer dans l’articulation d’autres histoires comme celles de la cuisine française (Patrick Rambourg), des cuisiniers (Alain Drouard), de la gastronomie (Jean-Robert Pitte) ou de son discours (Pascal Ory). Mais jamais elle ne fut le sujet central d’une recherche universitaire. Ce mémoire s’avère être donc le premier du genre.

Pour construire cette historiographie nouvelle, il a fallu à la fois puiser dans les « classiques » de l’histoire de la haute cuisine française (les époux Hyman, Jean-Louis Flandrin, Barbara Ketcham Wheaton, etc.), mais également se faire le passeur des travaux récents de certains essayistes dans une recherche universitaire. C’est d’ailleurs en croisant les analyses de la Nouvelle Cuisine d’un historien (Alain Drouard) et d’un essayiste (Bénédict Beaugé) que j’ai constitué l’approche conceptuelle de mon travail.

Lorsque l’on parla de « Nouvelle Cuisine » au début des années 1970 pour englober les ruptures culinaires amorcées par Michel Guérard, Alain Senderens, les frères Troisgros ou encore Alain Chapel, on oublia de rappeler qu’une nouvelle cuisine avait déjà vu le jour au XVIIIe siècle.

Menon, « La Nouvelle Cuisine », Tome Troisième de son Nouveau Traité de la Cuisine (1742).

Menon, « La Nouvelle Cuisine », Tome Troisième de son Nouveau Traité de la Cuisine (1742).

Des cuisiniers tels que Menon ou Marin prônèrent une nouvelle façon de travailler, moquée par Desalleurs ou encore Voltaire, dont l’ « estomac ne s’accommode point de nouvelle cuisine »[1]. Dans une réédition de 1983 du Cuisinier François de François Pierre La Varenne (1651) dont le texte est présenté par Jean-Louis Flandrin, Philip et Mary Hyman, ces derniers soulignent les points communs entre la Nouvelle Cuisine du XXe siècle et le discours de La Varenne. En effet,  Le Cuisiner François s’avère être la première trace de l’émancipation de la cuisine française face à la cuisine médiévale qui dominait alors l’Europe occidentale. Elle bascule dès lors dans une nouvelle ère, celle d’une cuisine moderne. On parle alors de la naissance d’une « grande cuisine française ». Celle-ci naît d’une érosion du modèle précédent, entamée dès la Renaissance. Cette rupture s’est donc faite progressivement et fut notamment liée à la mise en place de nouveaux critères de distinction. L’usage des épices orientales s’étant banalisé, la cuisine aristocratique décide de les remplacer par des aromates produits sur le territoire du royaume : ciboule, échalotes, anchois, câpres, champignons, et en particulier la truffe noire qui devient le symbole de la haute cuisine.[2] On abandonne également les sauces acides et maigres du Moyen-Âge au profit des sauces grasses (le beurre devient la graisse de prédilection) qui laissent plus de place au goût propre des aliments. Des auteurs tels que Nicolas de Bonnefons, L.S.R ou encore Pierre de Lune, poursuivent le travail de La Varenne en reprochant à « l’ancienne cuisine » de trop « déguiser » les viandes et de proposer une profusion de garnitures qui vont à l’encontre de leur idée d’une cuisine qui respecte le goût naturel des aliments, avec des assaisonnements équilibrés et des accords nouveaux. Selon Nicolas de Bonnefons, il faut qu’un potage aux choux «sente entierement le chou, aux porreaux le porreau, aux navets, le navet & ainsi les autres, laissant les compositions pour les Biques, Panades & autres desguisements dont on doit plustot gouster que de s’en remplir»[3]. Comment ne pas y trouver des similitudes avec le discours des chefs de la Nouvelle Cuisine du XXe siècle ? « Le produit, seul, est la vérité. Le produit, seul, est la vedette et non le cuisinier qui ne fait que le respecter » disait Alain Chapel[4].

Ces similitudes trouvées avec les discours des « nouvelles cuisines » des XVII et XVIIIe siècles m’ont intrigué. L’étude du très riche XIXe siècle culinaire et de ses deux grandes codifications, celles de Carême et d’Escoffier qui installent la haute cuisine française sur le toit du monde, me conforte qu’il s’agit là encore d’une rupture dans les pratiques. J’ai donc opéré un séquencement de l’histoire de la haute cuisine française tout à fait inédit. En effet, en comparant mes recherches sur la cuisine nouvelle du XXe siècle et les caractéristiques de ses aïeules, il semble clair que la Nouvelle Cuisine Française s’inscrit dans la même démarche culturelle que les ruptures du XVIIe et du XVIIIe siècle (voire du XIXe qui diffère cependant sur quelques points), avec une reconstruction permanente de l’innovation culinaire. Ces ruptures ont séquencé l’histoire de la grande cuisine française en quatre ères, une pour  chaque siècle depuis le XVIIe siècle..

Je me suis donc intéressé à la dernière grande rupture que connut l’histoire de notre haute cuisine, qui nous a fait basculer dans une ère culinaire nouvelle dont les principes sont toujours suivis aujourd’hui.

Auguste Escoffier, grande figure de la cuisine classique.

Auguste Escoffier, grande figure de la cuisine classique.

Pour comprendre cette rupture, il nous faut remonter à la France de l’après-guerre. Après plusieurs années de privation, les Français n’aspirent qu’à une seule chose: se venger de la faim. À Paris notamment, la population, qui avait connu les tickets de rationnement et le marché noir, se rue sur l’alimentation qui abonde de nouveau[5]. Les plus fortunés d’entre eux réservent chez les grandes adresses de l’après-guerre (Lapérouse, La Tour d’Argent, Maxim’s, Lucas Carton, le Café de Paris) et s’empiffrent de viandes rouges, de volailles, de crustacés, de foie-gras et de truffes. Le week-end, ils prennent la Nationale 7 pour s’offrir des escapades gastronomiques chez Hure à Avallon, Bise à Talloires, Thuillier aux Baux-de-Provence et dans les grandes maisons provinciales de la fin des années 1940 (Dumaine, Point, Pic, la Mère Brazier). Dans les assiettes, l’heure était aux retrouvailles avec un luxe trop longtemps interdit, la ripaille et les excès.

Parallèlement, la société française amorçait une profonde mutation, se lançant dans une période de croissance folle de 6% en moyenne par an, jusqu’au choc pétrolier de 1973.  Le changement est brutal. La France si démunie à la fin de la guerre peut désormais se rassasier. Le pays entre alors dans une frénésie de consommation, une époque marquée par la vitesse, l’exode rural, le travail des femmes, le culte du corps, le consumérisme et l’arrivée sur le marché de produits exotiques. Il faut alors imaginer que la cuisine d’avant-guerre était une protection, un refuge quasi maternel pour certains, face à ce monde en mouvement, synonyme de changement définitif de notre mode de vie. La haute cuisine d’alors était restée figée depuis le XIXe siècle, la codification d’Escoffier était si parfaite que personne (ou presque) n’osait faire autre chose que cette cuisine classique, qui, non dépoussiérée, devenait beaucoup trop lourde, grasse et prétentieuse pour une époque qui aspirait à de la légèreté, à la liberté.

Au mois de mai de l’année 1968, les étudiants dans la rue remettaient en cause tout ce qui était tabou, intouchable ou dangereux dans la société. Alors qu’en matière de cinéma et de littérature, les académismes étaient brisés avec la Nouvelle Vague et le Nouveau Roman, que les tabous tombaient dans la sexualité, la cuisine était toujours emprisonnée dans ses conventions issues du XIXe siècle. Pourtant remises en cause par des cuisiniers avant-gardistes tels qu’André Guillot, Jean Delaveyne, Charles Barrier ou dans un autre registre Raymond Oliver, les fondations de cette ère culinaire s’effritaient, tremblaient même, mais elles tenaient bon. Ces chefs ont néanmoins eu le mérite d’amorcer une révolution dans les casseroles que découvrirent deux jeunes journalistes en allant dîner chez un certain Paul Bocuse en 1964.

Michel le fils, Jean et Pierre les frères Troisgros.

Michel le fils, Jean et Pierre les frères Troisgros.

Henri Gault et Christian Millau, alors respectivement reporter et responsable des pages magazines de Paris-Presse, sont alors subjugués par une salade de haricots verts al dente, suivie de petits rougets de roche très peu cuits. Une cuisine toute en simplicité, à des années- lumière de ce qu’ils avaient l’habitude de manger. Bocuse leur recommanda alors de visiter les frères Troisgros à Roanne chez qui ils retrouvèrent le même esprit que celui de leur dîner chez Bocuse : simplicité, raffinement, légèreté, audace. En parcourant la France, ils découvrirent sans cesse des cuisiniers qui, sans forcément se connaître, partageaient cette même vision d’une cuisine émancipée de ses carcans : Michel Guérard, Jacques Manière, Claude Peyrot, les frères Minchelli, Alain Senderens, Alain Chapel, Roger Vergé, etc. Devant l’émergence simultanée de talents qui fissurèrent de toutes parts l’édifice d’Escoffier, Henri Gault et Christian Millau proclamèrent pour la première fois l’avènement de la « Nouvelle Cuisine Française » dans leur numéro mythique d’octobre 1973. Le manifeste qui s’y trouve prône un véritable putsch des fourneaux, renversant l’ère culinaire du XIXe siècle et annonçant les dix commandements de la cuisine nouvelle qui en naîtra : réduction des temps de cuisson, nouvelle utilisation des produits (cuisine du marché), diminution du choix des cartes, ne pas être systématiquement moderniste, employer et s’adapter aux techniques d’avant-garde, stop au faisandage, alléger sa cuisine, ne pas ignorer la diététique, stop aux présentations truqueuses et être inventif, tout est désormais permis ! L’héritage de Mai 1968 se ressent particulièrement dans ce dixième commandement. En déclarant la liberté totale aux cuisiniers, Gault et Millau s’assurent de la fin de règne du Guide Culinaire d’Escoffier comme référentiel absolu. La Nouvelle Cuisine, en se posant comme anti-école, ouvre tous les champs du possible en matière de cuisine, ce qui constitue une révolution en soit tant la gastronomie était normée, enfermée dans ses dogmes. Ce coup d’éclat médiatique se veut le point de bascule dans une nouvelle ère culinaire, acte central de ce mémoire.

Alain Chapel, un des chefs les plus talentueux de la Nouvelle Cuisine.

Alain Chapel, un des chefs les plus talentueux de la Nouvelle Cuisine.

Ce mémoire s’est donc appliqué à analyser les particularités de cette rupture qui a fait basculer la haute cuisine française dans sa contemporanéité. En étudiant les vecteurs d’innovation et les discours de la Nouvelle Cuisine, on s’aperçoit certes qu’elle reprend des arguments similaires à ces lointaines cousines du XVIIe et du XIXe siècle, mais surtout, que ces préceptes sont toujours d’actualité aujourd’hui. La quête de légèreté et de naturel, l’ouverture sur le monde, l’utilisation de nouvelles technologies et de la science, la « starification » des chefs et leur accès au rang d’artistes, les multiples altérations dans le dressage des assiettes et le discours (quitte à parfois sombrer dans le snobisme) sont d’autant de facteurs qui marquent toujours notre haute cuisine.

Bibliographie

 

∴ ARON Jean-Paul, Les Modernes, Paris, Gallimard, 1984.

 

∴ BEAUGÉ Bénédict, Aventures de la cuisine française, Paris, Nil, 1998.

 

∴ BEAUGÉ Bénédict, Plats du jour /Essai sur l’idée de nouveauté en cuisine, Paris, Édition Métailié, 2012.

 

∴ CHAMPION Caroline, Hors d’œuvre, essai sur les relations entre arts et cuisine, Gallardon, Menu Fretin, 2010.

 

∴ DROUARD Alain, Histoire des cuisiniers en France, Paris, CNRS Éditions, 2004.

 

∴ FISCHLER Claude, L’Homnivore, Paris, Odile Jacob, 1990.

 

∴ GAULT Henri et MILLAU Christian, Gault et Millau se mettent à table, Paris, Stock, 1976.

 

∴ GUÉRARD Michel, La Grande Cuisine minceur, Paris, Robert Laffont, 1976.

 

∴ KETCHAM WHEATON Barbara, L’office et la bouche, histoire des mœurs de la table en France 1300-1789, Paris, Calmann-Lévy, 1984.

 

∴ REVEL Jean-François, Un festin en paroles, Paris, Pauvert, 1979.

 

∴ ROSS Christine, Rouler plus vite, laver plus blanc, Paris, Flammarion, 2006.

 

Pour consulter l’ouvrage en intégralité:
∴ AUSSUDRE Matthieu, La Nouvelle Cuisine Française : rupture et avènement d’une nouvelle ère culinaire, 2015, mémoire de Master II, consultable à la bibliothèque de l’IEHCA, Tours.

La Nouvelle Cuisine souffre depuis la fin des années 1980 d’une mauvaise réputation due aux excès qu’elle a pu connaître à cette période (petites portions / grandes assiettes, prix démesurés, maniérisme dans les dressages et dans les appellations, etc.). Ces clichés sont d’ailleurs toujours tenaces dans l’imaginaire collectif. Sans être partisan, ce mémoire s’applique à remettre la Nouvelle Cuisine au cœur de son histoire, et ce pour la première fois.

Notes de bas de page

[1] VOLTAIRE, Œuvres complètes de Voltaire, Correspondance générale, Paris, Desoer, 1817.

[2] LA VARENNE François Pierre, Le Cuisinier François, 1651, textes présentés par Jean-Louis Flandrin, Philip et Mary Hyman, Paris, édition Montalba, 1983.

[3] DE BONNEFONS Nicolas, Les Délices de la campagne. Suitte du jardinier françois où est enseigné a préparer pour l’usage de la vie, tout ce qui croist sur la terre, et dans les eaux, dédié aux dames mesnagères, Paris, 1654. Deuxième édition, Amesterdam, 1655.

[4] CHAPEL Alain, La cuisine c’est beaucoup plus que des recettes, Paris, Robert Laffont, 1980.
[5] PAWIN Rémy, Histoire du bonheur en France, depuis 1945, Paris, Robert Laffont, 2013.

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http://tenzo.fr/articles/encore-une-nouvelle-cuisine-matthieu-aussudre-auteur-invite/feed/ 0
Festivals, Gallows and Bread Flour – Anna Steiger – Auteure invitée http://tenzo.fr/articles/festivals-gallows-and-bread-flour/ http://tenzo.fr/articles/festivals-gallows-and-bread-flour/#respond Sun, 20 Dec 2015 10:46:55 +0000 http://tenzo.fr/?p=1287
Winter Festival Treats and Traditions in Sicily. Winter festivities begin in Sicily with the festival that marks the day of the dead on the 1st of November, called I Morti or The Dead. This is traditionally the day where children who have been good and pious are given presents and treats, as the Morti themselves rise from their tombs to distribute sweets and marzipan throughout the city.
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Anna Steiger
Trained in London at the Guildhall School of Music and winner of many prizes as a young artist, Anna Steiger has sung at the Opera de Paris, Covent Garden, Glyndebourne and La Fenice, Venice, Palermo Opera. She specialises in Mozart and Rossini andhas sung most of Mozart’s operatic works at major theatres such as The Netherlands Opera Amsterdam, Zürich, Seattle, Los Angeles, Frankfurt, Lausanne and Stuttgart and has sung with conductors like Sir Simon Rattle, Sir Bernard Haitink, Riccardo Chailly and Seiji Osawa. Anna recorded Mozart’s Cosi Fan Tutte with Nicolaus Harnoncourt and the Concertgebouw Orchestra. She holds a Masters 1 in Food History from the Universities of Bologna and Tours, France. Anna lives in Paris and in Umbria.

Festivals, Gallows and Bread Flour

20 DECEMBRE 2015 | PAR ANNA STEIGER

« In a month’s time ( if the winds are not against you) you will arrive on the affluent island of Sicily, where you will eat some of those macaroni that have taken their name from the (Greek word) beatify[1]: they are usually cooked together with fat capons and fresh cheeses dripping butter and milk on all sides, and then, using a wide and liberal hand, sprinkled with sugar and cinnamon of the finest that can be found. Oh dear, how my mouth waters just remembering them »[2]

Ortesio Landi, Secretary to Lucrezia Gonzaga in the 16th Century

Winter festivals in Sicily – from I Morti ( All Saint’s Day on the first of November) to New Year’s Day – are celebrated by a complex and wide variety of traditional dishes illustrating the island’s long history of occupation. This mixture of Greek, Roman, Arabic, Byzantine, Norman, Jewish and Spanish/Italo Christian culinary traditions could only occur on an island with a past as diverse as Sicily’s.

Greeks brought the olive and the vine to Sicily. Arabs arriving in the 9th Century brought irrigation, sugar cane, rice and other crops in their baggage. The Norman Kingdom of Sicily, created on Christmas day in 1130 maintained many of the Arab achievements long after the Arabs themselves had departed, and lasted until the death of Frederick II in 1250.
Later, with the decline of Sicily’s fortunes, many of these great advances in agriculture were forgotten or ruined. Death and destruction accompanied the passing of the crown to the Angevin and on to the Aragonese in 1282.
The Black Death of the 14th century ravaged the inner island resulting in a great number of the peasantry moving to coastal areas. Half of Sicily’s villages were lost and the island’s population was cut by a sixth, greatly affecting agriculture and trade routes.

This destruction of populace was hastened by the Aragonese forced exodus of Jews in 1492, the keepers of much of the Arab knowledge of the past.
With the Spanish reign and the discovery of the New World, tomatoes and peppers arrived on the island, and in the 18th C when French cooking became the rage, every grand family has a monzù ( Sicily’s answer to the French word monsieur) or chef. These messieurs brought with them a range of cooking techniques and ingredients such as cream, butter and brandy which had not previously been used in most Sicilian dishes. This rich addition to the island’s food culture would go on to become part of what was known as cucina baronale or baronial cuisine.

Wheat based pasta, that emblem of Italian identity, had its first mention on a commercial scale in “ The Book of Roger”, a survey written for the Norman Sicilian King Roger II by the geographer Al-Idrisi in 1150 AD. Al-Idrisi called the pasta itriya – Arabic for little worms or vermicelli.
This word survives as tri in Sicilian dialect today. Tri were exported to Genoa and on through Italy’s mainland – thus, Bologna had a tria genovese dish to be prepared for sick by 13th C :

« Dei peselli freschi per li ‘nfermi: Togli i pesi novelli e latte spesso a amandole, e ponvi un poco di sale: poi fa’ uno coppo di pasta bene composto: giungivi su, se tu vuoli, zuccaro, e metti a cocere, e mangia. »[3]

Pasta Making in the Middle Ages

Pasta Making in the Middle Ages

With a price three times higher than that of the price of bread, pasta in Sicily was destined to be eaten by the well off, the middle class and the aristocracy. For everyone else, pasta dishes were kept for special occasions until well into the 17th Century.
Pasta made its first entry into Italian literature in the Bocaccio’s Decameron (1353) where pasta, in the land of Cuccagna or the Land of Plenty was presented as a celebratory, almost hallucinatory food:

« A wonderful mountain was also to be found in that country, he told him, all made of parmesan cheese, and inhabited by folk who spent all their time making macaroni and ravioli with they boiled in capon broth….»[4]

Bibliography

 

∴ Taylor Simeti, Mary, Sicilian Food, P. 123, ed. Grub Street, London 1989.

 

∴ Taylor Simeti, Mary, On Persephone’s Island, p.15, ed. Alfred 6 A. Knopf, Inc., USA.

 

∴ Anna Tasca Lanza, The Heart of Sicily, p 207, ed. Ici la Press, Woodbury, 8 Connecticut, USA.

 

∴ Peter Robb, Midnight in Sicily: On Art, Food, History, Travel, and La Cosa Nostra, published Australia 1996

 

John Julius Norwich, Sicily: A Short History, from the Greeks to Cosa Nostra John Murray published 2015, UK

Pieter Bruegel the Elder's

Pieter Bruegel the Elder’s « Luilekkerland » (The Land of Cockaigne) 1567

In Sicily, Cuccagna came to mean a distribution of food to the poor on feasting days as part of the policy for keeping the Sicilian (and Neapolitan) masses quiet during the reign of the Bourbon Kings. Named The Three F’s: feste, forza e farina or festivals, gallows and bread flour, this policy was in itself a throw back to the Roman satirist Juvenal’s panem et circuses (Satire 10.77–81 Circa 100 AD) – bread and circuses – with which the plebeians were kept under control during the Roman Empire. The Spanish Bourbons ruled the island until Italy united under one flag in 1860.

Winter Festival Treats and Traditions in Sicily

Winter festivities begin in Sicily with the festival that marks the day of the dead on the 1st of November, called I Morti or The Dead.
This is traditionally the day where children who have been good and pious are given presents and treats, as the Morti themselves rise from their tombs to distribute sweets and marzipan throughout the city.

As the long Sicilian summer draws to a close, magnificent processions take place throughout the cities of Sicily and artificial sweets made of marzipan and sugar made to look like fruits and vegetables appear in the shop windows.
Marzipan in Sicily is known as pasta reale, royal paste or sometimes frutta di Matorana, fruit from Matorana, named for a convent near Palermo famous for the culinary skills of its nuns.

« It is said that their mother superior, Gertrude (…) instructed the nuns to mould the pasta into fruit shapes and then hung them on the orchard trees of the cloister»[5]

In Palermo, Pupi di cena or pupi di zuccaru – literally, sugar marionettes – made from sugar moulded into various figures, are created for I Morti .They are as highly colourful as the festival’s pasta reale and are often decorated with gold or silver paper. The most celebrated pupo di cena depicts a Paladino – a dashing and colourful knight on horseback, often represented with a sword.

Paladino

Paladino

The Feast of Saint Martino falls on November 11th and marks both the end of the harvest and the arrival of the first new wines of the season. The wine is accompanied in Palermo typically by biscotti di San Martino, delicious little round pastries filled with ricotta or whipped cream, or hard, dry round snail patterned biscuits of the same name.

« Pi San Martinu, ogni mostu e vinu” – “ By the feast of St Martin, all the must has turned into wine»[6]

In the street markets you will find chrysanthemums, the local flowers of the dead, which will later decorate freshly swept graves, as well as nuts and pulses such as almonds, sugared walnuts and chickpeas.

Aneletti pasta

Aneletti pasta

Dishes eaten on San Martino include Aneletti a la siciliana, made from a pasta shape unique to Sicily whose name means “little rings”, served with a ragù of pork. Alternatively, a sauce made of local sausages with pecorino or parmesan cheese and some fresh ricotta can be prepared.

The Feast of Santa Lucia falls on the 13th of December. Lucia is the patron saint of light and vision and is, after Mary, the most venerated female Saint in Italy. In the Julian calendar, Santa Lucia’s day fell on the first day of winter. It now falls on December 13th.

Arancine

Arancine

No food from milled wheat is to be eaten on Santa Lucia’s day, and potato and rice dishes such as the celebrated fried rice balls called arancine (little oranges) are prepared. Panelle, fritters made from chickpea flour – a legacy of the Arab occupation – are also consumed. Panelle have the distinction of being the only traditional dish in Italy made with chickpea flour.

The prohibition of milled wheat is meant to honour one of Lucia’s miracles. Lucia, who lived from 283 to 304 AD, was a Sicilian from a noble family based in Siracusa. Legend has it that during a grim famine when crops had failed, a ship appeared in Palermo’s harbour bearing a cargo of wheat on Santa Lucia’s Day in 1646, saving the populace from starvation. So desperate for food were they that the ship was boarded and wheat berries were eaten raw without prior cooking or milling.

Cuccìa

Cuccìa

The legend of the raw wheat berries has been transformed into a dessert called Cuccìa, whose name reflects the Arabic word kiskiya – a type of grain. Cuccìa, wheat berries soaked and subsequently boiled and mixed with biancomangiare (blancmange), then seasoned with sugar and cinnamon and sometimes chocolate shavings, is a dish widely eaten on Santa Lucia day.

As the year draws to a close, Christmas celebrations begin. Sicily had become a poor island as time progressed and money was scarce. Santa Lucia and other local Saint’s days were given precedence over Christmas until modern times. Historically, families would take food to the Cathedral or church grounds on Christmas Eve and celebrate the arrival of Christmas day in a friendly, picnic-like atmosphere which displeased the church so much that the custom was banned altogether in 1399.

Christmas today is typified by a family cenone, or large dinner, where turkey or capon are eaten. Sweet specialities include mustazzoli – a sweet yeast-free biscuit of Arab origin modelled into different shapes to suit tastes: a holy dove perhaps, or a pagan snake or woman’s shape. Traditionally, these biscuits were made by convent dwelling nuns.

Buccellato

Buccellato

Buccellato is a ring shaped pastry served at Christmas which can also be offered at christening celebrations. Filled with almonds and figs and decorated with candied fruits, buccellato is a cheerful, plentiful and festive looking dessert.

Cannoli

Cannoli

Cannoli, literally little tubes, is Sicily’s most renowned pastry. The name of this delicious pastry is said to derive from the Arab word for canals, qanawāt. It is said to have traveled to Sicily from Al-Andalus, modern day Andalucìa. Filled with ricotta or whipped cream, sometime topped in powdered sugar, melted chocolate, crushed pistacchio or candied fruit, this small pastry is now characteristic of the South of Italy. Examples have been exported throughout the Italian diaspora, varying not only in filling but in size, from the small cannulicchi no bigger than a finger to the larger size typical of the area South of Palermo.

Zampone with lentils

Zampone with lentils

New Year was once celebrated with lasagne, a dish meant to bring good luck. Today, lentils with either cotechino – a large sausage made from the best cuts pork – or zampone – a wide sausage made from pigs trotters – are most often eaten. The lentils, shaped like little coins, are meant to symbolise wealth in the coming year.

The Christmas and New Year’s celebrations come to a close on the 6th of January with what the Italians call La Beffana, or The Witch. To us, that date is known as the Epiphany. It is said that La Beffana got it’s name through local mispronunciations of the Greek word Epifania, meaning appearance. According to legend, a benevolent witch travels around the city on her broom distributing sweets and other treats to eager children as she flies down chimneys, just as our Santa Claus does. She is often represented as covered in soot as a result.

Our potted tour of the splendours of Sicilian winter traditions now comes to an end.
I leave the last word to Anna Tasca Lanza, a Sicilian native and owner of the Regaleali country estate where perhaps the last cucina baroniale is still in practice :

« The winter sunshine in Sicily is one of the most beautiful things you can experience. I remember one magical day, one of those days I call a gift from God. The sky was blue, blue, blue, and the countryside green everywhere. From where I stood, I could see the Madonie Mountains, covered with snow, and Etna, also snowcapped, in the distance. All around me was silence, except for a few birds here and there talking to one another»[7]

Etna in winter

Etna in winter

Notes de bas de page

[1] Beatify translates into Makarizo in Greek

[2] Taylor Simeti, Mary, Sicilian Food, P. 123, ed. Grub Street, London 1989.

[3] Ibn Butlan,Tacuinum Sanitatis, published in Latin translation in Palermo 3 in the 13th C, translation Anna Steiger: Fresh peas for the infirm: pick fresh peas and put them in milk, most often almond based, and add a little salt. Then, make a well composed pasta dish and add sugar if you so desire. Cook it and eat it.

[4] Boccaccio, Giovanni, Decameron, Florence 1348-1353.

[5] Taylor Simeti, Mary, On Persephone’s Island, p.15, ed. Alfred 6 A. Knopf, Inc., USA.

[6] Sicilian saying.

[7] Tasca Lanza, Anna, The Heart of Sicily, p 207, ed. Ici la Press, Woodbury, 8 Connecticut, USA.

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La glanure de l’ordure – Fanny Pacreau – Auteure invitée http://tenzo.fr/articles/auteure-invitee-fanny-pacreau-la-glanure-de-lordure/ http://tenzo.fr/articles/auteure-invitee-fanny-pacreau-la-glanure-de-lordure/#respond Fri, 13 Nov 2015 12:04:52 +0000 http://tenzo.fr/?p=997

Etre récupérateur dans l’âme, c’est une façon de se définir, de se penser en dehors ou en l’absence de tout cadre existant. C’est aussi un peu de ce qui résiste aux tentatives d’éradication et de stigmatisation des pratiques de récupération. Faute d’avoir été prise en compte, ou exclusivement inscrite dans des projets associatifs, cette récupération informelle se marginalise et s’inscrit chaque jour davantage dans la prohibition car parasite, concurrence et entrave le système institué.

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La glanure de l’ordure

22 NOVEMBRE 2015 | PAR FANNY PACREAU

Fanny Pacreau est anthropologue. Elle s’est spécialisée dans le rapport de l’Homme à la nature et aux déchets, contribuant sur ces thèmes à différents ouvrages destinés au grand public. Elle a notamment fondé en 2013 Enquête d’ordinaire, un bureau d’études spécialisé en ethnographie et en anthropologie et apporte aux élus des collectivités locales, l’éclairage nécessaire pour la conduite de certaines de leurs politiques. Elle est par ailleurs chercheur associé au Centre nantais de sociologie (FRE 3706).
Les récupérations de Valérie Barbereau s’inscrivent dans un mode de vie végan. Au-delà d’un régime alimentaire végétalien, le véganisme est une conception morale et philosophique des relations entre espèces animales : l’antispécisme que Valérie inscrit dans le cadre d’une action militante pour le droit des animaux (2).

Les récupérations de Valérie Barbereau s’inscrivent dans un mode de vie végan. Au-delà d’un régime alimentaire végétalien, le véganisme est une conception morale et philosophique des relations entre espèces animales : l’antispécisme que Valérie inscrit dans le cadre d’une action militante pour le droit des animaux [2].

Des patates bien sûr, mais aussi, selon la saison, des citrouilles, des tomates ou des coings, des fruits et légumes complètement récupérables [1] participent au conglomérat des déchets verts. Un peu plus loin, dans le tout-venant, ayant échappé aux planifications et modes de contrôles (Harpet, 1998) se trouve un paquet de gâteaux secs périmés. Voilà sur quels « heureux » hasards compte celui ou celle qui, ici, cherche à manger.

Toutefois, la déchetterie reste un lieu de seconde zone pour se nourrir gratuitement. Les poubelles des supermarchés ou les fins de marchés lui sont souvent préférées. Selon les désaffections du jour, l’improbable garde-manger peut tout à fait se doubler d’une garde-robe vintage : vieilles paires de chaussures, vêtements, linge de maison ou encore sacs à main. L’espace bois fournit quant à lui mobilier ou combustible composite d’essences brutes, agglomérées, traitées, vernies, peintes, teintes et même mélaminées ou stratifiées. La déchetterie pourvoit ainsi à des besoins dits de première nécessité tels que manger, s’habiller ou encore se chauffer.

La conjonction des abandons et de ces besoins s’apparente à une véritable loterie. Cet aléatoire, cet état de non-savoir, c’est cela aussi être démuni. Mais, l’incertitude a tôt fait de se gonfler d’espérances. Ainsi, la perspective de découvertes vient adoucir la réalité de conditions matérielles précaires.

Anastasia. – Chacun a sa façon de voir la déchetterie, c’est ça qui est bizarre, tu vois. Nos enfants, ils vont cibler les jeux, des choses colorées. On le voit bien, c’est les choses qu’ils cherchent dans le tas. Jimmy cherche s’il reste des vis, des morceaux d’anciens meubles, les charnières, les trucs comme ça. Après, du coup, ça peut toujours resservir. Moi je suis plus à me dire : est-ce qu’il y a de la déco ?

Récupérer implique de se pencher pour ramasser des restes. Dans ce mouvement et cette finalité, Agnès Varda (2000) voit le prolongement du glanage d’autrefois. Les moissons de notre temps revêtent simplement des formes disparates. Loin de se restreindre aux céréales, l’éventail des restes s’est considérablement élargi, suivant la courbe exponentielle de production des biens matériels. La masse des récupérations, l’hétéroclisme des trouvailles découragent toute velléité de classification et en contredisent en permanence la pertinence. Ce chaos flamboyant se transporte bien souvent dans les intérieurs des récupérateurs : formes transposées de la caverne d’Ali Baba. L’hétéroclisme du butin suscite le sentiment rassurant que tout désir, quel qu’il soit, peut trouver à s’y réaliser.

Valerie Barbereau : je fais de la récup’ et du glanage depuis que je suis toute petite. Les poubelles des magasins, les fins de marchés, les déchèteries regorgent de produits divers et variés qui sont encore réutilisables. Aujourd’hui, on jette pour mieux consommer alors qu’on manque d’argent. On s’inquiète des dates alors qu’en fait les produits sont encore consommables. On peut aussi glaner dans les champs, cueillir les fruits et plantes sauvages. Il est possible de vivre avec la récup’. On peut aussi se chauffer gratuitement en récupérant des palettes et du bois tombé au sol. Mes enfants ont appris à glaner eux aussi et maintenant à l’âge adulte ils savent vivre avec peu. J’aime la récup’, c’est une manière de vivre qui me convient et que je ne suis pas prête d’arrêter.

Valerie Barbereau : je fais de la récup’ et du glanage depuis que je suis toute petite. Les poubelles des magasins, les fins de marchés, les déchèteries regorgent de produits divers et variés qui sont encore réutilisables. Aujourd’hui, on jette pour mieux consommer alors qu’on manque d’argent. On s’inquiète des dates alors qu’en fait les produits sont encore consommables. On peut aussi glaner dans les champs, cueillir les fruits et plantes sauvages. Il est possible de vivre avec la récup’. On peut aussi se chauffer gratuitement en récupérant des palettes et du bois tombé au sol. Mes enfants ont appris à glaner eux aussi et maintenant à l’âge adulte ils savent vivre avec peu. J’aime la récup’, c’est une manière de vivre qui me convient et que je ne suis pas prête d’arrêter.

Ainsi, sur ce qui pourrait être défini à priori par le terme de bric-à-brac, Pascal projette avec enthousiasme la magnificence du trésor de la caverne, comme en témoigne ce rapide inventaire : Boîte aux lettres pour un copain, parasol, tapis de gym, raquettes : vachement, stock d’assiettes en porcelaine, livres environ 1 800, trottinettes car avec deux j’en fais une, cuissardes, chaise à restaurer mais je crois que je vais la remettre à la déchetterie. Y’a des fois je récupère au cas où et puis finalement non ! Perceuses, toutes viennent de la déchetterie, tuiles qui me servent pour faire mes bordures dans le jardin, livres que je donne, que je lis. Au premier étage, dans sa chambre. Je n’achète plus de vêtements, en gros depuis 10 ans. Il revêt un blouson de cuir élimé : ça vaut très cher. Il est si fier. Pour moi, c’est à prendre en compte, je rectifie : blouson de cuir patiné. Poursuivons, clic-clac, chaises encore, matériel informatique : deux scanners, six imprimantes à partir desquels je re-fabrique. Il compte dix ordinateurs dans la pièce, et disséminés un peu partout, des accessoires informatiques [qu’il a] désossés. Mais maintenant, on ne peut plus accéder à ces déchets. Bibelots, bouquins d’histoire-géographie qui ont 3 ans, 4 ans.C’est fou et je m’instruis beaucoup de cette manière-là. Du fil électrique, des câbles, une rallonge électrique parce que je refais mon électricité. Des rideaux, toute une encyclopédie. Des palettes récupérées à la déchetterie servent de sommier pour son lit. Retour au rez-de-chaussée, dans la cuisine, tabouret, bibelots encore, yaourtière, balance Terraillon, faitout, mixeur, planche à découper, dessous de plat… Tu vois, je suis vraiment récupérateur dans l’âme.

Etre récupérateur dans l’âme, c’est une façon de se définir, de se penser en dehors ou en l’absence de tout cadre existant. C’est aussi un peu de ce qui résiste aux tentatives d’éradication et de stigmatisation des pratiques de récupération. Décrié par les hygiénistes au XXe siècle pour son insalubrité (Barles, 2005), le métier de chiffonnier disparaît dans les années 1960 et avec lui un cadre formel d’exercice de la récupération et sa reconnaissance sociale. Bien que la mécanique industrielle du traitement des déchets en soit oublieuse, cette réalité sociale se fait persistante et parfois militante. Ainsi en va-t-il également du freeganisme. Faute d’avoir été prise en compte, ou exclusivement inscrite dans des projets associatifs, cette récupération informelle se marginalise et s’inscrit chaque jour davantage dans la prohibition car parasite, concurrence et entrave le système institué.

Notes de bas de page

[1] Témoignage de Daniel Simon, récupérateur cité également dans le carnet n°2.

[2] Voir l’Arche de Valudo ou sur leur page facebook.

Pour aller plus loin:
∴ Harpet, Cyrille, Du déchet : Philosophie des immondices. Corps, ville, industrie, Paris, L’Harmattan, 1998.
∴ Varda, Agnès, Les glaneurs et la Glaneuse, Ciné Tamaris, 2000.
∴ Varda, Agnès, Deux ans après, Ciné Tamaris, 2002.
∴ Barles, Sabine, L’invention des déchets urbains. France : 1790-1970, Seyssel, éditions Champ Vallon, 2005.

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http://tenzo.fr/articles/auteure-invitee-fanny-pacreau-la-glanure-de-lordure/feed/ 0
Des parents sous influence ? – Edwige Dacheux – Auteure invitée http://tenzo.fr/articles/article-edwige-dacheux-des-parents-sous-influence-limpact-de-la-publicite-sur-les-decisions-alimentaires-dans-lindustrie-alimentaire-infantile/ http://tenzo.fr/articles/article-edwige-dacheux-des-parents-sous-influence-limpact-de-la-publicite-sur-les-decisions-alimentaires-dans-lindustrie-alimentaire-infantile/#comments Fri, 09 Oct 2015 10:10:20 +0000 http://tenzo.fr/?p=562

L'objectif de la présente étude est de décrire la manière dont les industriels spécialistes des « baby- food » ont utilisé la publicité, pour construire l'image de leurs produits.
 Le traitement de l’image publicitaire peut être riche en découvertes pour comprendre la manière dont l'industriel a utilisé la culture matérielle et la compétence des sociétés de communication pour se faire accepter sur le marché de l’alimentation industrielle et même créer un nouveau secteur : l’alimentation industrielle infantile.

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Edwige PECHON DACHEUX, enseigne l’hôtellerie et la restauration en lycée professionnel (Saint-Quentin 02). Passionnée de sciences humaines, elle se questionne depuis toujours sur les comportements et les habitudes alimentaires. Ses élèves sont alors une source intarissable de questionnements. Elle se nourri alors d’études sociologiques et anthropologiques pour tenter d’appréhender ces problématiques.
La naissance de ses deux enfants accentue ce besoin de comprendre. L’allaitement puis la diversification et l’alimentation des jeunes enfants, la passionne. Toutes ces interrogations la pousse à retrouver les bancs de l’université pour y préparer un master 2 en sciences humaines et sociales, sciences historique option histoire et cultures de l’alimentation. Elle consacre alors ses recherches à l’influence qu’exerce l’industrie alimentaire sur les devoirs nourriciers des mères de 1957 à aujourd’hui. Elle obtient son master 2 en 2014.

 

Depuis elle poursuit son cheminement sociologique pour tenter de traduire et ainsi comprendre les modifications comportementales des consommations alimentaires contemporaines.

 

Pour consulter l’ouvrage en intégralité :
Pechon Dacheux Edwige, Comment les industriels parlent-ils aux mères ? L’influence de l’industrie alimentaire infantile sur les devoirs nourriciers des mères de 1957 à aujourd’hui (2 tomes), mémoire de master 2, consultable à la bibliothèque de l’IEHCA, Tours, 2014

 

A paraître :
Pechon Dacheux Edwige, Quand les industriels parlent aux mères, Paris, éditions l’Harmattan, à paraître début 2016

Des parents sous influence ? L’impact de la publicité sur les décisions alimentaires dans l’industrie alimentaire infantile.

11 OCTOBRE 2015 | PAR EDWIGE DACHEUX

« L’homme est probablement consommateur de symboles autant que de nutriments »[1]

 

Chaque individu responsable, est aujourd’hui acteur de sa propre consommation. Il décide ainsi librement de ce qu’il ingère, et ses choix peuvent devenir alors un véritable mode de vie. Lorsque ce même individu modifie ses habitudes de vie (formation d’un couple), il modifie également ses habitudes alimentaires[2]. Alors, lorsqu’il fonde une famille, il devient logiquement, le prescripteur de l’alimentation de son enfant. A ce moment, chaque parent, se questionne sur la direction à prendre.

Présentation de la recherche

L’objectif de la présente étude est de décrire la manière dont les industriels spécialistes des « baby- food » ont utilisé la publicité, pour construire l’image de leurs produits.
Les limites du traitement de l’image publicitaire, rendent l’analyse délicate. Cependant, cette dernière, peut être riche en découvertes pour comprendre la manière dont l’industriel a utilisé la culture matérielle et la compétence des sociétés de communication pour se faire accepter sur le marché de l’alimentation industrielle et même créer un nouveau secteur : l’alimentation industrielle infantile. L’enjeu de cette analyse est de comprendre comment les industriels ont parlé aux mères à travers la publicité presse, pour faire adopter un nouveau produit devenu « bien de consommation courante ».[3]

Ce travail de recherche me guide vers des illustrations pour la promotion « d’aliments infantiles » de 1910 à nos jours. Mais comment définir cette « alimentation infantile » ? Qu’est ce qui la caractérise et qui vise t-elle ? Jean-Noël Luc tente de définir le bornage de l’enfance en se rapprochant des références médicales depuis le XVIII siècle.[4] Il fait apparaître une profonde modification des critères définissants un enfant à travers le temps. Bien que l’évolution des bornages référents pour l’alimentation infantile soit en constante évolution en fonction des époques, nous considérerons pour la présente étude que « l’aliment infantile » se définit dans notre corpus comme une alimentation spécifique pour les enfants de la naissance à trois ans.

 

Le travail de recherche ainsi présenté combine approches quantitatives et qualitatives, par une analyse sémiotique des éléments iconographiques et sociaux. Deux approches complémentaires, qui permettront de mettre en lumière, les éléments qui mèneront la réflexion centrale de recherches. Le travail de Peirce[5] sera un guide précieux dans mon analyse. Sa théorie générale des signes, insérée dans mon corpus me permettra de visualiser une perspective plus large. Le lien entre « signifiant », « référent » et « signifié » marquera majoritairement mon travail. Nous pourrions proposer une définition schématique de cette dynamique tripolaire liant le signifiant au référent et au signifié.

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J’ai ainsi lié, tout au long de l’observation, l’analyse sémiologique, l’analyse quantitative aux résultats d’un sondage via QCM, effectué sur un échantillon de 100 personnes ayant eu des enfants entre 1960 et 2013[6].

La lecture sémiotique

Les analyses du corpus ont mis en lumières plusieurs centres d’intérêt. La lecture sémiotique a permis de dévoiler des axes de travail qui ont guidé la communication des industriels sur l’ensemble temporel de l’étude. L’analyse sémiologique a mis en évidence que plusieurs axes de communications se côtoyaient dans une même publicité : le produit, le goût et la parentalité étant au centre des mouvements publicitaires. Sur fond d’évolution de couleurs, d’évolution des mœurs, d’effets de mode la constatation du changement a été claire. L’évolution des pratiques alimentaires et parentales, de la manière dont elles ont été perçues, et sont aujourd’hui perçues, met également en évidence une modification du rapport de l’homme aux sens, à son propre corps, à celui de son enfant, et surtout à l’idée de perfection parentale, qui aujourd’hui est presque devenue un idéal.

 

Reprenons tout de même ici les éléments déployés pour faciliter l’acceptation du produit.

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Voici l’illustration type de la lecture sémiologique effectuée sur chaque publicité :

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L’analyse quantitative

Les analyses quantitatives, ont quant à elle mises en avant ou isolé des éléments du discours linguistique ou iconique qui prennent tout leur sens dans la modification du statut de l’enfant. Nous pourrions avancer l’hypothèse que, le statut de l’enfant a été bouleversé, et a subit de grandes évolutions en aval des campagnes publicitaires successives. L’enfant est en effet, similairement au produit, le régisseur de l’évolution des industriels de l’alimentation infantile. Dans le corpus étudié, 100 % des publicités présentent une image accompagnée d’un texte. Ces textes, mots sont remarquablement différents en fonction des époques. « L’image des mots »[7] nous donnera une indication forte sur le message véhiculé, les axes primaires et secondaires mais aussi sur le public visé en fonction de l’époque donnée. Nous le remarquons sans détour en comparant deux publicités de marques commerciales et d’époques différentes :

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L’analyse quantitative[8] a mis en évidence l’importance des mots, des images, des couleurs, des graphismes, en fonction des périodes de communication. Le produit, qui peut être reconnu comme «innovation[9]», de par ses caractéristiques historiques et sociales, évolue et fait évoluer les consommations des familles françaises. L’histoire des baby-food ne s’arrête pas avec la fin du corpus et pour émettre quelques hypothèses sur « l’avenir de l’histoire ».

Sociologie des consommations et des consommateurs

 Le consommateur-parent qui est-il ?

L’essor des grands magasins introduit la consommation de masse, le «petit peuple», commençant à côtoyer la bourgeoisie et contribue à donner à la femme un statut privilégié, dans la mesure où elle devient la cible favorite des commerçants [10]. Cible encore plus prisée sur le marché de l’alimentation infantile industrielle puisque le processus d’achat de ce type d’aliment est bien particulier : les acheteurs (les parents) décident pour les consommateurs (leurs bébés) sur prescription du corps médical et de l’entourage. Les acheteuses ont également changé de profil avec l’évolution de l’histoire du produit et son acceptation. Effectuons une comparaison entre le tonnage de baby-food vendu en France et les chiffres du travail des femmes pour justifier la corrélation entre nos deux variables.

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Nous constatons clairement que l’évolution des deux courbes proposées est similaire. Ceci nous donne donc une indication sur le facteur favorisant l’achat de produits type «baby-food » dans les familles françaises. Les industriels vont alors déployés au fil des époques les arguments « santé », « sensibilité sensorielle », « la naturalité », les marques à coup de labels de d’arguments influencent la décision d’achat du consommateur parent.

Les recettes marketing sont les meilleures

Il est également aisé de constater que les publicitaires utilisent à souhait la pyramide de Maslow, l’analyse via la méthode SONCASE [11], en jonglant agilement avec les freins et les motivations de l’acte d’achat selon Joannis [12]. La publicité doit répondre au modèle AIDA[13] afin d’assurer continuellement l’attention du futur acheteur et assurer la fidélisation de ce dernier.

Bibliographie

∴ Anne Dupuy, Plaisirs alimentaires socialisation des enfants et des adolescents, Presse universitaire François Rabelais, 2013
∴ Baudez Hélène, Le goût ce plaisir que l’on dit charnel dans la publicité, Paris : l’Harmattan, 2006
∴ C. Randimbivo-lolona , Comment l’industrie agroalimentaire remplit nos assiettes? Edition le square, 2013
∴ Collectif, Alimentation contemporaine, Editeur : L’Harmattan, 2002
∴ Dagnaud Monique, Enfants, consommation et publicité télévisée, texte imprimé, Paris : La documentation française, 2003
∴ De la ville Valérie Inés , Brougère Gilles, On ne joue pas avec la nourriture !, 2011, Observatoire Cniel des habitudes alimentaires (les cahier de l’Ocha)
∴ Fabiola Flex, Pr Patrick Tounian, L’alimentation de vos enfants, enquête sur le marketing et les idées reçues, Denoël, 2010
∴ Lambert J.-P. ; Poulain J.-P. « Les apports des sciences humaines et sociales à la compréhension des comportements alimentaires », La santé de l’homme, n° 358, mars-avril 2002
∴ Marie Emmanuelle Chessel, Histoire de la consommation, Paris, La découverte, 2012
∴ Martin Marc, trois siècles de publicité en France, Paris : O.Jacob, 1992
∴ N. Sapena, L’enfant jackpot, Protégeons nos enfants contre les abus, Edition Flammarion, 2005
∴ Pierre Volle, Denis Darpy,Comportem-ents du consommateur et décisions marketing, Editions Dunod, 2012

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Conclusion

A l’origine de cette étude, il y avait un désir : celui de comprendre comment les industriels se sont adressés et s’adressent aux mères pour promouvoir une alimentation infantile industrielle. Nous pouvons ainsi avancer deux hypothèses, nées de cet exercice « d’enquête » : Les axes principaux qui marquent l’évolution temporelle sont les réels acteurs de l’acceptation de l’innovation alimentaire et il se passe dans les années 1980, une modification du statut de l’enfant qui influe en autre sur les comportements des mères responsables des achats alimentaires.

 

Le produit baby-food est devenu une innovation acceptée par les familles françaises au fil de l’histoire. Pour cela, les industriels ont déployés divers axes de communications répondant tous aux demandes conscientes ou inconscientes des acheteurs. On les a successivement rassuré, culpabilisé, émerveillé, fait fantasmé, séduit. La décision d’achat semble être un fait social total qui implique de nombreux facteurs sociaux et humains. Les industriels l’ont compris et développent ainsi leurs axes de communication en fonction de l’aire sociale et des envies humaines du moment. Nous notons dans cette évolution publicitaire, un virage dans la considération de l’enfant dans la famille. Cet élément transpirant dans les publicités pour l’alimentation infantile, mérite cependant d’être analysé sous d’autres angles pour éviter d’apporter un regard biaisé sur cette affirmation.

Notes de bas de page

[1] Jean Trémolière, Diététique et art de vivre, Guides pratiques seghers, 1977, 323p.

[2] Kilien Stengel, hérédités alimentaires et identité gastronomique, suis-je réellement ce que je mange ?, 2014, 122p.

[3] Un bien de consommation désigne un produit fabriqué destiné au consommateur final.

[4] Jean-Noël Luc, « les premières écoles infantiles », in Egle Becchi et Dominique Julia (Dir.) Histoire de l’enfance en Occident, tome 2 du XVIIIe à nos jours, Paris, Le Seuil, 1998, p.325.

[5] Charles Sanders Peirce, Ecrits sur le signe, Seuil, 1978

[6] Dacheux Edwige, Mémoire de master II, annexe 1, tome II, p.1 à 3

[7] Martine Joly, Introduction à l’analyse de l’image, Paris, Armand Colin, 2013, p.91

[8] Dacheux Edwige, Mémoire de master II, tome I, p.70

[9] Selon le site Internet : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/innovation/43196, consulté le 30/06/2014 : « Processus d’influence qui conduit au changement social et dont l’effet consiste à rejeter les normes sociales existantes et à en proposer de nouvelles ». Jean Pierre Williot définit l’innovation comme : « L’acceptation d’un changement qui se caractérise par la modification des usages sur une durée longue et sur un large public », 14/03/2014

[10] Benoît Heilbrunn, La consommation et ses sociologies, deuxième édition, Paris, Armand Colin,
p.9

[11] Richard Ladwein, Comportement du consommateur et de l’acheteur, Economica, 2003, 400 p.

[12] Henri Joannis, de l’étude de la motivation à la création publicitaire et à la promotion des ventes, Erreur Perimes Dunod, 1983, 444 p.

[13] Attirer l’Attention, Susciter l’Intérêt, Provoquer le Désir, Inciter à l’Action


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